"Toute la construction sociale se dissout dans le rapprochement des corps ou, si elle se maintient, c'est qu'il n'y avait qu'elle : l'obsession de la maîtrise, la peur ou la négation de l'autre, la volonté de pouvoir. "
Il y a trois ans, à l'occasion des assises du Roman de Lyon, je vous disais à quel point le roman Dans ces bras là, lauréat des prix Fémina et du prix Renaudot des lycéens, était un grand livre, hélas pas forcément suivi d'effets, les ouvrages écrits ensuite par Camille Laurens, que j'ai eu l'occasion de lire par la suite étant hélas plutot anodins.
C'était avant de découvrir celle que vous croyez publié en ce début 2016 où elle prolonge l'auto fiction développée dans ces bras là, et certaines de ses thématiques, notamment celle de la condition féminine, mais en choississsant comme toile de fond les relations virtuelles, et notamment sur Facebook, un sujet qui ne peut que passionner l'habitué de la toile que je suis.
Comme pour Dans ces bras là, on devine que la dijonnaise a puisé dans son versant autobiographique pour construire ce roman aussi vertigineux que le quatrième de couverture le laisse entendre.
Roman intense, ingénieux , et toujours parfaitement maitrîsé, multipliant les surprises et les rebondissements, ce jeu de miroir proposé par l'auteur est aussi et surtout une belle reflexion sur les relations sentimentales et sur la sexualité des femmes passé un certain âge est extrêmement brillante et percutante.
En effet, dans son nouveau roman, Camille Laurens ne nous cache rien de la difficulté pour les femmes d'être désirables après la cinquantaine, et si l'image des hommes, tous ou presque goujats et pas bien finauds, s'en trouve quelque peu amochée, cet état des lieux des femmes et de leur désirs à l'approche de la cinquantaine n'en est pas moins pertinente et assez proche de la réalité.
Et la façon dont Camille Laurens entremêle le réel et la fiction, un peu comme l'a fait Delphine de Vigan avec l'épatant d'après une histoire vraie, ne peut qu'épater et laisser béat d'admiration .
Exercice délicat s'il en est pour le lecteur de démeler le vrai du faux, d'autant plus que l'irruption dans une surprenante troisème partie d'une narratrice Camille, écrivain de son état ne fait qu'ajouter au trouble de la lecture.
Reflexion inventive et jubilatoire sur les faux semblants et le dictat des apparences "Celle que vous croyez" est incontestablement un des très grands romans(?) de cette rentrée de janvier 2016...