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Shadi Ghadirian : rétrospective – S. Aznavourian & A. G. Etehadieh

Par Moglug @Moglug

51zwbxfat0l-_sx258_bo1204203200_Une fois n’est pas coutume, je vous parle aujourd’hui d’un livre d’art, de photographies de l’iranienne Shadi Ghadirian. La Bibliothèque municipale de Lyon a proposé une restrospective de cette artiste fin 2015. Pour être sincère, il me semble que je suis alors entrée dans la salle d’exposition de la bibliothèque pour la première fois, attirée d’abord par le montage vidéo installé dans le hall d’accueil et portant le titre évocateur d’Une trop bruyante solitudeJe découvrais étrangement dans le même temps le livre du même nom de l’auteur tchèque Bohumil Hrabal, accessoirement l’une de mes plus belles lectures de l’année passée. Le montage vidéo de Shadi Ghadirian, première expérience du genre pour cette photographe, invitait les lecteurs à entrer dans une pièce exigüe entourée de quatre murs sur lesquels étaient projetées des scènes de rue : une foule de passants vus de face, de profil (gauche et droite) et de dos. Imaginez la presqu’île de Lyon le premier jour des soldes, ou une sortie de métro de la Défense à Paris à l’heure de pointe (en un peu plus fluide tout de même) et vous aurez une idée des images diffusées. Clin d’oeil que je n’ai pu repérer que sur les indications de la commissaire d’exposition : une petite fille se faufile entre les passants, vagabondant de tous côtés, indépendamment du flot humain. Si l’étiquette de présentation indiquait que l’observateur était invité à suivre le mouvement et à se mettre en marche pour accompagner tous ces individus, mon ressenti relevait bien d’avantage de l’oppression, et induisait une volonté de résistance au flux, voire de fuite, plus qu’un sentiment naturel de mise en marche. M’est avis que l’auteur était bien consciente de l’effet provoqué, la commissaire d’exposition n’était pourtant pas en mesure de me confirmer que la photographe avait lu l’oeuvre de Bohumil Hrabal. Et c’est bien là toute la subtilité de l’exposition. Shadi Ghadirian est considérée comme une chef de file de la photographie iranienne, elle vit à Téhéran, a plusieurs fois été menacée de censure mais continue tout de même à exposer dans son pays et dans le monde entier. Toute son œuvre repose sur ce fil indicible au croisement de l’acceptable par le gouvernement iranien, et de la critique féministe – voire politique dans le cas d’Une trop bruyante solitude.

Chaque série de photos reproduites dans le catalogue d’exposition met en évidence cette ambiguïté, cette position de l’Iran et particulièrement de la femme iranienne à la croisée entre tradition et modernité d’abord, liberté et censure, réflexe protecteur et audace. Certains y verront une revendication féministe et politique très forte, j’y vois aussi la fragilité d’une mère, la beauté d’une culture iranienne très riche. L’oeuvre de Shadi Ghadirian ne se limite pas au féminisme, elle utilise à bon escient toute sorte d’objets du quotidien pour en faire une critique sociétale, de la guerre, du numérique, de la modernité, de la position de la femme dans cette modernité, etc.

Je vous parle peu de photographie sur ce blog. C’est un art que je découvre petit à petit, ponctuellement, au gré des trop rares expositions auxquelles j’assiste ou de catalogues que je découvre par hasard. J’espère toutefois y revenir plus régulièrement pour creuser ce drôle d’intérêt émergent.

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Shadi Ghadirian : rétrospective
Sylvie Aznavourian et Anahita Ghabaian Etehadieh (commissaires d’exposition)

Somogy, BmL, Silk Road Gallery, 2015, 96 p. (bilingue français-anglais)


Challenges concernés

Challenge Multidéfis 2016 : un livre d’art

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