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27 - Penser le fait religieux : Pierre Manent et Jean Birnbaum

Par Plumesolidaire
27 - Penser le fait religieux : Pierre Manent et Jean Birnbaum

La réponse aux attentats de janvier 2015 appelait un renouvellement des idées, des dispositions et des actions de notre pays. Perdurent au contraire les manières de penser les plus paralysantes : la « laïcité » serait la solution au « problème de l'islam », l'effacement de la présence publique du religieux serait la solution au problème des religions. Tout est faux dans cette thèse. Au lieu de chercher une neutralité impossible, qui couvrirait en fait une guerre sournoise, nous devons accepter et organiser la coexistence publique des religions, leur participation à la conversation civique.


En entrant dans la communauté nationale, l'islam est entré dans une nation de marque chrétienne, où les juifs jouent un rôle éminent. Toute politique qui ignore cette réalité court à un échec cuisant, et met en danger l'intégrité du corps civique. Il s'agit donc, tout en préservant la neutralité de l'État, de faire coexister et collaborer ces trois « masses spirituelles ». Loin que la mondialisation réclame l'effacement de la nation et la neutralisation de la religion, c'est son indépendance politique et spirituelle, et son ouverture au religieux, qui permettront à la France de franchir en sûreté et avec honneur la zone de dangers dans laquelle elle est entrée.

Source : philomag

Un contrat social pour l’islam. Telle est la proposition du philosophe libéral Pierre Manent pour que les Français musulmans trouvent leur place, en tant que citoyens et croyants, dans la Cité.

Les attentats de janvier à Paris ont bouleversé l’opinion et mis à mal la manière dont chaque camp se positionnait face à l’islam. Et pourtant, nous avons tourné la page pour nous réinstaller dans le confort de nos anciennes certitudes. C’est dans le but de nous sortir de cette léthargie que Pierre Manent, disciple de Raymond Aron et de Leo Strauss, spécialiste de Machiavel et de la pensée libérale, a écrit cet essai posé mais audacieux. Tous les « partis » étant pris à revers, la lecture vaut le détour.

Premier moment : l’état des lieux. Manent prend acte du désaccord entre, d’un côté, une opinion occidentale pour qui la société est l’organisation et la garantie des droits individuels, et, de l’autre, une opinion musulmane (l’auteur n’ignore pas la multiplicité des composantes de cette opinion, mais essaie de cerner ce qui relie les musulmans entre eux, par-delà leurs divergences) pour qui c’est l’ensemble des mœurs, fondé ultimement sur la loi religieuse, qui fournit la règle concrète de la vie bonne.

Comment aménager une issue politique à ce désaccord ? Beaucoup dans l’Hexagone pensent qu’il existe déjà : c’est l’ambition de la laïcité à la française. Ne peut-on imaginer que ce qu’elle a accompli hier avec le catholicisme, elle est en train de le faire avec les mœurs musulmanes ? Alors, « les musulmans exerceraient à l’avenir au titre de droit subjectif privé la conduite que jusque-là ils tenaient par obéissance à la règle objective et quasi obligatoire des mœurs ».Pour Manent, cet espoir placé dans la transfiguration à venir de l’islam par la laïcité est la grande illusion qui nous ferme les yeux sur la réalité présente. Car la laïcité n’a pas le pouvoir qu’on lui prête. Elle a permis de « neutraliser la dimension religieuse de l’État », mais « elle n’a pas neutralisé religieusement la société française qui est restée une société de marque chrétienne ». Les musulmans étant, jusqu’à récemment, tenus à l’écart de cette aventure – ils n’ont participé à notre histoire, reconnaît avec tristesse Manent, qu’au titre de travailleurs subalternes –, il est trop tard pour leur demander le même accomplissement.

C’est ici, second moment, que Manent propose un véritable contrat social avec les citoyens musulmans qui les ferait entrer dans la Cité. Les termes en seraient les suivants : nous renonçons à transformer vos mœurs, qu’il s’agisse du voile, de votre alimentation, des rapports entre les sexes ; nous ouvrons notre espace public à vos mosquées. Bref, l’islam est accueilli comme fait social collectif dans la nation. Mis à part le voile intégral et la polygamie, qui remettent en question les fondements mêmes de la participation et de l’amitié civique, « notre régime doit céder et accepter franchement vos mœurs, écrit Manent, puisque vous êtes nos concitoyens ». En retour, vous devez accepter une totale liberté de critique et de pensée relative à votre religion – la liberté de pensée étant le cœur battant de la conscience européenne –, et vous devez prendre votre indépendance, politique, économique et culturelle avec les pays islamiques, et rompre définitivement avec le rêve impérial de l’oumma qui habite la conscience musulmane. « Il faut que les musulmans reçoivent leur place en tant que musulmans. » Cette formule, venant d’un philosophe libéral catholique, a de quoi surprendre. Malgré toutes les objections que l’on peut lui faire, elle a le mérite de rebattre les cartes du problème.

