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ART PERSAN SAFAVIDE (XVIe/XVIIIe)

Publié le 07 février 2016 par Aelezig

L’appellation art safavide regroupe la production artistique qui a eu lieu en Perse durant la dynastie éponyme, entre 1501 et 1722. Elle marque un apogée dans l’art du livre et de l'architecture persans alors que les arts mineurs tels que la céramique, l’art du métal ou le verre ont plus ou moins tendance à péricliter. Bien que nourri de culture persane, l’art safavide est fortement influencé par les cultures turkmène (eu égard aux origines de la dynastie), chinoise, ottomane et occidentale.

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Contexte historique

La dynastie safavide est issue d’une confrérie turcophone appelée Safavieh qui apparaît en Azerbaïdjan vers 1301, avec le Shaykh Safi al-Din, qui lui donne son nom. 

Ce n’est toutefois qu’en 1447 que la dynastie safavide commence à montrer des ambitions politiques, avec la prise de pouvoir de Shaykh Djunayd. Un système de luttes et d’alliances avec les tribus turkmènes s’instaure, entraînant l’extinction la dynastie des Qara Qoyunlu régnant jusque là sur la région de Tabriz, opposée à celle des Aq Qoyunlu installés en Anatolie. Haydari, le successeur de Djunayd, étant rapidement tué, Shah Ismail, alors âgé de douze ans, prend la tête du mouvement en 1499. Une vigoureuse propagande se met bientôt en place permettant de recruter une armée. En 1500, ses 7000 soldats défont les troupes Turkmènes, fortes de 30.000 hommes, et en 1501, Shah Ismaïl entre à Tabriz au nord-ouest de l’Iran, proclame le rite imamite religion d’État et fait frapper les premières monnaies à son nom.

L’expansion territoriale s’accélère vers Bagdad et l'empire ottoman, mais l’arrivée de Selim Ier à la tête de ce dernier qui interdit le chiisme, ainsi que la bataille de Caldiran (1514) marquent un coup d’arrêt. L’armée safavide ne connaissant pas l’usage des armes à feu, subit une cuisante défaite. Selim Ier entre dans Tabriz — dont il se retire quelques mois plus tard en raison de querelles internes —, et annexe une grande partie du territoire safavide. Shah Ismaïl, dont l’ascendance divine est fortement remise en cause, se retire de la vie politique tandis que les relations avec les Turkmènes se dégradent. En 1515, l’installation des Portugais à Ormuz amorce un commerce florissant vers l’Europe.

Après la mort de Shah Ismaïl, son fils de dix ans Shah Tahmaps arrive au pouvoir. Peu brillant sur le plan militaire, il cède la ville de Bagdad à Soliman le Magnifique, transfère sa capitale à Qazvin en 1548 et signe finalement en 1555 le traité d’Amaziya, qui assure une paix durable. Son règne, le plus long de toute l’histoire de la Perse, est marqué par la signature vers ses vingt ans d’un « édit de repentance » qui instaure une religion autoritaire, interdisant la musique, la danse, les boissons alcoolisées ou encore le haschich.

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Douze ans de confusion suivent la mort de Tahmasp en 1576, et il faut attendre l’arrivée de Shah Abbas pour retrouver un calme relatif. Celui-ci signe très rapidement une paix très défavorable avec les Ottomans, pour se donner le temps de mettre sur pied une armée de mercenaires. Ces mesures permettent au shah de battre les troupes ouzbèkes et de reprendre Herat en 1598, puis Bagdad en 1624. Ce règne, le plus épanoui de la dynastie, donne lieu à un commerce et un art florissants, notamment avec la construction de la nouvelle capitale d’Isfahan.

La période suivant la mort de Shah Abbas est un long déclin, dû en partie au « système du harem », qui favorise les intrigues et les manipulations. Le règne de Shah Safi (r. 1629-1642) se fait remarquer pour sa violence arbitraire et ses reculs territoriaux ; celui de Shah Abbas II marque le début de l’intolérance religieuse notamment envers les juifs, état qui se perpétue sous Shah Sulayman et Shah Hysayn. Une rébellion des Afghans en 1709 conduit finalement à l’extinction de l’empire en 1722.

Céramique

L’étude et la datation de la céramique sous Shah Ismail et Shah Tahmasp est difficile car il existe peu de pièces datées ou mentionnant un lieu de production. On sait aussi que les personnages les plus puissants préféraient de loin la porcelaine chinoise à la production de céramique locale. Plusieurs emplacements d’ateliers ont pourtant pu être identifiés, sans certitude cependant, comme Nishapur, Kubachi, Kerma, Shiraz...

En général, les décors tendent à imiter ceux de la porcelaine chinoise, avec la production de pièces bleues et blanches à forme et motifs sinisants (marli chantourné, nuages tchi, dragons, etc.) Toutefois, le bleu persan se distingue du bleu de Chine par ses nuances plus nombreuses et subtiles. Souvent, des quatrains poétiques persans, parfois en relation avec la destination de la pièce prennent place dans des cartouches. On peut aussi signaler un tout autre type de décor, beaucoup plus rare, qui comporte des iconographies très spécifiques à l’islam (zodiaque islamique, écailles, arabesques) et semble influencé par le monde ottoman, comme en témoigne des palmettes effilées, dites palmettes rumies, très utilisées en Turquie.

