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Gérard Fromanger : quand la peinture déborde.

Publié le 17 février 2016 par Pantalaskas @chapeau_noir

" Le monde n'est pas un spectacle "

Si le mode de relation au monde apparaît chez beaucoup d'artistes comme une clef de lecture de leur itinéraire personnel, chez Gérard Fromanger cette appartenance est directement partie prenante de son œuvre. De telle sorte que l'idée même d'un art engagé  ou non ne se pose plus : " Le monde n'est pas un spectacle ni une représentation. Je suis dans le monde, pas devant le monde". Ce sont alors plus de cinquante années qui défilent dans l'exposition que le Centre Pompidou de Paris lui consacre.

Gérard Fromanger : quand la peinture déborde.

Film "Le rouge" avec Jean-Luc Godard

Au moment où la société française connait les soubresauts provoqués par les contestations de la génération de l'après-guerre, il est un des fondateurs de l'Atelier des Beaux-Arts en mai 68, atelier qui produit des milliers d'affiches. Puis il tourne des films-tracts avec Jean-Luc Godard. Au début des années soixante-dix, alors que les peintres sont désormais retournés dans leurs ateliers, Gérard Fromanger cultive cette présence au monde avec la série Boulevard des Italiens que le Musée d'Art moderne de la ville de Paris accueille dans le cadre de l' ARC en 1971. Il continuera à mener de pair son activité de peintre et celle de militant à la fois au sein du Salon de la Jeune peinture dont il est un des animateurs principaux et dans le Collectif anti-fasciste.Entre figuration et abstraction, formes et couleurs, Histoire et histoire d'art, la peinture de Gérard Fromanger montre, décode et libère les images et clichés du réel. Ce questionnement sera mené conjointement avec sa fréquentation d'écrivains tels que Jacques Prévert, Michel Foucault, Gilles Deleuze, Alain Jouffroy et plus récemment Régis Debray et Michel Onfray. Cette complicité du peintre avec les intellectuels de son époque marque de façon permanente son parcours. Certes l'exposition ne peut présenter tout parmi la quarantaine de séries produites par le peintre. La série, chez Fromanger, ne peut être regardée seulement comme une période pendant laquelle le peintre se consacre à une forme, à un thème. La série constitue un dispositif cohérent, chaque toile faisant partie intégrante de ce tout (Quadrichromies, Batailles ).

" Rouge Fromanger "

C'est peu de dire que la couleur a joué un rôle fondamental dans sa façon de déconstruire l'image du réel. Jacques Prévert écrivait «  Rouge, c'est un nom, mais comme Rose ou Blanche, cela pourrait être aussi un prénom et Gérard Fromanger pourrait tout aussi bien s'appeler Rouge Fromanger. Cela lui irait comme un gant  ». Si le “rouge Fromanger ” décrit par Jacques Prévert poursuit le peintre depuis de longues années, il ne s’agit pourtant que d’un moment du travail. “ Je ne suis pas, confirme-t-il, dans un registre particulier et obsessionnel, comme on peut dire le “bleu Klein  ou le “bleu Monory . Dans mon travail, elles ont toutes le droit de cité, le droit à la vie et le droit de sa battre entre elles pour exister. ” Déconstructions, permutations participent notamment à cette révélation des composantes de la quadrichromie. Dans "Annoncez la couleur" présentée en 2014 à A cent mètres du centre du monde à Perpignan, cette déconstruction de l'image couleur servait de grille de lecture essentielle pour l'exposition.
Historiquement, Gérard Fromanger n’était pas présent dans les expositions fondatrices de La Figuration Narrative. En juillet 1964 au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, l'exposition "Mythologies quotidiennes" est organisée par le critique d’art Gérald Gassiot-Talabot et les peintres Bernard Rancillac et Hervé Télémaque. Certes la tentative de définition de Gassiot-Talabot “ Est narrative toute œuvre plastique qui se réfère à une représentation figurée dans la durée, par son écriture et sa composition, sans qu’il y ait toujours à proprement parler de ‘‘récit" ” présentait le mérite de cadrer large quand bien même certains ont voulu restreinte plus tard à une illusoire rigueur historique le mouvement aux participants de cette exposition dans laquelle prenaient place de nombreux artistes qui se sont révélés tellement éloignés de la Figuration Narrative.

Gérard Fromanger : quand la peinture déborde.

"Peinture -Monde carbon black" 2015 Gérard Fromanger

Fromanger sera plutôt proche d’Eduardo Arroyo, d' Antonio Recalcati ou de Gilles Aillaud. Il apportera même une aide anonyme à ces peintres pour achever leur tableau historique : L’Assassinat de Marcel Duchamp. Cinquante ans plus tard, son oeuvre apparaît désormais comme essentielle dans ce courant de la Figuration narrative qui retrouve aujourd'hui une place de choix. Pour reprendre le constat du critique Jean-Luc Chalumeau: " Nous assistons à un phénomène comparable à celui qui fit d’Andy Warhol, arrivé sur la scène artistique après Lichtenstein et quelques autres, l’incarnation même du Pop art.  Voilà que l’Histoire est en train de désigner Gérard Fromanger comme le représentant emblématique de la figuration narrative ".
Il faut se faire une raison. La peinture de Gérard Fromanger, depuis toujours, ne se contente pas docilement de l'intimité de l'atelier. Elle s'égoutte de la toile, inonde le drapeau de Godard, submerge les clichés, s'étale dans la ville, déborde dans la vie des hommes avec pour seule règle une exigence d'authenticité dans cette approche de notre monde.

Photos Gérard Fromanger

Gérard Fromanger
Du 17 février au 16 mai 2016
Centre Pompidou
75004 Paris


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