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Joseph, de Marie-Hélène Lafon

Publié le 11 mars 2016 par Onarretetout

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Il est très seul, Joseph. Mais il n’a rien oublié. Les dates, les chiffres, les chiens des fermes, les bêtes qu’il soigne, les villages du Cantal. Il n’a rien oublié, même son frère jumeau parti tenir un commerce en Normandie, sa mère partie finir ses jours dans la maison de son frère, même Sylvie. Trois cures semblent être venues à bout de son penchant pour l’alcool. Il vit seul. Pas tout à fait. Il est ouvrier agricole, un des derniers sans doute, admis à la table du patron et de la patronne, qu’il estime parce que des patrons comme ceux-là « ça allait bien pour se finir », mais se faisant discret, blanchi comme on dit par une lessive hebdomadaire, et logé, si on peut dire, dans une sorte de dénuement. Dans une enveloppe, il met de l’argent de côté pour ses obsèques, un mot qu’il aime entendre : c’est une cérémonie, comme sa façon de porter des vêtements non froissés, d’entretenir ses mains d’ouvrier. Il y a sans doute du respect dans ce mot. Il ne sait pas qu’il y est question de suivre, d’accompagner, lui que nous accompagnons dans ce texte de Marie-Hélène Lafon, à lire comme si on était dans les pensées de Joseph, pensées qui se bousculent parce qu’il les garde pour lui, ne s’en ouvre pas à la patronne ni au patron. Ouvrir, ce mot qui lui vient au cimetière où il accompagne sa mère, revenue, morte, au pays : « La prochaine fois, on ouvrirait pour lui ». C’est une vie paysanne d’aujourd’hui, peut-être en voie de disparition comme on dit, faite de bonheurs et de malheurs, et qu’on approche grâce à une écriture tracée comme les sillons du labour, comme les souvenirs qui ne s’effacent pas, comme vont les jours se succédant.


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