Ayant confiance en les goûts de mon ami (qui sont très bons, puisqu’il est mon ami) je me procure donc Le baiser de l’ombre aux éditions Krakoen. Et là je tombe sous le charme de l’écriture de Paul Colize.Vous allez me dire que j’ai commencé une trilogie par son deuxième volet, mais ce n’est pas grave, je me suis régalé tout de même avec ce personnage qu’est Antoine Lagarde.C’est donc à partir de ce livre que j’ai commencé à suivre Paul, enfin suivre, littérairement parlant, cela va de soi. Paul est Belge, mais ce n’est pas grave, on lui pardonne même, parce qu’il écrit bien, et je serais tenté de dire : de mieux en mieux. Parce qu’après la trilogie Lagarde, il y a eu Back Up…Et là, si vous aimez l’histoire du Rock, si vous avez envie de vous balader dans le Londres et le Berlin des années 1960, vous aller vous régaler, Paul a concocté un superbe roman musical sur fond de manipulation politico-militaire de toute beauté.
Et c’est là que Paul Colize vous tape légèrement sur les nerfs, car il vous surprend, car cela n’a rien à voir avec ce qu’il a fait précédemment…Et si vous prenez son petit dernier en date : Une seconde de toute beauté, comment vous dire ?
Si BackUp fut pour moi une claque en plein visage, je dirais que celui-ci est un coup de tatane dans les génitoires…
Paul réutilise une technique dont il s’est servi dans BackUp, il mélange passé et présent, deux histoires se juxtaposent, se rejoignent, il crée un personnage, Stanislas Kervyn, odieux avec les autres, avec lui-même, mais pas tant que cela, on arrive à le plaindre, on voudrait presque l’aider dans sa quête, son Graal. Donc, Stan a un but dans la vie, connaître la vie de son père décédé au Caire dans un attentat alors qu’il était bébé. Et pour cela il va dépenser une fortune, du temps, cela va devenir une obsession. Mais il y a aussi un autre personnage dans ce livre, Nathan Katz, qui lui est rescapé des camps concentrationnaires, et qui va rejoindre une organisation secrète : le Chat, qui traque les criminels de guerre nazi. Les deux histoires vont se croiser, se mêler, s’accoupler pour ne faire plus qu’une et nous surprendre.
Résumer en disant que chacun va basculer du côté de l’autre, que le méchant va devenir le gentil et vice versa, cela serait trop simple, et ce serait nuire au talent de Paul qui est beaucoup plus subtil que cela. Sur ces deux hommes, au fil des pages vont s’opérer des changements radicaux de personnalités, la vie va les modeler, l’histoire va les transformer.
Colize va ainsi nous emmener dans son univers, où chaque mot est ciselé par l’orfèvre du verbe qu’il est. Il va nous donner de l’émotion, nous faire réfléchir sur l’existence et faire replonger dans un passé pas si lointain.
Un long moment de silence, la quatrième de couverture :
1920, Wladyslaw ouvre sa pharmacie à Lwów.
1948, trois jeunes Italiens attendent la sortie des élèves du Brooklyn College devant leur coupé Hudson rouge.
1952, un homme poursuit une fillette sur le parking enneigé de l’aéroport de Stuttgart.
1989, une femme prend trop vite une courbe du Ring de Bruxelles.
2012, Stanislas déshabille une femme qu’il connaît à peine.
Je vous recommande chaudement ce livre, vraiment, pour vous dire, ce livre est édité à la Manufacture des livres, je le regrette, j’aurai aimé qu’il le soit chez moi !
Rencontre avec le plus british des Belges :
Sébastien MOUSSE : Bonjour Paul, c’est la énième interview pour un long moment de silence que tu fais, je vais avoir du mal à être original…J’ai lu que pour te documenter pour ce livre, tu avais ouvert une boîte à chaussures, comme tu l’écris dans le roman, et que ce carton à godasses était dans ton armoire. Tu n’as pas honte de faire si peu de déplacement alors que certains de tes collègues auteurs font des milliers de bornes pour se documenter ?
Paul COLIZE : Objection, votre Honneur, ce carton à godasses n’était pas chez moi, j’ai dû aller le chercher chez un membre de ma famille, à dix kilomètres de chez moi. Cela dit, j’ai aussi parcouru quelques centaines de kilomètres dans l’ex-Allemagne de l’est, fait un séjour à Berlin, essayé les chiottes du TGV et risqué ma vie en faisant trois tonneaux.
SM : Dans un long moment de silence, tu l’as dit toi-même dans certaines entrevues, il t’a fallu sortir quelques cadavres du placard, que cela n’a pas toujours été facile. Tu es toujours invité dans les repas de famille ?
PC : Plus que jamais. J’ai même été convié récemment dans un repas de famille pour fêter les 70 ans de quelqu’un.
SM : Si je ne m’abuse, outre le métier d’écrivain, tu donnes des cours de management à des cadres dirigeant, Stanislas c’est ton pire cauchemar, celui que tu ne veux jamais voir en séminaire ?
PC : J’ai connu plusieurs managers qui présentaient le profil de Stanislas Kervyn. Des types qui font tout le contraire de ce que j’enseigne pour motiver son personnel. Bizarrement, leurs boîtes marchent généralement bien et les gens qui travaillent pour eux les adorent. Jamais compris.
SM : J’ai lu quelque part, que le titre provisoire de ton prochain livre était : l’avocat, le nain et la stripteaseuse. Tu sais qu’avec un titre comme ça jamais tu ne pourras avoir de résidence secondaire à Neuilly-sur-Seine ?
PC : J’ai déjà remarqué qu’il y a un tas de gens qui pensent se reconnaître dans mes bouquins, parfois même dans mes statuts Facebook, alors que certains matins, je ne me reconnais pas moi-même dans mon miroir. C’est où, Neuilly-sur-Seine ?
SM : Tu as remporté le prix Landerneau, le prix du boulevard de l’imaginaire pour un long moment de silence, le prix Saint-Maur en poche et un balais d’or pour Back Up, tu es sélectionné pour le trophée 813, ça te dérangerai d’en laisser aux autres ? Tu sais qu’il y a des auteurs aussi en France ?
PC : Comme la plupart des auteurs, je te dirai, avec un brin de condescendance, que les prix littéraires, ça ne m’intéresse pas. L’argument tient jusqu’à ce que l’on en gagne un. Après, on y prend goût. À présent, je suis prêt à prendre tout ce qui passe. Mais, avec quelque 150 prix, il y en a (presque) pour tout le monde.
SM : Tu as rédigé une excellente préface pour Anvers et damnation1, d’ailleurs pour l’achat de cette préface on obtient gratuitement une nouvelle de Maxime Gillio, le gars qui m’avait parlé de toi il y a quelques années, c’est marrant le hasard non ?
PC : Victor Hugo disait que les grands artistes ont du hasard dans leur talent et du talent dans leur hasard. Maxime et moi serions-nous de grands artistes ?
M : Merci Paul, de tout cœur, lorsque je t’ai proposé cette interview, tu m’as dis oui, mais seulement si les questions sont idiotes, j’espère avoir tenu ma part du marché.
1 Anvers et damnation de Maxime Gillio éditions l’Atelier Mosésu, collection l’Embaumeur