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Voici un texte que j’aurais dû publier la semaine dernière, quand l’expo était encore visible à l’Espace Parangon. Mais ce n’est que sur sa fin que j’ai pu voir les « Studio sessions » de Fernand Bertemes, et il n’y avait donc plus pertinence à vous recommander d’aller sur place pour découvrir les tableaux de l’artiste. Je tiens quand même à vous dire combien j’ai aimé ces oeuvres sensuelles et troublantes qui relèvent autant de l’exploration du corps que de l’âme. Le sujet de l’expo, c’est la femme, mise en scène et observée avec amour et candeur dans un décor de studio de peintre. Une succession de nus artistiques extrêmement délicats et pudiques, dans lesquels Fernand Bertemes dépasse les apparences du corps et la vision purement iconique, pour nous proposer des portraits ciselés, axés sur une individualité, un esprit, une émanation d'être. Dans ces « studio sessions », une femme en particulier apparait sur la plupart des toiles. C'est elle, on reconnait ses traits, sa physionomie singulière, c’est la femme qui est sur la photo de la carte de l'invitation. Peinte et repeinte par l'artiste, elle nous est tour à tour rebelle et fragile, alanguie et meurtrie... Elle s’adonne à un étrange exercice de déguisement et de dévoilement, jouant autant avec nous en tant qu’observateurs qu’avec l’image qu’elle se renvoie à elle-même. Cette femme aux regards si profonds, parfois mélancoliques, parfois provocants, ne peut nous laisser indifférents, elle nous intrigue : à travers sa façon de poser, sa façon de se laisser regarder, il semble qu’elle nous raconte une histoire, son histoire.
En bavardant avec Fernand Bertemes, nous en apprenons un peu plus sur cette mystérieuse inconnue qui nous fait penser à la belle noiseuse de Rivette. Une jeune fille éduquée depuis ses six ans pour devenir danseuse étoile, soumise à la stricte discipline de la danse classique, tout son corps entraîné et sculpté pour cet objectif de la scène. Un jour, à ses 18 ans, a lieu l'accident, une entorse de la cheville et l’arrêt brutal de la carrière. La fracture d'un rêve, d'un avenir programmé.
C'est à ce moment-là que surgit le peintre et l’occasion d’une collaboration entre artiste et modèle :
s'ensuit un travail sur plusieurs années qui lentement devient pour la jeune fille comme une exploration d’une nouvelle vie, d’une nouvelle représentation de soi, d’une nouvelle façon de discipliner son corps et de lui donner un sens. Au-delà des portraits de nu, il y a donc tout un récit qui nous est conté, celui d’un être qui se réapproprie son corps et sa vie, tout en assumant ses blessures du passé et le temps qui passe.Les peintures de Fernand Bertemes sont flamboyantes, riches de mille détails et textures, et il a aussi le don de nous offrir de magnifiques portraits sensibles et, à travers eux, de composer un très bel ode à la vie et à la beauté.