Au bazar des images

Pas la peine de se casser la tête... ce gigantesque Cadavre exquis présenté actuellement au Grand Palais, Carambolages, est une belle invitation à déguster des images.
On peut toujours lui reprocher des rapprochements gratuits, incongrus, faciles... là n'est pas l'important, d'autant moins que les rapprochements ne concernent pas nécessairement l'oeuvre voisine mais bien plutôt le spectateur qui la reçoit après ou avant telle ou telle.
Comme dans les dégustations de vins, ces regards que nous posons successivement sur les oeuvres émoustillent les sens mais excitent aussi l'imagination. Ils bousculent bien sûr (et c'est probablement la volonté de Jean-Hubert Martin) les trop grandes certitudes de notre "classique" histoire de l'art !

J'ai parlé de bazar, cela n'est nullement péjoratif. Imaginez un écheveau d'allées où les senteurs varient, les odeurs raffinées de quelque épice rare côtoyant celles putrides de la viande parfois décomposée mais que nous aimons, car elle nous rappelle la terre.
Bien sûr, si je cite le goût, le toucher, l'odorat ; je n'oublie pas que de nos sens évoqués, la vue est ici l'essentiel et le regard convoqué. Il nous faut lire ou relire l'intelligent ouvrage de Georges Didi-Huberman, Devant l'image :

..."Nous sommes devant l'image comme devant l'exubérance inintelligible d'un évènement visuel. Nous sommes devant l'image comme devant l'obstacle et sa creusée sans fin. Nous sommes devant l'image comme devant un trésor de simplicité, une couleur par exemple, et nous sommes là-devant - selon la belle formule d'Henri Michaux - comme face à ce qui se dérobe.
Toute la difficulté consistant à n'avoir peur ni de savoir,
ni de ne pas savoir." G. D.-H.

Photos de l'auteure, Grand Palais, mars 2016.