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[ critique] ( 10/10 ) OSLO , 31 AOUT par Christophe L.

Par Christian Papia @ChristianPAPIA
[ critique] ( 10/10 ) OSLO , 31 AOUT par Christophe L.

Synopsis: C'est le dernier jour de l'été et Anders, en fin de cure de désintoxication, se rend en ville le temps d'une journée pour un entretien d'embauche. L'occasion d'un bilan sur les opportunités manquées, les rêves de jeunesse envolés, et, peut-être, l'espoir d'un nouveau départ...

Alors que vient de sortir Ce sentiment de l'été, il n'est peut-être pas inutile de revenir sur Oslo, 31 août, qui nous fit découvrir l'acteur qui illumine le film de Mikhaïl Hers, Oslo, 31 août est inspiré du Feu follet de Pierre Drieu La Rochelle, déjà porté à l'écran en 1963 par Louis Malle - l'un des plus beaux rôles de Maurice Ronet. Joachim Trier en tire une œuvre à l'image de la lumière éthérée des derniers feux de l'été norvégien, déclinante et cependant encore vibrante du souvenir évanescent des chaleurs estivales. Elle allonge les ombres, qui donnent aux paysages, aux silhouettes un rendu plus fin, plus délicat. C'est Le soleil noir des regrets, selon le titre d'un livre de Philippe Walter. Ce qui fait d' Oslo, 31 août une chronique désenchantée et mélancolique...Anders, le héros, porte sur le monde un regard aiguisé. L'historien des idées Jean Starobinsky explique dans La mélancolie au miroir : " L'œil du mélancolique fixe l'insubstantiel et le périssable, sa propre image ". Fabrice Roussel dit à peu près la même chose : " Le mélancolique [...] est aussi celui qui peut contempler l'intellect dans sa pureté " ( Le concept de mélancolie chez Aristote, Revue d'histoire des sciences - 1988).

[ critique] ( 10/10 ) OSLO , 31 AOUT par Christophe L.

Le malaise saturnien est donc vecteur de lucidité. Anders, à la faveur de sa cure de désintoxication, peut ainsi considérer froidement sa vie et l'existence de ceux qu'il a connus au temps vaporeux de ses paradis artificiels. Et de constater qu'ils ne sont pas à la hauteur de ses exigences.Cette clairvoyance, résultat de la " mise à distance de la conscience face au désenchantement du monde " (Jean Starobinsky), enferme le sujet dans un cercle de solitude, où " le sadisme se retourne en masochisme " (Hélène Petitpierre, Jean Starobinsky, la mélancolie au miroir, Figures de la psychanalyse - 2001), c'est-à-dire en autodestruction. Une solitude du mélancolique magnifiquement chantée par Charles Baudelaire dans l'un des plus beaux poèmes de Spleen et idéal, L'héautontimorouménos (littéralement Le bourreau de soi-même, le titre d'une pièce de Térence), qui colle parfaitement au héros d' Oslo, 31 août :

Je suis de mon cœur le vampire,
Un de ces grands abandonnés
Au rire éternel condamnés,
Et qui ne peuvent plus sourire !

Pour autant, le film de Joachim Trier n'est pas glauque (au sens du sordide). Baudelaire, encore lui, disait dans Fusées : " J'ai trouvé la définition du beau. [...] C'est quelque chose d'ardent et de triste. Je ne prétends pas que la joie ne puisse pas s'associer à la beauté, mais je dis que la joie est un des ornements les plus vulgaires, tandis que la mélancolie en est pour ainsi dire l'illustre compagne, à ce point que je ne conçois guère [...] un type de beauté où il n'y ait du malheur. Ce qui fait de la trajectoire tragique d'Anders un spectacle sublime. Mais pour raisonner ainsi, peut-être " mon cerveau est-il un miroir ensorcelé ", pour reprendre une autre belle formule de l'auteur des Fleurs du mal ...

[ critique] ( 10/10 ) OSLO , 31 AOUT par Christophe L.

Mais parlons un peu cinéma... La mise en scène très Nouvelle vague de Joachim Trier permet de capter au plus près le jeu infiniment délicat d'Anders Danielsen Lie, dont la grâce diaphane insuffle une incroyable pureté à son personnage, qui semble se demander, pendant tout le film, comme Baudelaire (encore !) :

Ne suis-je pas un faux accord
Dans la divine symphonie ?

Le cinéaste norvégien mène également son récit avec beaucoup d'intelligence, introduisant un vrai suspense quant au sort final d'Anders. Le suicide hante certes le film dès l'admirable scène d'ouver­ture, qui nous montre le jeune homme au bord d'un étang, emplissant de pierres les poches de son pantalon, avant de s'avancer lentement dans l'eau dormante, puis de disparaître, ne laissant à sa surface qu'une imperceptible ride argentée et éphémère, comme le ferait une jeune feuille prématurément tombée d'un arbre.Pourtant, on sent que son instinct de survie peut l'emporter, en particulier lors de son ultime virée nocturne, où il rencontre une jeune femme qui l'entraîne sur son vélo à travers la nuit d'Oslo. Joachim Trier nous le montre étreignant sa taille, le visage incliné contre son dos, dans l'attitude classi­que du mélancolique. " Tête penchée ", écrit Anne Larue, " coude replié, yeux baissés : l'iconogra­phie de la mélancolie traduit par cette posture bien connue, l'accablement, la lourdeur de l'âme malade, le poids moral et physique d'une tête qui [...] pèse et pense à la fois " ( Pour une histoire du regard : la mélancolie dans les lettres et les arts, Lettres actuelles - 1995). Anders semble ainsi écouter les battements du cœur de sa partenaire d'un soir, comme pour percevoir une dernière fois la musique intime de la vie, et se convaincre de continuer - ou de cesser- sa lutte. A moins qu'il ne tète " la douleur comme une bonne louve " ( Le cygne, Charles Baudelaire), dans un ultime combat entre Eros et Thanatos...

[ critique] ( 10/10 ) OSLO , 31 AOUT par Christophe L.

Oslo, 31 aoûta la beauté poétique des petites flammes fugitives qui illuminent les mélancolies nocturnes et solitaires des cimetières et que l'on interprétait autrefois comme la manifestation d'âmes en peine, les feux follets, mais que les scientifiques ont malheureusement ramenées à de prosaïques combustions de gaz se dégageant de la matière organique en décomposition.Bref, un film beau à pleurer, en dépit - ou plutôt grâce - à l'absence de pathos... Somptueux. Et je pèse mes mots !

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