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Rattrapons le temps perdu - La Passe-miroir, de Christelle Dabos

Par Guixxx @zeaphra
Mais où était-elle tout ce temps ? 
Personne ne se le demande, parce que depuis mon arrêt brutal (mais temporaire) de ce blog, sa fréquentation a lamentablement chuté ! (Logique, me direz-vous).

Pourquoi ?, surtout ! Telle est la question que personne ne pose et à laquelle je vais répondre.Je pourrais prétendre que je n'ai pas eu le temps d'écrire (une fausse vérité, ou un vrai mensonge, au choix), que je suis débordée (bon ça c'est vrai, mon boulot me prend quand même beaucoup de temps) et que j'étais trop fatiguée pour écrire en rentrant chez moi (bon, ça aussi c'est vrai, j'étais même trop fatiguée pour sortir mon chien, faire à manger, enlever mes chaussures et changer mes draps, donc bon tu vois... "mais où est cette fausse vérité", me crie-t-on !).

La vérité vraie c'est que j'ai oublié.
Oublié combien j'aimais écrire, vous parler de mes lectures, partager mes pensées.J'ai oublié combien j'aimais lire aussi. Vraiment lire, me poser dans mon lit, sur une chaise, un strapontin de métro, un bout de jardin, et lire pendant des heures et des heures.J'ai oublié parce que mon esprit était trop plein d'autres choses (de stress, majoritairement).Puis récemment j'ai eu envie de me remettre à écrire. Je me suis dit que j'allais venir refaire un tour ici, pour parler de mes lectures, mais rien ne me venait. J'avais pourtant eu quelques bonnes lectures (La voie des rois, Les nefs de Pangée, pour n'en citer que deux), mais je n'avais pas envie d'écrire sur ça.Non en fait j'avais envie d'écrire une histoire. Une histoire comme quand j'avais 15 ans et toutes mes dents, comme quand je passais mes soirées à échanger des idées de scénar' avec mes copaings du net (Messenger était mon meilleur ami, MSN aussi).Je suis allée acheter un cahier à carreaux chez Carrouf', j'ai prix un vieux Bic mâchouillé et j'ai noté toutes les idées débiles, farfelues et mauvaises qui me passaient par la tête. J'ai ébauché un univers, que je développe dans mon coin, quand j'ai le temps, quand l'envie m'en prend, et je tartine mon cahier puis une page Word de mots mal orthographiés et de phrases à la syntaxe bancale (ma marque de fabrique).Étonnamment ça m'a aussi donné l'envie de lire, de lire des choses que j'avais vraiment envie de lire du fond du cœur et que je mettais de côté. Comme la saga de La Passe-miroir de Christelle Dabos.Alors j'ai lu, et même beaucoup lu. Exit les séries Netflix anti-stress, retour à l'imaginaire de papier.Donc voilà, maintenant que j'ai retrouvé l'amour des mots et l'amour de la lecture, je vais pouvoir vous parler de La Passe-miroir, ce roman incroyable qui m'a happée dans sa Citacielle pour ne plus en redescendre.

Le roman de Christelle Dabos, c'est quoi ?Le premier tome s'intitule Les fiancés de l'hiver. Il est doux, long et lunaire, comme mon imaginaire. C'était parfait.Ophélie vit sur Terre, mais une Terre éclatée en mille morceaux. Elle vient de l'arche Anima, où vit la grande famille des Animistes, des humains dotés d'un don qui leur permet d'animer tous les objets. Sur Anima, les maisons ont beaucoup de caractère - comme leurs maîtres -, les écharpes se lovent au creux de votre cou comme un animal domestique, et les portes ne vous laissent entrer que si ça leur chante.Ophélie possède ce don, comme le reste de sa famille, mais c'est aussi une très bonne liseuse, ce qui n'est pas donné à tout le monde : elle peut lire l'histoire de tous les objets qu'elle touche et remonter les vies de ses différents possesseurs. Mais ce qui la différencie d'autant plus des autres, c'est sa capacité de Passe-miroir. Chaque miroir que croise son reflet devient un chemin praticable pour se rendre d'un endroit à l'autre. Ophélie peut donc tout à son aise aller de sa chambre jusqu'au Musée des arts primitifs où elle travaille (comprenez des arts d'Avant La déchirure) en passant par les miroirs.Malgré toutes ces capacités hors du commun, Ophélie est une petite chose brune et bouclée toujours vêtue d'habits de grands-mères, les yeux cerclés de culs-de-bouteille dont la teinte varie selon ses humeurs. Douce et discrète, elle n'en est pas moins indépendante et a déjà refusé deux mariages arrangés avec des cousins lointains.Mais cette fois, elle ne peut pas se dérober. Les doyennes d'Anima et l'Esprit de famille Artemis (la mère de tous les Animistes) ont décidé de la marier à un homme du Pôle, une arche bien plus au nord dont personne ne sait grand chose. Impossible de se défiler sous peine d'être répudiée, et c'est le cœur lourd qu'elle quitte son musée bien aimé avec son fiancé Thorn, aussi sec et patibulaire qu'il est grand et blond, pour rejoindre la Cour du Pôle dans la grande Citacielle. Accompagnée de la Tante Roseline comme chaperonne (vieille fille au chignon serré dont le seul amour est la réparation du papier) et de sa fidèle écharpe demandeuse de caresses, elle va découvrir un univers bien différent - et beaucoup plus dangereux - que celui de la calme et pittoresque arche d'Anima.

