Partager la publication "[Critique] FREE LOVE"
Titre Original : Freeheld
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Peter Sollett
Distribution : Julianne Moore, Ellen Page, Michael Shannon, Steve Carell, Josh Charles, Luke Grimes, William Sadler…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 10 février 2016
Le Pitch :
Début des années 2000. Stacie Andree et l’inspecteur de police Laurel Hester se rencontrent lors d’un match amical de volley-ball. Entre les deux femmes, le coup de foudre est immédiat. Très vite, elles emménagent dans une maison et établissent un contrat d’union civile. Alors qu’elles filent le parfait amour, Laurel tombe malade. Histoire vraie…
La Critique :
En 2007 sortait Freeheld, de Cynthia Wade. Primé à Sundance et aux Oscars, ce documentaire retraçait le combat de Laurel Hester, qui atteinte d’un cancer des poumons, s’opposait au conseil des élus d’Ocean County New Jersey, pour que sa compagne Stacie bénéficie de la pension du survivant, soit une pension touchée par les conjoints de policiers décédés, afin qu’elle puisse continuer de vivre dans sa maison. Cette pension étant destinée uniquement aux couples mariés. Laurel Hester se retrouva ainsi malgré elle militante pour l’égalité des couples et sa lutte aboutira à montrer les limites du PACS américain. Ce sera une première étape d’un long combat qui aboutira à la légalisation du mariage pour les couples du même sexe. Free Love est l’adaptation au cinéma de ce documentaire. Le titre américain fait référence aux freeholders, nom donné aux élus dans le New Jersey. Comme une tendance récurrente, il a été traduit en France par un titre anglais qui n’est pas à la hauteur du sujet.
Au début du film, on navigue entre policier et romance, avec un contraste entre l’ambiance macho d’une brigade de province et de certains collègues bien lourds, et la douceur d’une histoire d’amour entre une policière et une jeune mécanicienne. Très vite, les différentes problématiques sont posées, comme la nécessité pour la carrière de Lauren de taire sa relation, que ce soit auprès des collègues ou du voisinage. En découle une romance complice et parfois maladroite, que les deux partenaires officient rapidement (intervient alors une ellipse assez brutale et quelque peu déconcertante) par l’achat d’une maison puis la signature d’un PACS. Mais le fait d’aimer une femme avec une différence d’âge notable dans une petite bourgade conservatrice pousse l’inspectrice de police à garder la relation secrète. En dépit de ce fait, si la romance entre les deux femmes parait idéale, on sent une menace se profiler, et ce sans même connaître l’histoire. Quand le drame de la maladie se précise, l’émotion est là, palpable, communiquée aussi bien par la réalisation que par le jeu. On pense au film Philadelphia, bien que Free Love n’égale pas la puissance dramatique de l’oeuvre de Jonathan Demme, et on retrouve cette dimension du combat « seul contre tous », où la situation tragique d’une personne se heurte aux convictions personnelles d’un petit groupe haut placé.
Et dans ce contexte où la mécanique fonctionne bien, c’est l’entrée en scène de Steve Carell qui met en lumière les lacunes du film. Il suffit de pas grand-chose parfois pour faire la différence entre un bon film (et parfois très bon) et un grand film. Et ce quelque chose c’est le choix du réalisateur. Si Peter Sollett s’est fait remarquer avec les comédies Long Way Home et Une Nuit à New-York, il n’avait apparemment pas les reins assez solides pour diriger un drame avec un tel sujet. Cela se ressent dans la direction d’acteurs, en particulier Carell. Pourtant autant excellent dans les rôles comiques que dramatiques (carrément bluffant dans Foxcatcher, Little Miss Sunshine ou encore The Big Short), ce dernier semble totalement en roue libre et se montre au final assez caricatural et en fait trop, et ce même si son personnage est déjà à l’origine haut en couleurs. Il en résulte une dernière partie assez inégale où la comédie s’invite dans un drame en tombant comme un cheveu dans la soupe. Le dénouement convenu et très américain est l’autre défaut du film.
C’est dommage car la réalisation, pour le reste, est très propre, et l’émotion communicative. On le doit notamment au sujet mais aussi au reste du casting. En premier lieu, le couple Julianne Moore/Ellen Page. La première prouve encore une fois que ses meilleurs rôles sont les plus durs, les plus déchirants, comme elle l’a montré avec Still Alice pour lequel elle avait été oscarisée à juste titre, et on en regrette des choix de films parfois discutables comme Carrie, la Vengeance, Non-Stop ou Hunger Games. La seconde, quant à elle, est tout simplement magnifique et retrouve un rôle majeur après avoir incarné la flippante Hayley Stark dans Hard Candy ou encore la très fraîche et espiègle Juno MacGuff, et avoir joué pour les plus grands comme Christopher Nolan ou Woody Allen. Le projet lui tenait à cœur (et cela se voit à l’écran), et trouve écho dans son engagement personnel pour l’égalité et contre l’homophobie après avoir son coming out en 2014 (elle a d’ailleurs fait un reportage pour le site internet Vice où elle va affronter la parole homophobe dans le monde). À leurs côtés, Michael Shannon, très sobre, se montre à nouveau bluffant après ses excellents rôles comme Take Shelter ou The Iceman. À noter la présence plus discrète de Marc Lee (touchant dans American Sniper), et de William Sadler, tronche burinée bien connue pour ses rôles de méchants ou de seconds couteaux.
Porté par une grande cause, et le magnifique duo Ellen Page/Julianne Moore dont l’alchimie passe parfaitement à l’écran, Free Love est hélas par moments inégal. La faute à une direction d’acteurs par toujours à la hauteur, et un caractère parfois convenu. Si le film est bon, et qu’il touche au but (si on est un minimum sensible), en corrigeant quelques erreurs, il aurait pu être bien plus fédérateur.
@ Nicolas Cambon
Crédits photos : Bac Films