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Riad Sattouf : un bdéiste de génie ou un auteur un brin trop pessimiste?

Par Filou49 @blog_bazart
01 mars 2016

riadsatouf estherHistoire de commencer en beauté  ce mois de mars, un petit "pour et contre" comme on en fait de temps en temps Michel et moi, ca vous tente?? 

 Sauf que ce coup ci, notre débat à fleuret moucheté- bon, vous verrez, le "contre" de Michel ne l'est pas tant que cela- ne porte pas sur le cinéma, mais sur un auteur de BD- également réalisateur à ses heures perdues-,  sans doute le plus connu à l'heure actuelle, je veux parler du génial Riad Sattouf dont j'ai déjà chanté les louanges en plusieurs occasions...

Riad Sattouf,  qui après le formidable tome 2 de l'abare futur, est revenu en ce début 2016 dans toutes les bonnes librairies pour publier les Cahiers d’Esther, histoires de mes 10 ans, recueil de planches publié chaque semaine dans le Nouvel Observateur, dans lequel il continuer de creuser  le sillon de l’enfance entamé avec son formidable L'lArabe du futur, mais ici dans son pendant féminin avec ces Cahiers d'Esther.

Un album qui m'a plus enthousiasmé que Michel et on va tente rd'en expliquer les raisons  dans une sorte de thèse anti thèse qui sent bon les devoirs de philo, ceux là même sur lesquels Esther planchera d'ici quelques années (le projet de Sattouf étant de la suivre jusqu'à ses 18 ans) :

1.  Une oeuvre brillante mais un peu trop âpre et nihiliste..

esther

 C’est quoi avoir dix ans en 2016 ? Esther habite à Paris avec son papa "qu 'elle aime d’amour", sa maman qui était très belle quand elle était jeune et son frère ,un ado qu’elle trouve con comme tous les garçons. Elle va dans une école privée, ça rassure son papa. Pourtant papa n’a pas de quoi être rassuré : l’école, la rue, pour une petite fille de dix ans c’est la jungle. Heureusement Esther à la force, l’enthousiasme et l’humour de son jeune âge.

Esther existe vraiment mais ce n’est pas vraiment Esther. Riad Sattouf dialogue chaque semaine avec la fille d’un couple d’amis et la petite fille raconte ce qui fait le quotidien d’une préado française en ce début de XX° siècle. Depuis « Retour au collège » et « La vie secrète des jeunes » on sait que Riad Sattouf est un formidable sociologue de la jeunesse, du banal et d’une société fille de la téléréalité.

L’enfance est cruelle, Sattouf l’explore de livre en livre. Dans « Les cahiers d’Esther » il devient un reporter de notre époque dont il décortique avec talent les codes sociaux et les mythologies : The Voice, les écrans plats géants, la célébrité, les I Phones, les marques qui font de vous des rois ou des sujets, les films de Luc Besson, les Rappeurs et même « Youpaurne ». Roland Barthe et Pierre Bourdieu en bande dessinée, rien que ça.

charlieesther

Le monde de Riad Sattouf est drôle mais aussi, reconnaissons le, violent âpre, et parfois n'ayons pas peur des mots, nihiliste.

En effet, alors qu’à raison d’une planche par semaine dans " L’Obs" la lecture de la petite vie d’Esther est très agréable, tandis que, regroupé en une cinquantaine de planches, le lecteur referme l’album avec un sentiment diffus. 

Riad Sattouf a depuis plusieurs années une très bonne presse mais force est de constater que le personnage d'Esther n’est pas vraiment drôle et subsiste, contrairement à ce que laissent à penser la plupart des médias.  Sattouf semble quelqu’un d’effrayé par la vie et il se sert de son art pour se défendre....mais bon sang, que  toute son œuvre est rude dans le fond......

Et en refermant ces cahiers d'Esther, on  pousse un OUF de soulagement et on se dit,  bon sang quel plaisir d’avoir vieilli !

  2. Une oeuvre admirable et pleine de tendresse

esthersatouf

Les cahiers d'Esther, ou comment, à partir d'un récit a priori banal d'une enfance d'aujourd'hui, réussir, et uniquement grâce au génie de Sattouf, à engager  une bonne petite réflexion de derrière les fagots autour de la vision du monde vu par un enfant, et de notre réaction face aux angoisses de notre société actuelle.

