Après avoir écouté Guillaume Lecointre, il me semblait indispensable d’aller voir l’exposition à la Cité des Sciences de La Villette, Darwin, l’original. Et ce qui apparaît d’abord, outre le dispositif ludique proposé, c’est l’extraordinaire curiosité du personnage. Observation patiente et méticuleuse, grand voyage initiatique sur un trois-mâts, le Beagles, et année après année prise de notes et publications. Il l’admet volontiers, sa situation financière très aisée lui a permis de consacrer sa vie à ses recherches. Et tout l’intéressait : géologie, biologie, zoologie, botanique, paysages, fossiles, pigeons, etc. La liste est longue. Il s’inscrit dans l’histoire scientifique, après Maupertuis ou Lamarck, pour citer deux Français avant lui, mais il opère une véritable révolution de la connaissance. Notamment par ce voyage dans l’hémisphère sud où il observe les transformations des paysages et des êtres vivants. Il calcule le nombre d’éléphants qui pourraient naître d’un couple originel, génération après génération, si rien n’entrave la reproduction, et aboutit à des chiffres de plusieurs millions. Constatant que ce n’est pas ce qui se passe en réalité, il imagine qu’il y a des régulations naturelles. Il découvre des ossements d’un glyptodon et fait un rapprochement avec le tatou, ce qui l’amène à l’idée d’un ancêtre commun (et disparu). Linné avait classé les êtres vivants par leurs ressemblances (et avec des noms latins), Darwin s’intéresse à leurs différences et cherche à les expliquer. Ce faisant, il se garde bien de remettre en cause la Genèse, le livre que les théologiens de son époque présentaient comme la seule connaissance valable. Et c’est pourquoi il fait tout ce travail d’investigation, de mesures, de constats, et c’est aussi pour cela qu’il attendra une vingtaine d’années avant de publier L’Origine des espèces : il voulait accumuler les preuves de ce qu’il avait pressenti, et anticiper toutes les objections qu’il rencontrerait. Il s’est toujours attaché à rester au niveau de son travail scientifique et n’a pas tiré de conclusions en dehors de cette sphère.
Et si Darwin est toujours d’actualité, à présent que les scientifiques ont développé d’autres connaissances, notamment celles de la génétique, c’est qu’il a mis en place des méthodes pour plus d’un siècle de recherches.