Je n'écrirai plus sur Djibouti.
Je ne parlerai plus du soleil brûlant, du sable qui se faufile partout. De la mer chaude et salée.
Je ne verrais plus mes amies de l'association. Ni les adhérentes, ni les enfants. Je ne verrais plus Hawa. Et tous les autres. Et mes amies d'autour, le cercle social que j'avais réussit à me faire.
Je n'irai plus me balader, avec Doudou, sur le terrain vague derrière notre maison. Tien, je ne verrai plus cette maison, non plus. Ni la garderie de Doudou. Finalement, elle n'y fera pas son entrée en maternelle.
Je savais que le retour en France serait dur. J'ai lu des dizaines d'article à ce sujet, des centaines de témoignages d'anciens expatriés. Je me disais que, vu que je suis au courant, tout ira bien pour moi.
Et finalement, j'ai le mal du pays. Le mal d'un pays qui n'est pas le mien, et qui me manque tellement pourtant.
En France, je suis "chez moi". Nous ne vivons pas dans ma région, ni dans celle de mon homme. Nous découvrons une nouvelle région en fait. Mais la France, c'est notre pays, notre chez nous depuis toujours. Et pourtant je me sens étrangère.
J'ai perdu les habitudes françaises. Je ne sais plus faire les courses dans des grandes surfaces immenses, je me perds dans les rayons. Parce qu'en Afrique, en Algérie ou à Djibouti, il n'y en avait pas. Je suis stressée dans les ronds-points, avec toutes ces voitures, tous ces feux tricolores. Et toutes les démarches administratives à refaire, toutes les obligations.
Je me retrouve seule avec une Doudou en pleine crise des deux ans. Une Doudou qui, dès qu'elle entend un avion dans le ciel, me regarde et me dit "Bouti ??" pour Djibouti. Elle me parle d'Hawa, sa nounou. Et j'ai mal.
Parfois, je panique. Souvent, je me sens perdue. Je me demande ce que je fous là.
J'ai l'impression d'avoir été mise sur pause, de tourner en boucle, d'attendre quelque chose. Mais je ne sais pas ce que j'attends.
En fait, c'est le brouillard dans ma tête...
On dit que de quitter son pays, pour vivre dans un autre, ce n'est pas facile. Mais on dit aussi que de revenir ensuite dans son pays, c'est encore plus dur. Je comprenais un peu pourquoi, une question d'adaptation à refaire, d'habitudes à retrouver. Je comprenais mais c'est un peu flou comme idée quand même. Maintenant que je suis dedans, je comprends très bien les difficultés d'un retour en France.
Oui c'est dur. Non, ce n'est pas tout rose. Non, le confort d'un pays "développé" ne fait pas tout, et ne suffit pas. Ne me suffit pas. Oui, j'ai mal au coeur.
Et non, vraiment pas, non, je n'oublie pas Djibouti. Jamais.