Contrairement à Michel, j'aime Sattouf sans aucune réserve, et encore plus dirais-je dans ses albums d'observation de la jeunesse - je suis moins fan du volet Pascal Brutal, où pour le coup, l'observation sociale est moins prégnante et trop burlesque pour aller plus au delà du simple rire...

Personnellement, pour avoir trouvé cette période de l'enfance entre 10 et 14 ans vraiment très cruelle (et effectivement on est content d'avoir vieilli mais pas besoin de lire Sattouf pour m'en rendre compte ), je ne trouve pas que cela a changé, et d'ailleurs, celle  retranscrite ainsi par Satouff ne m'a pas semblé l'être autant que cela.. Autrement dit, ce n'est pas la vision de Riad qui est cruelle et rude, mais bien la vie dans sa globalité, personnellement, j'aurais meme à le trouver optimiste sur certains cotés, comme quoi la fameuse bouteille à moitié pleine n'a pas fini de couler..Nihiliste, Riad? Que nenni,  car toujours, bien au creux de son crayon, Sattouf distille cette tendresse et cette humanité qui caractérise son trait et ses oeuvres dans leur ensemble, et cette Esther peut-être encore plus que les autres...Non, Sattouf n'est pas Zemmour, Finkelkrauft ou Emmanuel Todt: aucune trace chez lui d'une vision atroce d'une société "décliniste", mais un regard  certes parfois acerbe, mais jamais cynique, ni même impitoyable sur nos chères têtes blondes..
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Sans doute, comme le subodore Michel, Riad Satouff a été effayé par la vie; il ne s'en cache d'ailleurs, ni dans ses interviews ni dans ses récits autobiographiques, mais je pense que la plus grande partie de ces angoisses sont bien derrière lui-,  et puis,  pour avoir ressenti cela aussi  à un moment de ma vie, j'avoue être en totale admiration de la façon avec laquelle il est parvenu à trancender ses angoisses par son génie drolatique et un sens de  observation  vraiment   hors du commun . Alors forcément, certaines planches peuvent un peu faire peur, et dire que je me suis jamais projeté sur ce que vivent- ou vont vivre- mes propres enfants serait mentir éhonteusement,  mais personnellement, le décalage entre la façon certes naïve dont Esther retranscrit le monde de l'école et la dure réalité de ce monde stimule énormément les zygomatiques, qu'on le veuille ou non.. Car si on rit énormément devant ces cahiers d'Esther, et pour moi, c'est bien elle le moteur humoristique de la BD : on s'esclaffe du regard d’Esther sur sa maîtresse, qu’elle dépeint invariablement comme la personne la plus moche sur terre tête ), du regard sur son frère et sur les garçons qu’elle trouve très bêtes (excepté son père  son père qui d'ailleurs a un petit coté Pascal Brutal ).. 
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Notre petite Esther est drôle, terriblement drôle, avec son regard à la fois naîf et lucide sur cette jungle de la cour de récré, et même si c'est aussi le décalage entre cette relative candeur et la réalité qui nous fait rire, on ne sent jamais Sattouf moqueur avec sa petite héroïne, bien au contraire.. De manière plus générale, rire de ce qui nous fait peur est un talent qui n'est vraiment pas donné à tout le monde, et à mes yeux, le génie de Sattouf, de loin le meilleur auteur de BD actuel, c'est de parvenir à le faire, avec toujours au coin du crayon, la sensibilité et le talent qui ont toujours caractérisé son oeuvre...  Bref, sans aucune contestation possible, ces cahiers d'Esther sont un vrai chef d'oeuvre, et pour une fois, je ne vois aucun enthousiasme excessif à l'accueil effectivement très favorable que les médias réservent  à cet immense artiste du 9ème art de notre siècle...  PHBon,  on ne voit plus qu'une chose à faire pour nous mettre d'accord: courir dans votre boutique de BD préférée et vous jeter sur ces cahiers d'Esther, n'est ce pas?

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