Et dans l'œil de l'autre, tu l'enfonces...
En tapant avec ton marteau, un, deux ou trois petits coups... ça ira.
Et tu verras que c'est toi et non lui qu'on blâmera
Parce qu'il a hélas le droit de te dévorer des yeux
Mais tu n'as pas le droit de lui taper dans l'œil !Parce que l'on considère à tort et à travers
Qu'il n'y a pas de vie sans envie
De vitalité sans avidité, de désir sans cupidité.
On ne doit pas forcer la réalité mais la renforcer
C'est ce que j'ai cru faire...
Je fus cruelle pour supporter la cruauté
Juste avec la justice, injuste avec l'injustice
Mais il parait que j'ai violé la Loi :
En opposant un poids lourd à un poids plume,
Mon marteau à son enclume.
Je reconnais, j'ai reconnu mon vilain forfait
La canaille dans son œil m'a parue plus gênante
Que la paille dans le mien.
Personne n'a encore compris, qu'on ne peut pas se voir avec ses propres yeux.
C'est l'apanage ou le privilège de Dieu.
Et même si au fond, j'ai raison ; je ne peux échapper à la sanction.
Je vais devoir subir un châtiment... un traitement équivalent à la teneur de mon égarement ; en vertu de la loi du Talion : œil pour œil, dent pour dent...
Et même si je ne faisais rien d'autre que résoudre mon problème, on n'a pas le droit de se faire justice soi-même.
L'autre m'a-t- on dit ne commencera son travail de deuil qu'APRES qu'on m'ait enfoncé un clou dans l' œil.
Parce qu'il n'y a pas qu'un dommage, il y a aussi un intérêt...
Quand on a tort, il faut se faire une raison.
La raison du plus faible, c'est la meilleure... c'est la seule où l'on partage les leurres et les malheurs.
Et j'ai fini dans un asile psychiatrique. Parce que je n'arrêtais pas de répéter la chanson du mal aimé : mon clou, son œil. Son clou, mon cercueil.
J'étais possédée, dépossédée de moi-même, un marteau privé d'enclume.
Dans une pièce isolée, je répétais, répétais, répétais : mon, ma mes ; ton, ta, tes ; son, sa, ses !
Complètement torturée par tous les adjectifs possessifs sans oublier les pronoms qui ont usurpé notre nom : le mien, le tien, le sien...
Je n'étais plus en possession de tous mes moyens...je me perdais, je perdais toute chance de me retrouver. De m'y retrouver !
Pour me consoler, je me remémorais le mot de La Fontaine : "l'un ne possédait rien qui n'appartînt à l'autre".
Moralité : mon clou n'était pas plus le mien que le sien. Et son œil, pas plus le sien que le mien.