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De nombreux types de pièces sont produites : coupes, plats, bouteilles a long col, crachoirs, etc. Des gourdes, avec un goulot très petit et une panse plate d’un côté et fortement ventrue de l’autre, peuvent être signalées.

Avec la fermeture du marché chinois en 1659, la céramique persane prend un nouvel essor, afin de combler les besoins européens. L’apparition de fausses marques d’atelier chinois au dos de certaines céramiques marque le goût qui se développe alors en Europe pour les porcelaines extrême-orientales, satisfait en grande partie par des productions safavides. Cette nouvelle destination entraîne l’utilisation toujours plus grande d’une iconographie chinoise et exotique (éléphants) et l’arrivée de nouvelles formes, parfois étonnantes (plats octogonaux, objet zoomorphes).

Dans le même temps, de nouvelles figures apparaissent, influencées par l’art du livre : jeunes échansons élégants, jeunes femmes à la silhouette courbe ou encore cyprès entremêlant leurs branches, qui rappellent les peintures de Riza'Abbasi. On note l’utilisation de très beaux jaunes, et de la technique du lustre encore présente sur quelques pièces aux XVIIe et XVIIIe siècles.

La découverte, sur les murs des maisons de Kubacha, de céramiques accrochées aux murs des maisons au style très homogène a rapidement conduit les historiens d’art à penser qu’il existait un centre de production dans la ville. Cette interprétation fut toutefois contestée par Arthur Lane et beaucoup d’autres après lui, et semble aujourd’hui erronée. Cette série est produite sur trois siècles, au cours desquels elle évolue beaucoup, mais conserve toujours un trou dans les bases destiné à la suspension de ces pièces. La série des Kubacha reste encore très mystérieuse, et de nombreux centres de production ont été proposés sans qu’aucun ne se dégage vraiment.

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L'art du métal

L’art du métal subit un déclin progressif lors de la dynastie safavide, et reste difficile à étudier, notamment en raison du faible nombre de pièces datées. Sous Shah Ismaïl, on note une perpétuation des formes et des décors d’incrustation timurides : motifs de mandorles, deshamsa (soleils) et de nuages tchi se retrouvent sur des encriers en forme de mausolée ou des pichets de forme globulaire rappelant celui d’Ulugh Beg en jade.

Sous Shah Tahmasp, l’incrustation disparaît rapidement. Par contre, on remarque l’apparition de pâtes colorées (rouges, noires, vertes) pour remplacer la polychromie autrefois donnée par les incrustations d’argent et d’or. On note aussi le début du travail de l’acier, en particulier par ajourages, pour réaliser des éléments de placage de porte et d’étendards.

Le travail des pierres dures

On connaît plusieurs objets en pierre dure, datables le plus souvent du XVIe siècle. Il existe ainsi une série de pichets à la panse globulaire, montés sur une petite base annulaire et portant un col large et court, dont deux (un en jade noir incrusté d’or, l’autre en jade blanc) sont inscrits au nom d’Ismail Ier. L’anse prend une forme de dragon, ce qui trahit une influence chinoise, mais ce type de pichet vient en fait directement de la période précédente : le prototype en est le pichet d’Ulugh Beg. On connaît aussi des coupes et des manches de couteau en jade, souvent incrustés de fils d’or et gravés.

La pierre dure sert aussi à créer des cabochons pour les incruster dans des objets de métal, comme la grande bouteille de zinc incrustée d’or, de rubis et de turquoises datable du règne d’Ismail et conservée au musée de Topkaki à Istanbul. 

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Les tapis

De nombreux tapis ont été conservés depuis la période safavide, mais la datation et l’établissement de la provenance de ces tapis restent très difficiles. Les inscriptions sont une indication précieuse pour déterminer les artisans, les lieux de fabrication, les commanditaires, etc. De plus, une fois qu’un tapis a été fabriqué et est resté dans un endroit précis, il permet d’identifier les autres pièces qui lui sont relatives.

Il est généralement accepté parmi les spécialistes que ce sont les Safavides qui ont fait passer le tapis d’une production artisanale assurée par des tribus nomades au statut d’« industrie nationale » dont les produits étaient exportés en Inde, dans l'Empire ottoman et en Europe. Des commandes européennes spéciales étaient parfois passées en Perse pour le tissage de tapis devant décorer tel ou tel endroit.

Des ateliers royaux existaient à Ispahan, Kashan et Kerman. Ces ateliers produisaient des tapis pour les palais et mosquées du Shah, mais aussi pour être offerts aux monarques voisins ou aux dignitaires étrangers, ou encore réaliser des pièces sur commande de la noblesse ou d’autres citoyens. 

