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Institutionnalisation d'une justice d'exception : le retour du coup d'état politique permanent ?

Par Sergeuleski

   Dans un entretien à la BBC du 22 janvier, Manuel Valls - la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf -, petit homme médiocre, "bonne à tout faire" dont les certitudes martelées d'un geste "couperet" et d'un bras qui pourrait, dans d'autres circonstances, tout autant être levé haut, bien haut et pas seulement baissé, sont la marque d'un esprit obtus d'une ignorance crasse, a annoncé qu’il « faudrait que l’état d’urgence reste en place jusqu’à ce que Daech soit éradiqué ».

Cinq jours plus tard, le Conseil d’Etat dont les membres inamovibles ont baissé cent fois leur culotte ces dix dernières années devant les pressions des occupants successifs de l'Elysée et de Matignon (de même en ce qui concerne le Conseil constitutionnel), a rejeté en toute indépendance - c'est de l'ironie ! -, la requête de suspension de l’état d’urgence déposée par la Ligue des droits de l’homme, au motif fumeux que cet état d’urgence ayant été promulgué par la loi, ce n’est pas au juge administratif de statuer.

Mais alors, les avocats de la LDH ne connaîtraient donc pas leur droit ?

A cette ligue, il lui reste à se tourner vers le Conseil Constitutionnel dont la réputation n'est plus à faire non plus ; ce même Conseil constitutionnel validera à la demande de Matignon, 7 assignations à résidence d’écologistes considérés dangereux pour l’ordre public à l’occasion de la tenue au Bourget de la Cop2.

Ca promet.

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   En octobre dernier, un mois avant les attentats de Paris et Saint-Denis, un livre paraissait de Vanessa Codaccioni, maître de conférence en sciences politiques à Paris 8, aux éditions du CNRS : "Justice d’exception. L’Etat face aux crimes politiques (et) terroristes".

Les premières pages de l'ouvrage s’ouvrent sur la mise en évidence du rôle essentiel d’une institution, la Cour de sûreté de l’Etat (créée en 1963 et supprimée en 1981) dans l’institutionnalisation de la justice d’exception : « Le cas de la Cour sûreté de l’Etat permet de saisir comment l’exception peut, progressivement, s’intégrer dans le système démocratique, mais aussi, plus généralement, permettre la diffusion de pratiques mobilisées dans des contextes plus ou moins sécuritaires et contre toute forme d’opposition ».

   Un entretien avec l'auteure est disponible ICI sur France Culture

   Coup d’Etat politique permanent ; dévaluation de la justice, volonté de la contourner ; radicalisation de la logique sécuritaire tous partis confondus, du PS au FN parce qu'aujourd'hui, il est vrai que la contestation et la subversion peuvent venir de partout : contestations sociale, écologique, judiciaire, politique) ; mise en place d’outils policiers tels que le fichage des individus, les écoutes, le piratage informatique loin du regard des juges ; utilisation policière d’une juridiction politique ; menace politique intemporelle et permanence d’une justice d’exception ; répression avant procès, intimidation…

Une série de questions que les médias ne traitent jamais, sans doute pour ne pas indisposer les occupants de l’Elysée et de Matignon, et ne pas effrayer leurs auditeurs, lecteurs et téléspectateurs ; ces pauvres téléspectateurs à la merci de BFM-TV et d’un journal de 20H qui n’est qu’une grande farce tragi-comique, qui croient naïvement que l’Etat le protègera, alors que l’Etat ne protège que l’Etat. De plus, jamais un acte terroriste n’a mis en danger l’Etat ; l’Etat sort toujours plus fort d’une campagne d’attentats, et les victimes et leur famille plus faibles et plus dépendants encore.

   Mais au fait, comment s’institutionnalise cette justice d’exception ? Vanessa Codaccioni nous rappelle qu’il y a en France une longue tradition de recours à la justice d’exception : l’Empire, Vichy, la Libération, la guerre d’Algérie...
Rappel qui n’est pas fait pour rassurer les amoureux sincères de la liberté politique et de la liberté d’expression qui savent ce à quoi la défense de cette liberté engage ainsi que tous ceux qui ont quelques idées à partager qui ne soient pas celles de médias qui ne parlent plus que d'une seule voix ou presque.


Un exemple à propos de l’institutionnalisation d’une justice d’exception et ses conséquences sur le long terme : créée par « précaution nationale », la Cour de sûreté de l’Etat qui voit le jour en 1963 aura une durée de vie de 18 ans ; cette cour aura pour mission de juger les personnes accusées de porter « atteinte à la sûreté de l’Etat » ; on ne manquera pas de noter qu’il s’agissait bien de protéger l’Etat et non l'homme et la femme de la rue.
   Quel est le profil type du magistrat politique, ce magistrat qui accepte de servir une justice d’exception : Vanessa Codaccioni a relevé ceci chez chacun d’entre eux : ce sont des magistrats de province ; des magistrats qui ont construit leur carrière dans une volonté de proximité avec le pouvoir politique en multipliant les détachements dans des cabinets ministériels, à la chancellerie ; ce sont des membres du parquet et d’anciens avocats.


A noter que sous de Gaulle, cette justice d’exception était  exercée par des magistrats spécialisés dans la répression politique ; tous étaient membres d’une juridiction ou de tribunaux militaires d’exception qui ont jugé les membres de l’OAS comme ceux des mouvements de libération de l’Algérie.

  
   Institutionnalisation d'une justice d'exception, Etat d'urgence reconduit... ce qui ne semble pas pris en compte c’est la perspective du risque de légalisation de dispositifs d’exception qui les rend réutilisables pour d’autres fins que le terrorisme politique jihadiste, l’Etat verrouillant avec la complicité des institutions et un Parlement aux ordres tout débat selon le principe qui veut que « qui n’est pas avec moi est contre moi et pour la menace qui nous fait face !»… légalisation qui prépare un avenir bien sombre à tous ceux qui, bon an mal an, seraient susceptibles de remettre en cause un nouvel ordre mondial qui plonge toutes les sociétés occidentales dans une remise en cause intraitable des protections, et autres acquis sociaux, et des chances de progrès pour le plus grand nombre car, qu’on le veuille ou non, toutes ces décisions mettent en danger tous ceux qui seront appelés dans les années à venir à contester une organisation de l’existence dans laquelle seuls le profit, la marchandise et l’abrutissement auront droit de cité.

   Avec toutes ces décisions successives rendues depuis deux ans, c’est un véritable plan d’action, un véritable programme concerté qui est établi : l'Etat français a carte blanche ! Et quand on connaît son histoire ainsi que celle de son parlement et de ses élus, on peut sans hésiter craindre le pire.

   Il est vrai qu'ils ont pour eux l'opinion publique ; cette pauvre opinion d'un public qu'une propagande concertée assomme jour après jour jusqu'à l'abrutissement et la neutralisation de ses capacités de raisonnement et leurs corollaires : méfiance et alerte.

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Pour prolonger, cliquez : Conseil constitutionnel, conseil d'Etat : forfaiture


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