Magazine Culture

Les sirènes noires par Le proprio

Par Livresque Du Noir @LivresqueduNoir
Donnez une note à cette publication Nb de votes : 0 / Moyenne : 0  sirènes noires proprio

J’ai fait la connaissance de Jean-Marc Souvira via son premier roman, Le Magicien, dans lequel apparaît pour la première fois le flic qui deviendra son héros récurrent, le commissaire Ludovic Mistral. Devant le plaisir pris à la lecture de ce premier opus, j’ai enchainé avec Le vent t’emportera, son second larcin, pour lequel je m’étais fendu d’une chronique, et d’un interrogatoire de l’auteur.

C’est donc avec une curiosité non cachée et une certaine fébrilité que j’attendais la suite des enquêtes de l’attachant commissaire (Ludovic Mistral, pas Jean-Marc Souvira. Quoique…). Et j’avoue que je n’ai pas eu à bouder mon plaisir. L’auteur, toujours aussi méticuleux, précis (et sans être professoral) dans ses descriptions du quotidien des flics, nous offre un regard intéressant et instructif quant aux difficultés rencontrées par ces gardiens de l’ordre, leur état d’esprit, leurs doutes, leurs joies, leurs peines et, le plus frappant, leur acharnement à mener à bien leur mission.

Dès le début du roman, l’auteur plante le décor. Son héros, dont la vie de famille est fortement impactée par la chronophagie de son boulot, réfléchit à une mise en disponibilité. Au même moment, au Nigéria, une cérémonie rituelle organisée par un sorcier et une mère maquerelle, va mener la pauvre Margaret du purgatoire qu’est sa vie africaine à l’enfer des trottoirs du Nord-Est parisien aux côtés des sirènes noires, ces prostituées issues du même continent. Alors que Ludovic Mistral officie au sein de la Crim’, les premières pages nous guident plutôt vers des affaires concernant la Brigades des Moeurs. Quel est le lien qui va engendrer l’intervention du commissaire ? Est-ce cette affaire de violeur en série qui assassine ses victimes et collectionne leurs petites culottes ? Ou celle ouverte suite à la découverte de corps démembrés dans un squat ? Le puzzle qui se met en place va donner du fil à retordre aux flics du 36 et va les entrainer au coeur de l’indicible, de la sorcellerie et des croyances africaines.

Sans vouloir trop en dévoiler sur l’intrigue et les avancées de l’enquête, j’ai pensé à plusieurs reprises, lors de la lecture de ce roman, à la nouvelle écrite par Valéry Le Bonnec dans le recueil « Les auteurs du Noir face à la différence », qui relatait du traitement des albinos en Tanzanie et plus généralement en Afrique, ainsi qu’à l’excellent roman d’Aurélien Molas « Les fantômes du Delta ».

Jean-Marc Souvira, via les interrogations de Ludovic Mistral, réussit à nous faire questionner sur notre degré d’acceptation de ce qui n’est pas du ressort de notre culture, de notre éducation. Avons-nous suffisamment l’esprit ouvert pour tenter de comprendre comment fonctionne « l’étranger », comprendre sa culture, ses croyances ou sommes-nous trop cartésiens et obtus à l’instar du héros au début de son enquête ?

Il nous permet aussi de mieux cerner la difficulté des flics dans l’exercice de leurs fonctions. Les pressions exercées par la hiérarchie et les politiques pour une résolution rapide, la gestion des priorités lors du suivi d’affaires simultanées (ben oui, y a qu’à la télé ou dans les romans que les flics sont à 100% sur un seul et même dossier.), le respect de procédures de plus en plus lourdes et contraignantes…

Bien sûr, les détracteurs pourront reprocher une description trop politiquement correcte de ces justiciers des temps modernes, occultant leur côté sombre. Peut-être… Mais après tout, il fallait bien que Jean-Marc Souvira insuffle un minimum de fiction dans ce roman si réaliste.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Livresque Du Noir 5521 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines