SPOTLIGHT, Tom McCarthy (2016)
Tandis que le diocèse de Lyon se trouve actuellement au cœur de la tourmente – rappelons que le cardinal Philippe Barbarin est soupçonné d’avoir couvert les agissements d’un prêtre pédophile – l’Église continue de prêcher le scandale et d’adjurer pour qu’une fois de plus ces affaires d’une ignominie rare soient étouffées. Spotlight, film d’une humilité saisissante et pourtant prodigieux dans ce qu’il a de plus pertinent et pointu, arrive à point nommé sur nos écrans pour (re)mettre en lumière de sinistres faits qui n’en finissent plus d’éclabousser une Église catholique sclérosée, rongée par la loi du silence, obstinée dans le mensonge et étouffée par des principes constitutifs et autres doctrines obscurantistes, sources d’abjection et de souffrance.
Spotlight – long-métrage basé sur des faits réels – nous plonge donc dans le quotidien de quatre journalistes d’investigation, section spéciale du Boston Globe qui enquêtera à partir de 2001 et pendant plus d’un an sur des suspicions d’abus sexuels perpétrés au cœur de l’Église catholique. Une enquête secrète, ardue, millimétrée, gravitant autour des personnalités les plus emblématiques et influentes de la ville de Boston, qui pointera du doigt de nombreuses et sombres ramifications et dévoilera que pouvoir, justice et Communauté catholique savent parfaitement se rapprocher et s’entendre dans les pires sacrements. Entre manigances, intimidations, arrangements écœurants, accointances douteuses, ces journalistes se confronteront au pire et s’acharneront jusqu’à faire de leur enquête un véritable combat pour la vérité…
Durant deux heures, le spectateur suit, fasciné et hypnotisé, ces reporters de haut vol superbement incarnés par des acteurs et actrices d’une justesse incroyable, littéralement habités par leurs personnages et dénué-es de velléités égotiques. Michael Keaton, Mark Ruffalo, Rachel McAdams et Brian d’Arcy James forment une seule et même entité à l’écran, bloc soudé et inébranlable, tandis qu’en toile de fond le rédacteur en chef du Globe – merveilleusement représenté par Liev Schreiber – personnalité taciturne, taiseuse et étrange que l’on voit finalement peu, œuvre dans l’ombre tel un vengeur insaisissable et inquiétant. Jamais édulcoré mais encore moins voyeuriste ou pathos, Spotlightest une œuvre captivante et d’une très grande finesse, à la fois éprouvante et émouvante qui marche dans les pas d’une affaire sordide et pourtant tellement maîtrisée qu’elle en devient lumineuse. La réalisation est affûtée, le scénario brillamment mis en forme, les dialogues ciselés, chaque minute qui passe est une révélation de plus, chaque seconde un détail qui écorche le cœur, chaque image une vision qui s’accroche à la rétine. C’est haletant, poignant, révoltant mais aussi plein d’espoir, parce qu’au-delà du synopsis lui-même, Spotlight redonne ses lettres de noblesse au métier de journaliste, trop souvent réduit aujourd’hui à de l’information illusoire et du sensationnel vomitif…
Et le débat d’être relancé : quand l’Église s’interrogera-t-elle sérieusement sur le sort de ces prêtres soumis à la cruelle loi de l’abstinence ? Loin de moi l’idée de faire de ces hommes des victimes – ils ont fait un choix –, ils n’en restent pas moins les instruments d’une puissance mystique omnisciente et aux relents sectaires qui codifie et mène à l’abattoir des milliers d’innocent-es. Au mieux, un certain nombre de ces officiants se prêtent au jeu des relations cachées entre adultes consentants, au pire, d’autres, en proie à une frustration monstrueuse et psychologiquement affectés, deviennent de terrifiants prédateurs pour conjurer leurs démons intérieurs et assouvir leurs désirs réprimés. Que l’Église catholique dès lors cherche le Diable dans ses propres rangs…
Je suis personnellement sortie de cette séance les yeux gonflés de larmes et la colère coincée au fond de la gorge. Tandis que cette production se révèle puissante et superbe, le sujet lui ne relève que de l’infamie la plus crasse. Et rien ne bouge vraiment car l’Église catholique est puissante, très puissante, trop puissante… Une œuvre d’utilité publique à voir impérativement.