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Quand les lecteurs de Babelio rencontrent Stéphane Michaka

Par Samy20002000fr

Avez-vous déjà rêvé de voyager dans le temps ? C’est pour un bond de 150 ans dans le passé qu’une trentaine de lecteurs de Babelio ont été conviés, le 25 février dernier, accompagnée de Stéphane Michaka, l’auteur de Ville noire, le premier tome du diptyque Cité 19, publié chez Pocket jeunesse.

Convoquée pour identifier le corps de son père, Faustine est certaine : ces mains ne sont pas celles de son géniteur. Persuadée que ce dernier a été kidnappé, elle se lance sur les traces d’un mystérieux personnage. En pleine traque, la jeune femme chute et se réveille… 150 ans dans le passé ! Entre thriller, science-fiction et Histoire, pour Faustine, le voyage ne fait que commencer.

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Mélange des genres

Puisant ses inspirations dans trois champs littéraires distincts, que sont le thriller, le roman historique et la science-fiction, Cité 19 est un roman multiple. “Ce mélange des genres n’était pas calculé, mon histoire m’y a conduit d’elle même. Avec du recul, ce livre est un reflet fidèle de mes goûts littéraires.” Cherchant avant tout à immerger ses lecteurs, Stéphane Michaka comprend vite que ce mélange des genres est peut-être justement la formule magique des page turners : “J’aime quand on me dit que mes livres sont prenants. Mélanger les genres, c’est ma façon à moi de chercher à rendre mon propos immersif. Car mêler les genres revient à faire du livre une sorte de rêve et les rêves sont par définition le summum de l’immersion.”

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Penser au lecteur

L’un des risques des romans genrés est la difficulté pour les lecteurs non-avertis d’en saisir toute la complexité. “J’ai tenu à écrire un roman qui s’adresse à tout le monde. Dès lors, mon attention s’est portée sur le vocabulaire afin qu’il ne soit pas trop marqué par un genre particulier.” Passionné de littérature du XIXe siècle, Stéphane Michaka explique que s’il a dans un premier temps voulu copier ses grands maîtres, il a finalement abandonné son projet initial, de peur d’effrayer son public : “J’ai toujours rêvé de copier mes maîtres et d’écrire comme Zola. Confronté à des collégiens dans le cadre de mon travail, j’ai, face à leur difficulté à saisir la complexité d’un texte d’Edgar Allan Poe, compris que si je souhaitais m’adresser aux jeunes, j’allais devoir adapter mon projet littéraire.” Persuadé de manquer le rendez-vous avec les lecteurs, Stéphane Michaka repense alors son roman comme un tremplin vers ce XIXe siècle qu’il admire tant. Cité 19 était né.

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Enfant du XIXe siècle

Face à l’intérêt poussé que manifeste Stéphane Michaka pour le XIXe siècle, les lecteurs l’interrogent sur les raisons de cette passion. “Tous les écrivains sont hantés par cette époque. Patrick Modiano l’a même évoqué dans son discours de remise du prix Nobel. » Mère du roman d’anticipation mais pas seulement, cette époque est celle d’une grande renaissance du genre romanesque : “Le polar actuel est un descendant direct des romans-feuilletons du Second Empire. Écrire sur le XIXe siècle, c’est retourner aux sources du roman.” C’est d’ailleurs en écrivant Cité 19 que l’auteur a pleinement pris conscience de la richesse de cette époque : “Lorsque j’ai commencé à écrire, je ne pensais pas que l’Histoire tiendrait une place si importante dans le roman. En me documentant, j’ai découvert la Commune, cette grande oubliée des programmes scolaires. C’est l’un des grands bénéfices du romancier : apprendre constamment ! »

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Comprendre le présent

Si le XIXe siècle intéresse autant Stéphane Michaka, c’est pour sa capacité à nous expliquer le présent : “Certains grands termes que l’on emploie beaucoup aujourd’hui, comme “Liberté” ou “République”, trouvent leur racine dans la société du XIXe. Il est important à mes yeux que mon roman apporte un éclairage sur le présent.” Jongler entre les explications historiques et le roman n’est pas chose aisée pour l’écrivain qui rappelle avoir tenu à conférer une certaine véracité à ses propos : “Ces explications n’étaient pas la raison d’être de mon roman, mais il m’a semblé logique de les expliquer. Je laisse bien sûr la place à  Wikipédia et aux autres encyclopédies pour trouver de grandes explications, je ne suis pas professeur, mais un minimum d’explication est nécessaire pour pouvoir emmener les lecteurs sur les pas de Faustine.”

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De Faustine à Faustin

“Pourquoi avoir choisi une héroïne féminine ?”interroge une lectrice : “Le fait que Faustine soit une femme m’est venu en écrivant” explique Stéphane Michaka. Avant la naissance du roman, l’univers de Cité 19 a été créé sous forme de feuilletons radiophoniques, au cours desquels, Faustine, déjà héroïne, doit se déguiser en homme. Ayant apprécié la transformation de son personnage, l’écrivain décide de reprendre cette idée dans son roman, sous la forme d’un changement de genre : Faustine deviendrait Faustin : “J’ai aimé l’ambiguïté du personnage, qui en dit long sur l’adolescence, ce moment où l’on doit faire des choix fondamentaux.” L’écrivain ajoute que les aventures de Faustine nécessitaient une telle décision : “Je m’aperçois que la jeune femme n’a pas véritablement le choix quant à son déguisement. Au XIXe siècle, la gent féminine ne bénéficiait pas de la liberté dont mon héroïne jouit.”

