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Gérard Fromanger : « La vie d’artiste »

Publié le 13 mars 2016 par Pantalaskas @chapeau_noir

Alors que l'exposition Gérard Fromanger au Centre Pompidou à Paris connaît un succès impressionnant ( trois mille cinq cents visiteurs en moyenne par jour, le double de l'exposition Kieffer), c'est une œuvre historique du peintre qui offre l'occasion de ce coup de chapeau : "La vie d'artiste" (1975) .

"Boulevard des Italiens"

Depuis déjà quelques années, Gérard Fromanger s'était employé à associer photographie et peinture. A la différence d'autres peintres de la Figuration Narrative ( comme Gérard Schlosser par exemple pour qui le choix d'un cadrage photographique relève de sa seule décision), Fromanger ne se pose pas en photographe. Il demande à d'autres de se charger de cette tâche de captation simple, sans artifice, pour tout dire neutre. C'est le photographe professionnel qui lui fournit le matériau à partir duquel son cheminement vers la peinture s'engage. Dès 1971 avec l'incontournable série "Boulevard des Italiens", Elie Kagan met à sa disposition les clichés noir et blanc que le peintre, à une époque où les ordinateurs ne sont pas encore devenus des outils familiers pour les artistes, fait transférer en diapositives.

Gérard Fromanger : « La vie d’artiste »

"La vie d'artiste" série Annoncez la couleur 1975 Gérard Fromanger

Le tableau "La vie d'artiste" saisit ce moment où paradoxalement le peintre dédié à la lumière et à la couleur, s'enferme dans le noir pour projeter sur la toile blanche cette diapositive créant une image matrice de son futur tableau.
Cette trajectoire décrite par Michel Foucault, qui va de la photographie à la peinture, Gérard Fromanger la rend visible avec des lignes de couleur irradiant l'espace décrit par la projection sur le plan de la toile, matérialisant dans le volume de l'atelier la perspective mentale du peintre occupé à transformer cette image-matrice en peinture.
" Il n’y a pas de ligne, pas de trait dans la nature, dit le peintre : la ligne est une décision du regard ou de la main, elle n’existe que déposée sur la toile, inventée par le geste de celui qui dessine. Et vue ainsi, comme trace du passage du pinceau sur la toile, elle perd sa fonction de clôture pour devenir un être autonome."(1)

Prémices de l’art  conceptuel

La photographie permet au peintre d'introduire le monde réel dans son tableau ( La vie des citadins du boulevard des Italiens à Paris, les manifestants de 68 dans "Album le rouge" ou encore les révoltés sur les toits de la prison de Nancy). Puis le recours à l'aplat de peinture sur les silhouettes de ces personnages détermine un premier changement de plan, une sélection nouvelle dans l'analyse de cette image qui n'est déjà plus photographie au profit d'une autre réalité. Avec beaucoup de justesse, Harry Bellet écrivait récemment au sujet de ce moment du travail de Fromanger "Il s’agit là d’un projet qui a tous les prémices de l’art  conceptuel" ("Gérard Fromanger voit le monde en peinture" (Le Monde 25 février 2016).

projection toile

Cette lecture apparaît en effet déterminante dans ce passage de la photographie à la peinture, dans cette analyse d'une image par la couleur. A la manière d'un changement d'état physique, comme celui de l'eau à la vapeur) l'image travaillée par le peintre change à son tour d'état, passant de forme/couleur à concept.

Ce moment dans l'avancée en peinture donnera à l’œuvre de Gérard Fromanger son identité propre, révélée tout au long de ses  cinquante années de peinture. "La vie d'artiste" apporte également de façon quasi documentaire, un regard singulier sur la condition du peintre étrangement réduit à chercher dans le noir la vérité d'une image entre réel et fiction, entre photographie et et peinture.

(1) Quatre entretiens avec Gérard Fromanger : http://artcanal.org.

Gérard Fromanger
Du 17 février au 16 mai 2016
Centre Pompidou
75004 Paris


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