Le développement rapide de l’industrie du tapis en Perse semble être dû au goût des souverains pour cet artisanat. Ismaïl 1er puis Shah Tahmasp et Shah Abbas le Grand sont connus pour avoir été personnellement intéressés par la production. On a même supposé que les deux derniers souverains cités se sont personnellement investis dans la production de tapis, notamment par le dessin des motifs. Au cours de leur règne, les productions de tapis persan ont été les plus importantes de toute l’époque safavide.

La fabrication des tapis est fortement soumise à la tutelle de l’atelier royal d’art du livre, qui fournit les modèles. C’est ainsi qu’en les comparant à des reliures et à des enluminures, les spécialistes ont pu déterminer une évolution stylistique. Ainsi, la plupart des tapis produits au XVIe siècle sont dits « à médaillon » car ils sont organisés autour d’un grand médaillon central polylobé.

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À partir de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle, soit avec l’avènement de shah Abbas, le médaillon tend à disparaître. C’est la floraison des « tapis-vases », qui, comme leur nom l’indique, présentent un vase d’où jaillit une composition florale. Le jardin, qui est associé au paradis donne également lieu à un type de composition qui apparaît dès le XVIIe siècle afin d’imiter les jardins des Shah, divisés en parcelles rectangulaires ou carrées par des allées et des canaux d’irrigation.

On peut trouver aussi des tapis à thème cynégétique : la chasse est une activité prisée des Shah, requérant adresse, force et connaissance de la nature. Ce thème est également lié au paradis et aux activités spirituelles, puisque la chasse se déroule souvent dans une nature qui peut rappeler les jardins du paradis. L

La ville de Kashan quant à elle se distingue par une production assez particulière de tapis relativement petits et entièrement de soie à fond rouge ou bleu où se battent des animaux fantastiques hérités du bestiaire chinois (kilins, dragons, phénix). 

L'art du livre

Sous le règne des Safavides, l’art du livre constitue le moteur essentiel des arts. Le ketab khaneh, l’atelier-bibliothèque royal, fournit la plus grande partie des modèles de motifs pour les objets : tapis, céramique ou métaux lui sont soumis.

Plusieurs types de livres sont copiés, enluminés, reliés et parfois illustrés : des livres religieux et des livres de littérature persane, des encyclopédies et des traités scientifiques de soufis. Le papier, invention chinoise arrivée très tôt en Iran (VIIIe siècle), est employé. On note l’emploi fréquent de papiers colorés. Vers 1540 apparaît aussi un papier marbré, qui disparaît cependant assez rapidement.

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Les reliures sont pour la plupart réalisées en maroquin teinté, et de très belle qualité. Elles peuvent être dorés et estampées de motifs géométriques, floraux ou figuratifs ou encore rehaussée de couleur bleue. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, on ajoure le cuir pour laisser apparaître au-dessous des feuilles de papier ou de soie colorées. À la même époque, à Shiraz, apparaît la reliure laquée, qui reste cependant très rare et très estimée en Iran.

Le décor des marges peut être réalisé de différentes manières : elles sont parfois encartées, c’est-à-dire insérées dans un papier différent (tradition qui apparaît dès le XVe siècle), sablée d’or, d’après une habitude chinoise, ou encore peinte en couleurs ou à l’or.

Les styles des illustrations varient beaucoup d’un manuscrit à l’autre, selon les périodes et les centres de production.

Les années 1550-1600 sont marquées par de nombreux changements dans l’organisation de l’empire et donc de la production de livres chez les Safavides. Avec le transfert de la capitale en 1548, l’atelier royal se déplace, et c’est Qazvin qui prend la suite de la production royale. Toutefois, les centres provinciaux comme celui de Shiraz (au sud) ou du Khorasan (à l’est de l’Iran) continuent de produire des manuscrits plus ou moins riches.

Au cours des règnes de Shah Abbas Ier et Shah Safi, le nombre de manuscrits enluminés et illustrés baisse beaucoup, laissant place à un nouveau type d’art du livre : la page d’album. Les albums, ou muhaqqa, sont composés le plus souvent sous la direction d’un peintre ou d’un calligraphe, et regroupent des pages d’artistes différents en juxtaposant dessins, calligraphies voire miniatures anciennes. Reza Abbasi, qui dirige le ketab khaneh entre 1597 et 1635 (celui-ci étant transféré, en 1602, à Ispahan), est sans doute le plus grand représentant de ce genre. Alors que Reza résiste jusqu’à sa mort, en 1635, à l’influence européenne, d’autres artistes n’hésitent pas à s’inspirer voire à reproduire les gravures apportées par les marchands hollandais. 

Les Safavides furent les derniers souverains à promouvoir un art national « persan ». Gardiens de l’ancienne tradition artistique iranienne plus que véritables novateurs, ils élaborèrent un art de cour raffiné et somptueux dont les tendances maniéristes dans le décor sont comblées par un grand charme poétique. Leur chute entraîna une dégénérescence rapide de l’art en Iran.

D'après Wikipédia


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