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[DVD] L’odeur de la mandarine, l’insidieuse culture du viol

Par Rémy Boeringer @eltcherillo

[DVD] L’odeur de la mandarine, l’insidieuse culture du viol

L’odeur de la mandarine, le dernier film de Gilles Legrand, sorti en septembre dernier en salle, sortira en DVD le 8 février 2016. Bien que portant la lumineuse Georgia Scaliett, issue du monde théâtral, pour son premier rôle au cinéma et qu’elle soit accompagnée du talentueux Olivier Gourmet, il s’enlise dans les charmes (très) discrets de la bourgeoisie avec une beaucoup de maladresses.

À l’été 1918, alors que la guerre des tranchées fait encore rage, Angèle (Georgia Scaliett), une fille-mère dont le compagnon est mort sur le front se fait embaucher en tant qu’infirmière par Charles (Olivier Gourmet que l’on a vu dans La marche et En mai fais ce qu’il te plait), un officier de cavalerie cul-de-jatte. Une relation d’amitié se noue sous l’œil bienveillant de Louise (Marine Vallée), la fille d’Angèle et l’œil désapprobateur d’Émilie (Hélène Vincent que l’on a vu dans Samba), la sœur de Charles.

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Angèle (Georgia Scaliett) et Louise (Marine Vallée)

L’odeur de la mandarine, en voilà un titre qui évoque le sud, qui évoque les senteurs de l’enfance ou encore un sentiment nostalgique. L’odeur, c’est un sens volatil, presque insaisissable. On pense que l’onirisme aura sa part dans le récit. Ou du moins, une certaine poésie. Malheureusement, Mandarine est une jument qui attend de se faire saillir. On la sent moins la poésie. D’autant plus que l’histoire de Mandarine est un parallèle avec celle d’Angèle et de Charles qui ont bien du mal à conclure leurs affaires. À vrai dire, Charles veut se taper la bonne et comme la bonne est veuve de guerre sans s’être mariée, la voilà qui accepte de se marier sans amour pour combler les appétits sexuels du maître des lieux, une fois par semaine. C’est quasiment un contrat de mariage à la 50 nuances de Grey qui est conclu, le côté SM en moins. Dès lors, Legrand s’évertue à vouloir faire fonctionner une histoire profondément immorale où un riche bourgeois se paie une prostituée à domicile en tentant de la parer des vertus de la tendresse et de l’amour. Il y a de la fragilité dans cet homme amoindri, certes, et la jeune femme est présentée comme particulièrement libre pour son époque mais, honnêtement, on a du mal à accrocher au romance « syndrome de Stockholm ». Charles n’a à offrir que sa position sociale. Cette histoire d’amour sans amour, tout à fait symbolique des tristes valeurs bourgeoises, est mis en avant avec une véritable empathie.

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Angèle (Gerogia Scaliett) et Charles (Oliver Gourmet)

Les témoignages des différents acteurs et du réalisateur sont assez intéressants à ce sujet. Le réalisateur avoue en premier lieu aimer les chevaux et avoir voulu avant tout mettre en scène un film dans un milieu équestre. Au milieu des chevaux, il y a donc un couple qui se cherche et dont les relations sont calquées sur une saillie. Georgia Scaliett, s’étonne du rendu à l’écran des scènes qu’elle a tournées. Elle loue la magie du cinéma. Avouons au moins que la photographie de L’odeur de la mandarine, sans rien révolutionner, est tout à fait agréable et que les quelques scènes fantasmées par Angèle où elle attend son homme défunt dans la forêt, ou apparaît parfois un cerf, sont les rares instants potentiellement émouvant. Olivier Gourmet, quant à lui, issu du cinéma social, à accepter de jouer dans le film, car il apprécie les metteurs en scène qui savent où ils vont, confie-t-il. Cependant, il revient quand même sur les désaccords significatifs qu’il avait avec le scénario. Gourmet pensait qu’il aurait fallu plus de violence symbolique, plus de difficulté entre les deux amants, plus de moments où l’incongruité de leur relation se révélerait en somme. À sa suite, on ne peut qu’acquiescer. Ce qui manque à L’odeur de la mandarine pour être un film marquant est bel et bien de l’âpreté. Bien que son sujet soit apte à tourmenter nos consciences, à saisir au vol les ambiguïtés morales d’une telle relation basée sur l’intérêt pécuniaire, Legrand s’en affranchit en tentant de faire naître des sentiments amoureux entre les personnages. Ce n’est pas parce que l’on choisit une femme forte pour subir ces offenses que celle-ci doive être adoucie pour ne pas choquer le spectateur. À notre sens, c’est une erreur de jugement. Presque une justification. On a pensé à La leçon de piano, autre film qui, l’air de rien, fait l’apologie nauséabonde de l’attouchement non consentie comme manière convenable de flirter.

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Léonard (Dimitri Storoge que l’on a vu dans Un illustre inconnu) et Charles (Olivier Gourmet)

Peut-on considérer qu’une relation sexuelle payée est tout à fait consentie ? À partir du moment où les deux acteurs ne sont pas à égalité, ici par domination financière, nous affirmons que non. Derrière la photographie de L’odeur de la mandarine et l’interprétation plaisante des acteurs, elle est là, insidieuse, la culture du viol. Il y a vingt-trois ans, cela valait une palme d’or pour Jane Campion, réalisatrice de La leçon de piano, la première et dernière femme récompensée par le Festival de Cannes. Un comble.

Boeringer Rémy

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