Jay-Z « The Black Album » @@@@½
Sagittarius Laisser un commentaire« From my hard knock life time to the gift and the curse/I gave you volume after volume of my work so you can feel my truth/I built a dynasty by bein one of the realest niggas out way beyond reason yall can’t doubt/ From my blueprint beginning to my Black Album ending/If you listen close you’ll hear what i’m about » rappe Jay-Z sur « Moment Of Clarity« , produite par Eminem. Un refrain d’anthologie retraçant toute sa discographie et un parcours hors du commun : deux classiques (Reasonable Doubt et Blueprint), une trilogie, un album du Roc A Fella au complet (Dynasty), un live accoustique (MTV Unplugged), un album duo avec R Kelly (puis un second l’année d’après) et un double-album (Blueprint 2: The Gift & The Curse). Total des courses : près de vingt millions d’albums vendus.
Chronique originale écrite en 2004 revue en 2016
The Black Album, l’album noir d’un très grand artiste rap qui a su mener de bout en bout une carrière incroyable, en progression constante de 1996 à fin 2003. Jay-Z le King de New York ou même le King du rap tout simplement, bouclant la boucle avec ce « dernier » album avant une « retraite » anticipée. Contrairement à ces albums précédents, le Black Album n’a pas de concept précis, juste se surpasser une dernière fois et clore en beauté pour sortir par la grande porte. Et pour celà, Jiggaman a convié une pléiade de producteurs confirmés ou rookies et à l’inverse n’a sollicité strictement aucun featuring. Plutôt que de faire la fête, Jay-Z donne de son plus haut niveau pour vraiment satisfaire son public une ultime fois. Ce fut un salut pour nous et son empire Roc A Fella Records.
Commençons par le commencement, c’était un 4 Décembre 1970 (« Decembre 4th« ). Une véritable dédicace à sa mère, d’ailleurs invitée pour témoigner sur ce morceau gorgé d’émotions, et aussi à ceux qui l’ont poussé à être le rappeur qu’il est maintenant. Just Blaze ne signe pas que cette fantastique production mais aussi « Public Service Announcement« , faisant office d’interlude de choix puisque le beat est surprenant, les orgues puissants, autant que la prestation de Jay-Z nous faisant une Nième présentation succincte de l’empire a bâti durant sept ans. Un retour aux sources aussi, une rétrospection sur son passé de hustler sur « Justify My Thug » (produit par un étonnant DJ Quik qui s’inspire de Madonna pour le refrain). TBA était le moment ou jamais pour Jay-Z de collaborer avec des producteurs avec qui il n’a jamais eu l’occasion de travailler par le passé, et le choix de DJ Quik -intimé par un ?uestlove qui a fait office de conseiller artistique- demeure excellent. Cela ne sera d’ailleurs pas le seul, on va y venir au fur et à mesure.
The Black Album n’oublie pas heureusement nous, son public, qu’il remercie sur le hit imparable « Encore » (produit par Kanye West), un adieu à la scène où le public en fin de chanson en réclame leur idole. « 99 Problems » était la curiosité de cet album et peut-être aussi le meilleur morceau. Une production rock old school scratchée signée Rick Rubin (grand architecte musical et co-fondateur de Def Jam Recordings) à la fois diablement surprenante et violente, mettant à l’épreuve le talent lyrical et le flow de Jay-Z, qui reprend pour le refrain une phrase de Ice T « I got 99 problems but the bitch ain’t none ». Mention excellent pour le jeune 9th Wonder des Little Brother, reprenant sur « Threat » un sample de R Kelly et un beat très inspiré de Pete Rock ou DJ Premier pour un texte de Jayhovah qui fait froid dans le dos, une facette menaçante que l’on observait que rarement. On n’oublie pas non plus Timbaland qui produit la bombe sonique « Dirt Off Your Shoulders« , bounce comme d’habitude et cet air entêtant halala, un beat pour un Shawn Carter toujours à l’aise qui a négocié durement avec Timbo pour qu’il crache son meilleur beat en stock. Et puis les Neptunes bien sûr, sont de la partie avec l’intrus du Black Album, « Change Clothes. » Pianotée et chantée par Pharrell Williams, cette chanson est dédiée à la gente féminine, et avec classe. Mais ce single dénotait par rapport à tout l’album entier. Pour rattrapper le coup, le duo d’extraterrestres mettent en scène le théâtre d’une vie dictée par Jay-Z sur le splendide « Allure« . Là aussi Jay-Z a discuté avec Pharrell pour réclamer une création originale.
Et en conclusion, la der des der avec « My 1st Song« , où Jay-Z a repris sont flow de ses débuts pour faire une immense dédicace à tous ses proches. Voilà pour ce ‘happy end’. Tout le monde regrette ce départ à la ‘retraite’, mis à part les pro-Nas à l’époque. C’était dommage pour eux car The Black Album est très, très bon, à tel point que certains le considèrent comme son dernier classique. On en aurait redemandé ! Mais bon, une page de l’histoire du Hip Hop s’est tournée, et le trône est resté vacant après cette sortie. Jay-Z est resté à cet instant comme, le clame-t-il, « the best rapper alive », et seul une infime quantité de rappeurs peuvent le faire douter. Pour finir avec cette phrase tirée de ce titre grandiose « What More Can I Say« :
« I supposed to be number one on everybodys list/ We’ll see what happens when I no longer exist/ Fuck this ».
Ce n’était qu’un au-revoir…
Epilogue : Il s’est passé de nombreuses choses jusqu’à son come-back à la rentrée 2006. D’abord, The Black Album a été une source d’inspiration pour de nombreux beatmakers et rappeurs qui l’ont détourné de plein de différentes façons, le meilleur restant The Grey Album de Danger Mouse en utilisant des samples des Beatles. Alors que Jay-Z fut nommé à la présidence de Def Jam (où il signera Ne-Yo, Young Jeezy, Rihanna et Rick Ross), Roc A Fella Records s’est retrouvé découpé en morceaux et les artistes n’ont pas tous eu la chance de rester chez Def Jam , ou mieux, sortir un album. Pendant ce temps-là, Jigga avait du mal à rester éloigné du micro puisqu’il enregistrera la suite de Best of Both Worlds avec R Kelly et réalisera l’EP commandé par MTV Collision Course avec les Linkin Park. Il sera également le producteur éxecutif de Food & Liquor de Lupe Fiasco et The Rising Tied de Fort Minor, ne manquant pas de lâcher des couplets ici et là dès que l’occasion se présentait…