Magazine Culture

Les rêves de guerre par Polardeuse

Par Livresque Du Noir @LivresqueduNoir
Donnez une note à cette publication Nb de votes : 0 / Moyenne : 0  rêves guerre Polardeuse

1989, Michel Molina est responsable de groupe au SRPJ de Lyon. Sa mère Natacha vit dans le sud de la France alors que lui est resté fidèle à son quartier populaire de la Saulaie. Son frère Pierre est passé des maisons de correction aux QHS, de Lyon à l’Espagne, de l’Espagne à la Colombie, des petits trafics aux cartels de la coke. En ce jour où le mur de Berlin s’effondre, Michel Molina apprend le meurtre de Paul Wallace à Yvoire. L’histoire semble se répéter : l’assassin s’appelle Jean Métral, récemment libéré de prison après avoir assassiné en 1969… Ben Wallace, le frère de la victime.

Entre la Suisse et les rives du lac Léman, Michel Molina, flanqué de l’inspecteur Grubin, navigue dans ses souvenirs, les relations consanguines de la petite bourgeoisie provinciale, des seconds couteaux illuminés, des gens taiseux et une gigantesque masse d’eau prisonnière des montagnes. Cette enquête criminelle va le mener au cœur de sa propre histoire, de ses ambivalences et sur les traces de celui qui se cache derrière les lignes d’un écrivain de légende…

J’ai vécu une très étrange et singulière expérience de lecture avec ce roman. Je l’ai abordé tranquillement sans trop penser à ce que je lisais et arrivée au quart du livre, je me suis rendue compte que j’étais en train de passer à côté de quelque chose, une drôle de sensation. J’ai donc tout repris depuis le début, dans un tout autre état d’esprit et là j’ai été happée par la prose de François Médéline. Le bougre a un réel talent pour les phrases qui restent scotchées dans la tête, de celles qu’on a envie d’écrire quelque part pour s’en souvenir parce qu’elles font écho au plus profond de soi.

Les premières pages du roman donnent le ton. C’est sec, aride, il y a de la fureur, de l’amour, de la passion, tellement de peur et de larmes aussi. Se retrouver direct, comme ça, sans prévenir, dans le camp de Mauthausen et son bordel…il faut s’accrocher et il faut oser l’écrire et c’est comme ça pendant tout le roman…il faut s’accrocher. Je ne vais pas vous dévoiler l’histoire, la quatrième de couv’ le fait très bien.

L’intrigue à vrai dire m’est plus ou moins passée au-dessus des oreilles, ce qui ne veut pas dire qu’elle est mauvaise, non, ce n’est pas le cas, elle tient réellement le bouquin, mais ce qui m’a réellement séduite dans ce roman c’est l’ambiance. C’est noir sans aucun doute, noir comme un film de Chabrol avec les non-dits, les mesquineries, la duplicité des protagonistes et comme dans un film de Chabrol ça se déroule dans une province bien silencieuse et un peu morne, au milieu de la petite bourgeoisie étroite d’esprit et emberlificotée dans ses principes et ses certitudes.

Le commissaire Molina est un peu disjoncté et son acolyte, le vieux,  pas moins ravagé (et confit dans l’alcool). Il faut voir ce jeune commissaire chercher et fouiller dans ses souvenirs et triturer sa mémoire en fumant un joint sur le balcon de son hôtel sur les bords du lac Léman pendant que son compère évide dans le bac à douche les poissons  qu’il a péchés….des personnages vous dis-je ! Un duo de choc qui va mener cette enquête pas forcément en douceur mais avec une certaine finesse et surtout de l’intelligence. Tiens, oui, de l’intelligence, il y en a pas mal tout au long de ce roman. La construction est brillante, l’intrigue est dense, tordue et quelque peu brumeuse, mais c’est surtout l’écriture de Médéline qui m’a captivée. Le bonhomme est capable de faire dans un style résolument aguicheur voire facile et tout d’un coup rompre la cadence et partir dans un lyrisme éblouissant et une poésie poignante…Il y a même quelques morceaux de bravoure que je vous laisse découvrir mais qui ne sont pas prêts de me sortir de l’esprit. Un roman sur la mémoire et l’impossible oubli, sur la résilience aussi.

En bref si vous cherchez un roman un peu creux ou tout au moins pas trop impactant pour vos cellules grises partez en courant, par contre si vous n’avez pas peur de prendre une baffe littéraire, foncez !

Une mention spéciale pour la couverture qui est superbe et troublante. Le regard de cette jeune femme vous restera longtemps dans la mémoire. Photo prise par Hugo Jaeger, photographe d’Adolphe Hitler, dans le ghetto de Kutno (Pologne) en 1940…


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Livresque Du Noir 5521 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines