Ecrit et interprété par Michel DruckerMis en scène par Steve SuissaDécor de Stéphanie JarreLumières de Jacques Rouveyrollis
Présentation : « J’avais envie depuis longtemps d’être seul avec vous l’espace d’une soirée, pour évoquer mes souvenirs accumulés au cours d’une carrière dont la longévité n’a pas fini de m’étonner.Rendez-vous compte : cinquante ans !!!Cinquante ans de complicité avec trois générations de stars, chanteurs, acteurs, sportifs, hommes politiques, vedettes de télévision…Mais surtout cinquante ans de complicité… avec vous !Ce soir, je vais vous raconter les coulisses, l’envers du décor. J’espère vous étonner, vous émouvoir, mais aussi vous faire rire. Je suis très impatient d’être devant vous. »Michel Drucker
Mon avis : Samedi, huitième étape de son Tour de France, Michel Drucker jouait à Lyon en lever de rideau d’OL/PSG. Le stade – pardon – la salle était comble. Ce qui est d’ailleurs un comble pour un débutant dans l’exercice du one man show ! Et, pour l’encourager, certains de ses plus fervents supporters avaient fait le déplacement dans la cité rhodanienne : Laurent Gerra, Michèle Bernier, Michel Boujenah, Dominique Besnéhard, son « pays » et, fidèles d’entre les fidèles, son précieux Eric Barbette et sa décoratrice préférée, sa fille Stéphanie Jarre…
73 ans. 51 ans (donc 620 mois) de carrière et… une douzaine d’heures de Seul en scène ! Cherchez l’erreur…A l’heure où la grande majorité des septuagénaires coule des jours de retraite paisibles, un de leurs plus célèbres contemporains, Michel Drucker, entame une nouvelle expérience professionnelle en se lançant dans le one man show. Il aurait pu s’installer dans le confort de son émission hebdomadaire et de quelques émissions spéciales, mais non. Qu’est-ce qui le pousse à tenter une nouvelle aventure, à se mettre ainsi en danger ? A qui lance-t-il un défi ? Que veut-il prouver ? Que veut-il SE prouver ? Est-il toujours dans l’état d’esprit du petit Michou qui voulait tellement que ses parents soient fiers de lui ? Peut-être… Il n’a jamais pu se débarrasser – ô combien à tort, vu sa phénoménale carrière – du syndrome du cancre. Il est surréaliste de l’imaginer se poser à lui-même la question qui taraudait son père cinq décennies plus tôt : « Qu’est-ce que je vais faire de moi ? »
Visiblement, Michel Drucker ne veut pas finir sa course en roue libre. Il s’invente un nouveau défi, un nouveau col à gravir. Pas en danseuse, mais en saltimbanque. Il endosse le maillot jeune, le maillot blanc du meilleur néophyte. L’idée de se lancer dans le one man show lui est devenue une évidence. A force d’accoucher des stars, il a fait éponge. Et par un phénomène logique de mimétisme, il est devenu artiste à son tour. En fait, il l’ignorait, mais il en était un déjà. C’était dans ses gènes. Son spectacle arrive à point nommé pour nous le prouver…
Comme dans le film de Woody Allen La Rose pourpre du Caire, l’animateur le plus célèbre de France sort du petit écran pour se présenter sur scène en chair et en os. Lui qui a passé son existence à présenter les autres, il se présente désormais tout seul. Il quitte en outre la position assise au profit de la verticalité et du mouvement.Le décor, finement concocté par Stéphanie Jarre, nous fait faire un grand écart d’un demi-siècle entre un vieil écran de télévision sur lequel apparaît en noir et blanc la fameuse horloge siglée ORTF, et le canapé rouge de ses rendez-vous dominicaux actuels. Ayant ainsi ses repères, Michel va naviguer entre les deux pendant plus d’une heure et demie. Mais, ce qui est judicieux, c’est qu’il ne navigue pas de façon linéaire, il godille ; suivant parfois la chronologie, usant d’autres fois du procédé du flashback, il nous embarque pour un voyage télévisuel aux escales variées et hautes en couleurs.
Personnellement, pas une seconde, je n’ai vu un débutant évoluer sur la scène lyonnaise de cette salle Rameau. Au contraire, j’y ai découvert un homme très à l’aise, parfaitement détendu. Bluffant ! Michel Drucker, on s’en doutait, est un conteur né. Il a en lui le sens du rythme, celui de la rupture et l’art d’utiliser les points de suspension. Son attaque est fédératrice : « Mes souvenirs sont les vôtres », déclare-t-il à son public. Et, aussitôt, il met en avant les deux principaux piliers sur lesquels il a établi sa prestation, l’humour et l’autodérision. Fort de cette base, il peut s’ébattre en toute liberté. En présence de celui qu’il définit comme son « professeur ès imitations », Laurent Gerra, il se livre à quelques savoureuses parodies plutôt réussies. Il ne se prive pas de balancer aussi. Lorsqu’il se permet de saupoudrer ses propos de quelques perfidies, il le fait sur un ton empreint de douceur. Il n’y a aucune méchanceté. Juste un constat. On découvre ainsi un Michel Drucker vanneur. Toujours objectif, il dresse une galerie de portraits souvent truculents, riches en anecdotes, évoque ses plus belles rencontres, dresse quelques hommages… Il dévoile pour nous les « pièces de collection » qui ont jalonné sa carrière.
Et c’est là qu’il achève de nous séduire et de nous faire ronronner de plaisir. En effet, non content de nous narrer certains épisodes cocasses ou émouvants de ses vies professionnelle et même privée, il nous les joue ! Il mime, reconstitue les scènes, se dédouble en reproduisant les dialogues… Ça coule tellement facilement qu’on a l’impression qu’il a fait ça toute sa vie !Carrière à la télévision oblige, la présence d’un écran derrière lui permet de projeter des images, des photos, des extraits d’émissions. Ce qui rend évidemment le spectacle encore plus vivant, plus interactif.
Je ne dévoilerai rien des célébrités qu’il décrit, rien des nombreuses confidences qu’il nous livre, rien des révélations – parfois saisissantes – qu’il s’accorde à sortir de son armoire à secrets, rien sur ceux qu’il encense ou égratigne. Je me contenterai de préciser que ce spectacle est fort bien écrit, qu’on y rit énormément, que l’on est à plusieurs reprises ému, qu’il lui arrive (eh oui, lui, Michel Drucker !) de dire des gros mots, qu’il présente un chapitre pour le moins pittoresques sur les politiques, qu’il passe de l’évocation de la plus grande star à des sujets très intimistes et qu’il clôt son livre de souvenirs en exprimant aussi quelques regrets…
Bref, c’est avec naturel et simplicité que Michel Drucker se raconte. Il est en totale empathie avec le public, un public qu’il respecte et dont il fait son confident. Il est assurément tellement heureux de se retrouver sur scène. C’est un autre homme que nous découvrons ; plus proche, plus touchant, mais surtout plus drôle. Et incroyablement libre. Il n’a plus rien à prouver. Le pire, c’est que ces cent minutes de spectacle ne sont que la partie émergée de l’iceberg Drucker. Il en a encore des choses à dire, à nous faire partager. Car, j’en suis persuadé, son seul but, c’est le partage. Il rend au public ce que celui-ci lui a donné durant plus de cinq décennies. Il sait d’où il vient, il sait que ce sont les téléspectateurs qui l’ont fait roi. Il les en remercie à sa façon. Mais on ne saurait occulter la somme de travail, l’investissement, la rigueur qu’il a fallu à ce perfectionniste inquiet de nature pour en arriver là et acquérir enfin une espèce de sérénité qui fait plaisir à voir.Il se place d’emblée au niveau de ses désormais collègues stand-uppers. Aujourd’hui, Michel Drucker se présente « seul… avec vous », avec nous… Et nous, nous sommes tous avec lui.
Gilbert « Critikator » Jouin
Sa tournée
4 mars. Palais des Congrès. Perpignan5 mars. Zinga Zanga. Béziers11 mars. Le Silo. Marseille12 mars. Acropolis (Salle Athéna). Nice18 mars. Théâtre Gabriel Robinne. Montluçon19 mars. Pyramide (Espace François 1er). Romorantin-Lanthenay25 mars. Salle Poirel. Nancy26 mars. Espace Dollfus Noack. Sausheim1 avril. Théâtre Galli. Sanary-sur-Mer2 avril. Opéra Grand Avignon. Avignon8 avril. Salle Marcel Sermbat. Chalon-sur-Saône9 avril. Théâtre des Feuillants. Dijon15 avril. Théâtre Fémina. Bordeaux16 avril. Casino Barrière. Toulouse22 avril. Théâtre Le Rhône. Valence23 avril. Grand Théâtre de Provence. Aix-en-Provence29 avril. Salle Jeanne d’Arc. Saint-Etienne30 avril. Opéra. Vichy
A partir du 1er octobre aux Bouffes Parisiens, à Paris