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BANG GANG, une histoire d’amour moderne : le teen movie libertin

Publié le 15 janvier 2016 par Efflorescenceculturelle
BANG GANG, une histoire d’amour moderne : le teen movie libertin

Certains doivent se dire : encore un film érotico-romantique sur la jeunesse dépravée, aux antipodes de la réalité. Bang Gang se situe en effet dans cette lignée de films qui inaugurent un changement dans le traitement des relations amoureuses au cinéma. Devenues bien plus érotiques voir provocatrices, ces jeunes romances deviennent presque symptomatiques de notre époque. Incarnée par Larry Clark et sublimée par Gaspard Noé dans ou Abdelatif Kéchiche dans La vie d'Adèle , Eva Husson suit cette tendance avec justesse et féminité.

Au sein d'un groupe de lycéens sont peu à peu organisées des partouzes géantes sous produits illicites. Dans l'euphorie d'une jeunesse en perte d'emprise et d'espérance en un monde bancal dominé par des accidents ferroviaires, la sexualité désinhibée et collective, devient un purgatoire.

Un plan mystérieux d'un jardin dans la pâleur d'une matinée, le chant des oiseaux et la verdure occupent le cadre, une jeune fille court nue dans ce qui n'est pas sans rappeler le jardin d'Eden. La disparition de la jeune Eve donne le champs libre à un grondement plus obscure et la caméra se retourne et devient témoin de la frénésie sexuelle à laquelle s'adonnent ces lycéens euphoriques. En un plan séquence résume le film, c'est la pureté de la chair. La frontière entre le bien et le mal est gommée, et c'est le déséquilibre provoqué chez les adolescents qui va les pousser à avoir des relations sexuelles collectives. Cette opposition se lie aussi dans certaines relations entre les personnages. Gabriel (Lorenzo Lefebvre) , personnage un peu simpliste et figure angélique comme l'évoque son prénom, ses cheveux bouclés et sa sagesse, s'accouple avec George (Marilyn Lima). Elle est au contraire un personnage plus complexe que les autres; ni fille, ni garçon, ni femme, ni enfant, instauratrice du Gang Bang sans y prendre véritablement part. Elle sera finalement prise pour responsable lorsque ces soirées prendront fin, en ayant céder une fois à la tentation " chaleur, bonheur ". C'est finalement l'ange Gabriel d'inspiration Larry Clark dans the Smell of us qui va incarner la force positive qui la remet dans le droit chemin. C'est ainsi que dans , tout est affaire d'opposition et d'équilibre.

La notion de collectif est à la fois sommaire et très importante car elle régit les pratiques sociales et sexuelles des protagonistes. Elle s'incarne dans les partouzes et les réseaux sociaux. En revanche, la solitude se fait sentir à l'intérieur du groupe dont les relations sont superficielles et détachées. C'est sans doute le parti pris le plus plaisant dans ce film et l'élément qui provoque chez nous une certaine sympathie pour ces personnages que les regards caméra isolent et formant des instants privilégiés avec eux. Ces regards sont des fenêtres ouvertes sur le for intérieur et leurs questionnements personnels.

Quant à la sexualité le geste est naturelle, et la capture en soi n'est pas dénaturée. réussi tout de même à acheminer son film d'une manière remarquable. L'installation de ses jeux se fait progressivement, et entre dans l'ordre des choses. La sexualité chez ces jeunes occupe une place très importante dans leur relation, la nudité est normalisée, les films pornographiques ne sont pas tabous et se regardent même collectivement. Le Bang Gang est accepté par tous, sans forme de jugement et relayé par les réseaux sociaux. C'est une sphère sécurisante dans laquelle se morfondent les personnages inconscients des risques et qui se heurtent finalement à la dur réalité des réseaux sociaux et des MST. Le danger et l'insécurité se ressentent autour d'eux par le biais d'accidents ferroviaires relatés en voix-off, comme un leitmotiv étouffant. Finalement, dans son style photographique et dans son traitement de la lumière, se rapproche plus de Sofia Coppola que de Larry Clark . Il n'y a aucune perversité de la part de la caméra, ni usage égoïste ou inutile de la nudité ou de l'érotisme. La lumière naturelle vient sublimer des plans ingénieux et soignés dans une douceur féminine qu'il manquait à ce cinéma.

Dans cette adaptation d'un fait divers réel, la réalisatrice parvient à retranscrire les questionnements de l'adolescence dans un contexte à part, isolé et exceptionnel. La découverte et l'acceptation de son corps, la perte d'équilibre, la solitude, la perversité des réseaux sociaux, les conflits de génération et l'insécurité intrinsèque dans laquelle notre génération évolue. Bang Gang marque de même une perte de romantisme et de naïveté face à une sexualité sacralisée, dans la vie comme dans le cinéma. Cependant, intitulé accessoire et repoussant oblige, la découverte de l'amour figure au programme lorsque finalement, une scène puissante et mémorable scelle le jeune couple du film, George et Gabriel.

On se serait bien passé de la précision qu'introduit le titre. Précaution du CNC ou décision réfléchie de l'auteur, la lecture qu'il impose est trompeuse. Le film ne prétend pas montrer comment les jeunes copulent tous entre eux, prennent de la drogue et attrapent des MST. Bien au contraire, leur situation est isolée, et cela est marqué par un cadre spatio-temporelle flou et peu reconnaissable. Malheureusement, certains éléments font perdre au film sa crédibilité comme le jeu de certains acteurs. Le ton lascif et langoureux de la jeune Daisy Broom dans la peau de Laetitia qui s'adonne à un sur-jeu gênant pourrait presque former une raison suffisante pour détester ce film. Gabriel incarné par Lorenzo Lefebvre ne parvient à dépasser son vide expressif que dans la scène d'amour avec Marylin Lima. Cette dernière, en revanche fait une prestation remarquablement juste et attachante sans avoir l'expérience de ses camarades. Pour finir, soulignons la B.O géniale, à base de Brodinski, Louisahhh et Véronique Sanson, moderne, pop et intemporelle.


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