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Le gardien de nos frères, roman d'Ariane Bois

Par Mpbernet

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Même quand on a lu des centaines d’ouvrages sur la seconde guerre mondiale, la Résistance et les drames de la persécution des français de confession juive dans l'indifférence de leurs concitoyens de la France de Vichy (à quelques notables exceptions près), on a constamment les larmes aux yeux à la lecture de ce roman bouleversant.

Les rafles, la séparation des familles, l’horreur des camps, la détresse de ces enfants dont on modifie l’identité et qui sont prestement cachés dans des familles à la campagne … Puis, les difficultés du retour, le choc de la mort de leurs parents, l’attente parfois d’un hypothétique retour, le silence des survivants qui se reprochent à eux-mêmes d’avoir échappé à l’Holocauste (se souvenir du récit autobiographique de Simone Veil « Une vie »), la résilience, la reconstruction … Tout ici est raconté avec pudeur, dans une fresque réaliste où le malheur voisine avec de grandes joies.

Nous suivons Simon Mandel, fils d’une famille privilégiée du VIIème arrondissement, dont le père avocat et ancien combattant des deux guerres est raflé par la police française, puis sa mère, se réfugie dans le midi, prend le maquis, est gravement blessé, revient dans une maison vide à la fin des combats. Il s’enrôle dans une organisation juive  - les Dépisteurs - qui s’est donnée pour mission de retrouver et rendre à leur famille les petits réfugiés dispersés afin de retrouver son petit frère Elie dont on a perdu la trace. Il va faire équipe avec Lena, rescapée du ghetto de Varsovie, indomptable et guerrière.

Difficultés immenses à situer ces enfants dans un pays en pleine désorganisation, situations diversifiées des familles d’accueil – certaines se sont terriblement attachées à ces petits, d'autres les traitent comme des esclaves, des religieux les baptisent et refusent de les rendre (comme la célèbre affaire des enfants Finaly) …-  l’ouvrage s’appuie sur une documentation fouillée que la forme romanesque rend sensible et concrète.

J’ai eu l’occasion, personnellement, il y a fort longtemps, de rencontrer le président d’une compagnie de navigation qui m’a raconté son enfance cachée dans une famille charentaise puis sa jeunesse dans plusieurs maisons d’enfants. Il rendait hommage à ces Justes qui avaient risqué leur vie pour sauver celle de ces enfants mais il restait, après tant d’années et une réussite intellectuelle et professionnelle éblouissante, profondément marqué par cette tragédie, au point d’en parler à une femme qu’il ne connaissait absolument pas cinq minutes avant. Je n’ai jamais oublié.

Pour ceux et celles qui ignorent encore cet aspect épouvantable de l’histoire de France dont les derniers témoins disparaissent les uns après les autres, ce livre apporte un éclairage émouvant. Il se lit comme un souffle, dans un style de belle facture. J’ai beaucoup aimé … tout en m’interrogeant sur les relents d’antisémitisme et de négationnisme qui traînent encore aujourd’hui dans certains cercles de notre société qui n’a rien appris, rien oublié.

Le gardien de nos frères, roman par Ariane Bois, Editions Belfond, 394 p. 19€


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