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Julian Barnes, Love, etc

Par Ellettres @Ellettres

« Ok, you’ve got a friend, he gets married, and the day he gets married you fall in love with his wife. » (p. 79)

Barnes
L’auteur propose ici la figure assez classique du trio amoureux : Stuart et Oliver sont amis et ils aiment tous les deux Gillian, sauf que c’est Stuart qui se marie avec elle. « Jules et Jim » est une référence qui vient d’autant plus facilement qu’elle apparaît dans la bouche des personnages. Mais il est une autre référence qui s’immisce, celle du lièvre et de la tortue : Stuart et Oliver sont des amis d’enfance que tout oppose. Oliver est un flambeur spirituel, cultivé, coureur et bon à rien, il est le « lièvre » qui se moque de la lenteur de la « tortue », c’est-à-dire Stuart, sérieux, « working-class », pataud. Et pourtant c’est Stuart qui a gagné la fille. Mais qui gagnera à la fin ?

Le procédé est original : à tour de rôle les personnages parlent, expliquent leurs actions, se justifient, digressent, philosophent, commentent les actions des autres, se livrent intimement et prennent à partie le lecteur-spectateur comme face à une caméra. Des personnages secondaires interviennent, telle la mère de Gillian. Les versions diffèrent selon la subjectivité des personnages. Ça donne beaucoup de relief et de dynamisme à l’histoire. On a l’impression d’être devant une émission de télé-réalité avant l’heure (le livre est sorti en 1991), le QI en plus. Les variations du sentiment amoureux sont disséquées sous toutes leurs coutures dans cette partie de poker menteur. Tous ces petits mensonges qu’on se raconte à soi-même, en voulant être à tout prix sincère, n’aboutissent-ils pas à des comportements irrationnels, voire inconsciemment pervers ? Le mariage est-il une assurance tout-risque contre la passion ? Peut-on vivre avec la culpabilité ? Les perdants doivent-ils toujours perdre ? Y a-t-il une justice en ce bas monde ?!

« You don’t know exactly when you fall in love with someone, do you? There isn’t that sudden moment when the music stops and you look into one another’s eyes for the first time, or whatever. Well, maybe it’s like that for some people, but not me. I had a friend who told me she fell for a boy when she woke up in the morning and realize he didn’t snore. It doesn’t sound much, does it? Except it sounds true. » (p.73)

Bref, la fin s’écrit plus avec des points de suspension qu’un point final bien gras, vous imaginez bien.

L’humour anglais et l’understatement fonctionnent à plein régime dans ce roman de Julian Barnes, un auteur que je découvrais pour la première fois. Mais j’ai eu un peu de mal à en terminer la lecture, notamment parce que je l’ai lu en VO et que certains passages sont truffés d’argot, de mots savants et d’expressions tarabiscotées en plusieurs langues. La construction du récit est très enlevée, stylisée comme il faut, mais je n’ai pas complètement accroché avec les personnages et ce qui leur arrive. Peut-être parce que c’est un portrait d’époque, et que plus de vingt ans nous en sépare à présent. Mais c’est justement parce que je n’ai pas adhéré à tous les développements de l’histoire que je souhaiterais lire la suite, publiée en français sous le titre « Dix ans après » (« Love, etc » dans la version anglaise, pour compliquer les choses !), au risque d’être encore légèrement déçue.

« People sit at home thinking Some Day My Prince Will Come. But that’s no good unless you’ve got a sig up saying Princes Welcome Here. » (p. 173)

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Julian Barnes, Love, etc

« Talking It over » de Julian Barnes, éd. Picador, 1992, 273 p.


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