Rattrapons le temps perdu - La Passe-miroir, de Christelle Dabos
Pfiou, ça c'est un sacré résumé des premières pages. J'étais obligée de vous parler de l'écharpe et d'appuyer sur son existence, car c'est la première chose qui m'a fait tomber amoureuse d'Ophélie et de l'univers de Christelle Dabos. L'entrée en matière du premier tome, dans les archives du Grand Oncle d'Ophélie, vieillard aussi caractériel qu'il est attachant, avec cette description surréaliste et magnifiquement écrite de ce qu'est la vie d'Ophélie m'a tout de suite captivée. L'écharpe d'Ophélie est un personnage à part entière, plus proche du chat que de l'objet, plus proche du chien que du simple accessoire, je crois qu'on aimerait tous avoir une écharpe comme elle (utile Et affectueuse, que demander plus ?).
Bon mais ça ne fait pas un roman vous me direz. Parlons de l'écriture de Christelle Dabos. J'ai été surprise et enchantée par sa manière de dépeindre les événements, les personnages ne parlent ni ne bougent, ils se grincent et se déplient, leurs gestes et leurs actes sont écrits de manière tellement imagée que le lecteur les voit et les entend de façon très claire. Son style est vraiment rafraîchissant et ses descriptions toujours très agréables. Le tout mêlé d'une touche d'humour décalé qui finit de vous emballer et vous rend accro à ses paragraphes, vous poussant à continuer chapitre après chapitre avec avidité.Le style change subtilement lorsque Ophélie est au Pôle, l'influence "Animiste" se sent moins, l'histoire se fait plus froide, plus brutale, mais toujours contée au travers des yeux de ce petit bout de femme, bien plus fort qu'il en a l'air. Ophélie est l'inverse des héroïnes des romans que l'on voit habituellement. Sa maladresse, son absence de sens de l'esthétisme, sa discrétion et son négligé poussé à l'extrême permet à de bien nombreux lecteurs de se mettre à sa place. Ici les protagonistes bien roulés ne sont pas au premier plan, tout ne se joue pas dans la séduction, les rapports sont plus intelligents, plus fins. Ophélie s'impose petit à petit comme un personnage fort et convainquant, sa réserve des premiers temps s'efface pour laisser place à des opinions et des volontés bien trempés. Ce petit personnage sensé est propulsé dans un monde de décadence, d'hypocrisie et d'illusions dans lequel elle va bien tenter d'imposer sa simplicité et sa droiture, qu'importe les conséquences.Thorn est un autre personnage fort du roman. Ce grand échalas à la peau blafarde, la raie bien au milieu et bardé de tocs est l'opposé du prince charmant que l'on imaginait pour Ophélie. Il n'en est pas moins attendrissant, sa froideur ne cache pas totalement les profondes blessures (autres que les nombreuses cicatrices qu'il arbore sur son visage et ses bras) qui le composent. Ses rapports malaisés en société et son obsession de la rigueur sont des symptômes qu'Ophélie va devoir décrypter pour mieux comprendre quel est l'homme qu'elle s'apprête à épouser.Enfin, la Tante Roseline m'a donné des fous rires. ses manies de vieilles filles, sa pudeur outrancière et sa franchise coupante en contraste avec la vie glamour et licencieuse du Pôle et de Dame Bérénilde (La tante de Thorn à la beauté fatale, protectrice d'Ophélie et favorite de l'Esprit de famille du pôle, le seigneur Farouk) étaient à mourir de rire !Bon, voilà le topo. J'ai rarement été aussi emballée par un roman dit "jeunesse", le dernier en date était Et plus encore de Patrick Ness mais pour plein d'autres raisons, et malgré tout je n'avais pas eu un aussi gros coup de cœur. Honnêtement je le conseille dès 12 ans, mais il n'y a pas d'âge pour le lire, il est d'ailleurs bien plus subtil qu'il n'en a l'air et plus violent (on peut dire que la pauvre Ophélie s'en prend plein la tronche).Je le place même à la hauteur d'un bon Harry Potter ou d'un A la croisée des mondes, pour vous dire !J'attends la suite avec impatience, m'étant enfilée les deux tomes d'une seule traite, tellement accro que ma pause déjeuner était devenu le plus beau moment de la journée - et le plus attendu - !Je suis vraiment heureuse de l'avoir découvert, un peu triste d'avoir dû m'en décrocher et de devoir attendre la suite, et j'aimerai vous partager mon enthousiasme et mon affection pour cette oeuvre originale et ensorceleuse d'une jeune auteur française prodigieuse.En espérant vous avoir transmis un peu de mon engouement, ou vous avoir au moins titillé la curiosité, je regagne mes pénates après une journée à la librairie quelque peu morose.(Mais où êtes-vous bon sang !? C'est pourtant la semaine prochaine les vacances ? Et que faîtes-vous dans la vie si vous ne lisez pas ? Ah. Vous aussi vous avez Netflix...)
See you soon.Guixxx.


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