27 - Penser le fait religieux : Pierre Manent et Jean Birnbaum

La réponse aux attentats de janvier 2015 appelait un renouvellement des idées, des dispositions et des actions de notre pays. Perdurent au contraire les manières de penser les plus paralysantes : la « laïcité » serait la solution au « problème de l'islam », l'effacement de la présence publique du religieux serait la solution au problème des religions. Tout est faux dans cette thèse. Au lieu de chercher une neutralité impossible, qui couvrirait en fait une guerre sournoise, nous devons accepter et organiser la coexistence publique des religions, leur participation à la conversation civique.


En entrant dans la communauté nationale, l'islam est entré dans une nation de marque chrétienne, où les juifs jouent un rôle éminent. Toute politique qui ignore cette réalité court à un échec cuisant, et met en danger l'intégrité du corps civique. Il s'agit donc, tout en préservant la neutralité de l'État, de faire coexister et collaborer ces trois « masses spirituelles ». Loin que la mondialisation réclame l'effacement de la nation et la neutralisation de la religion, c'est son indépendance politique et spirituelle, et son ouverture au religieux, qui permettront à la France de franchir en sûreté et avec honneur la zone de dangers dans laquelle elle est entrée.

Source : philomag

Un contrat social pour l’islam. Telle est la proposition du philosophe libéral Pierre Manent pour que les Français musulmans trouvent leur place, en tant que citoyens et croyants, dans la Cité.

Les attentats de janvier à Paris ont bouleversé l’opinion et mis à mal la manière dont chaque camp se positionnait face à l’islam. Et pourtant, nous avons tourné la page pour nous réinstaller dans le confort de nos anciennes certitudes. C’est dans le but de nous sortir de cette léthargie que Pierre Manent, disciple de Raymond Aron et de Leo Strauss, spécialiste de Machiavel et de la pensée libérale, a écrit cet essai posé mais audacieux. Tous les « partis » étant pris à revers, la lecture vaut le détour.

Premier moment : l’état des lieux. Manent prend acte du désaccord entre, d’un côté, une opinion occidentale pour qui la société est l’organisation et la garantie des droits individuels, et, de l’autre, une opinion musulmane (l’auteur n’ignore pas la multiplicité des composantes de cette opinion, mais essaie de cerner ce qui relie les musulmans entre eux, par-delà leurs divergences) pour qui c’est l’ensemble des mœurs, fondé ultimement sur la loi religieuse, qui fournit la règle concrète de la vie bonne.

Comment aménager une issue politique à ce désaccord ? Beaucoup dans l’Hexagone pensent qu’il existe déjà : c’est l’ambition de la laïcité à la française. Ne peut-on imaginer que ce qu’elle a accompli hier avec le catholicisme, elle est en train de le faire avec les mœurs musulmanes ? Alors, « les musulmans exerceraient à l’avenir au titre de droit subjectif privé la conduite que jusque-là ils tenaient par obéissance à la règle objective et quasi obligatoire des mœurs ».Pour Manent, cet espoir placé dans la transfiguration à venir de l’islam par la laïcité est la grande illusion qui nous ferme les yeux sur la réalité présente. Car la laïcité n’a pas le pouvoir qu’on lui prête. Elle a permis de « neutraliser la dimension religieuse de l’État », mais « elle n’a pas neutralisé religieusement la société française qui est restée une société de marque chrétienne ». Les musulmans étant, jusqu’à récemment, tenus à l’écart de cette aventure – ils n’ont participé à notre histoire, reconnaît avec tristesse Manent, qu’au titre de travailleurs subalternes –, il est trop tard pour leur demander le même accomplissement.

C’est ici, second moment, que Manent propose un véritable contrat social avec les citoyens musulmans qui les ferait entrer dans la Cité. Les termes en seraient les suivants : nous renonçons à transformer vos mœurs, qu’il s’agisse du voile, de votre alimentation, des rapports entre les sexes ; nous ouvrons notre espace public à vos mosquées. Bref, l’islam est accueilli comme fait social collectif dans la nation. Mis à part le voile intégral et la polygamie, qui remettent en question les fondements mêmes de la participation et de l’amitié civique, « notre régime doit céder et accepter franchement vos mœurs, écrit Manent, puisque vous êtes nos concitoyens ». En retour, vous devez accepter une totale liberté de critique et de pensée relative à votre religion – la liberté de pensée étant le cœur battant de la conscience européenne –, et vous devez prendre votre indépendance, politique, économique et culturelle avec les pays islamiques, et rompre définitivement avec le rêve impérial de l’oumma qui habite la conscience musulmane. « Il faut que les musulmans reçoivent leur place en tant que musulmans. » Cette formule, venant d’un philosophe libéral catholique, a de quoi surprendre. Malgré toutes les objections que l’on peut lui faire, elle a le mérite de rebattre les cartes du problème.


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