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Solliciter l’imaginaire

Stéphane Michaka s’exprime ensuite au sujet de son processus d’écriture, et notamment à propos de la liberté que confère l’écriture d’un roman : “Le roman permet cette liberté incroyable de créer au fur et à mesure de l’écriture, au contraire des formats courts que je pratiquais auparavant, et dont on doit connaître le moindre détail avant de se lancer.” Bien sûr, cette création continuelle a pour conséquence des zones d’ombre dans le premier tome du diptyque, qui ne sont dévoilées que dans le suivant. “Il est vrai que Cité 19 était à la base prévu en un seul tome, voilà pourquoi les questions sont si nombreuses à la fin du premier volume. J’aurais certes pu donner plus de réponses à l’issue de ce premier tome mais mon idée était de chercher à solliciter l’imaginaire du lecteur en ne dévoilant pas tout de suite tous les éléments de l’intrigue” L’écrivain cite à ce sujet l’exemple du Dernier jour d’un condamné de Victor Hugo, qui laisse de la même manière ses lecteurs en proie à de nombreuses questions. “Si l’on avait su qui était ce condamné et pourquoi il l’était, le texte aurait perdu en force. J’aime ce principe et j’ai utilisé cet exemple comme une leçon.”

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“Je rêve donc je deviens”

A propos de ses inspirations, Stéphane Michaka hésite : “Je ne sais jamais si les idées viennent de moi ou si elles sont le résultat de quelque chose que j’ai pu voir.” Concernant les théories sur le rêve, qu’il met en scène dans son ouvrage, l’écrivain évoque le docteur Jouvet, dont les travaux lui ont inspiré Cité 19 : “Selon ce chercheur, le fait de rêver entraîne la préparation de réseaux de neurones, ce qui lui permet de conclure : je rêve donc je serai. J’ai adapté cette conclusion en : Je rêve donc je deviens”. Sans vouloir réaliser un livre à thème, Stéphane Michaka explique que l’idée d’explorer le thème du rêve est l’une des motivations qui ont fait naître ce roman.

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Paris, ville de rêve

Si Stéphane Michaka ne devait citer qu’un livre qui aurait joué un rôle dans l’écriture de Cité 19, il s’agirait du Livre des passages de Walter Benjamin. Egalement fasciné par le XIXe siècle, cet écrivain s’intéresse aux passages construits dans la capitale. Orientant le regard des passants vers les vitrines des magasins qu’il recouvre, le passage est comme une scène de théâtre, l’espace au sein duquel se joue le rêve.“Avec la constructions de tous ces passages et la reconstruction de Paris par  le baron Haussmann, Paris est progressivement devenue une cité rêvée, et c’est précisément dans cette ville, qui devient progressivement musée, que j’ai choisi de faire voyager Faustine.” Derrière cette référence se cache une revendication de l’auteur, celle du sentiment inégalitaire que véhicule cette ville : “La ville de Paris est féerique mais elle exclut, à travers sa politique de prix et la non représentativité de ses politiques. Cette idée s’est imposée au cours de mon écriture et j’ai souhaité dénoncer cette injustice, héritée directement du Second Empire.”  

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Progrès et incertitudes

Si une partie de Cité 19 se déroule au XIXe siècle, il y est également question de technologies très contemporaines, qui ont poussé l’écrivain à s’interroger sur le progrès technique. Ce dernier est longtemps resté un fait uniquement positif dans la société européenne. Comme le rappelle Stéphane Michaka, les intellectuels plaçaient beaucoup d’espoir en ce progrès, jusqu’à ce qu’ils lui découvrent un goût amer pendant la Première Guerre mondiale : “Stefan Zweig exprime bien cette idée dans Le monde d’hier. Le XIXe siècle est celui des illusions d’optique et des panoramas, ces faux paysages construits dans des bâtiments ronds, dont le théâtre du Rond-point est un vestige.” Avec ses nouvelles technologies immersives comme la réalité virtuelle, le XXIe siècle a tout de ce XIXe d’illusion pour Stéphane Michaka, qui, à travers son ouvrage, a souhaité faire réfléchir les lecteurs : “Les technologies jouent beaucoup avec l’illusion aujourd’hui, comme elles faisaient déjà rêver au XIXe. Pour imaginer les discours de ceux qui tirent les ficelles du rêve de Faustine dans Cité 19, je me suis directement inspiré des présentations de projets de Steve Jobs. En résumé, la toile de fond de mon roman cherche à mettre en garde contre le progrès, en rappelant que l’on peut être amoureux du XIXe siècle, mais qu’il ne faut pas oublier qu’il s’agit aussi d’une prison dont nous ne sommes pas forcément sortis aujourd’hui.”

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La séance de dédicace qui clôture la plupart de nos rencontres, a été ce jeudi l’occasion pour les lecteurs de poser les nombreuses questions qui leur brûlaient encore les lèvres, à un Stéphane Michaka absolument ravi de pouvoir échanger directement avec ses lecteurs à propos d’une époque qui le passionne.

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Retrouvez Cité 19 de Stéphane Michaka publié chez Pocket Jeunesse

 Crédit photos : Steve Wells Photography


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