Il y a des romans qu’on ouvre avec une légère appréhension, parce qu’ils sont tellement encensés et salués par la critique qu’un doute s’installe quant au bien fondé de tous ces éloges et de la qualité de l’œuvre. Un peu comme lorsqu’à la vue du mot fin après avoir visionné « Bienvenue chez les Ch’tis », on se dit « 20 millions d’entrées pour ça ? »
L’engouement populaire incite souvent à la curiosité. C’est pour cette raison, et aussi parce que je connais la dame Favan et que son Tueur intime m’avait fait forte impression, que je me suis lancé dans la lecture de Serre-moi fort, avec un nœud à l’estomac, cette peur insidieuse que le roman ne soit pas à la hauteur de mes attentes.
Autant le dire tout de suite, il ne m’aura fallu que quelques lignes pour être littéralement absorbé par son écriture. Le Tueur intime était déjà un bon roman, avec certes quelques maladresses, mais augurant déjà un potentiel énorme de l’auteur, et Serre-moi fort en est une parfaite confirmation.
Claire Favan signe là une œuvre remarquable, tant au niveau de l’intrigue qu’à celui de sa prose, son écriture ayant gagné en maturité.
Je ne vous cache pas que j’ai néanmoins été pris d’un doute à l’issue du premier chapitre. La phrase qui le clôt, je m’y attendais et j’ai eu peur de finir le roman avec un clone du Tueur intime.
Et c’est là que Claire Favan est forte. Elle m’a totalement bluffé. La suite est sans commune mesure et elle nous trimballe où bon lui semble, sans que l’on ne voit rien venir. Au poker, elle donnerait du fil à retordre aux plus grands champions.
Je ne m’attarderai pas sur l’intrigue des deux derniers chapitres, non seulement cela serait superflu mais cela ne ferait que gâcher le plaisir du futur lecteur. Il faut le lire, point.
Après avoir tourné la dernière page, je voulais rédiger ce billet de suite, afin de partager à chaud mon ressenti et mon enthousiasme. Puis je me suis interrogé. Pourquoi ce roman m’est apparu si prenant ? Par quels moyens l’auteur a réussi à m’impliquer autant dans son histoire ?
La réponse s’est imposée d’elle-même : Claire Favan fait partie de ces êtres hybrides. Elle réussit à jouer avec les peurs et toute la palette d’émotions de chacun, hommes et femmes. Elle a su capter les points faibles et caractéristiques comportementales de chaque sexe, ses modes de fonctionnement, de pensée, pour les exploiter et jouer avec. Tout y passe, la peur, les doutes, l’empathie, l’indifférence, la culpabilité, la motivation, l’amour, la détresse, ces émotions dont chaque être humain fait preuve pour des raisons et des situations différentes…
Au final, le lecteur, homme ou femme, se sent involontairement impliqué et se reconnaîtra à un moment ou à un autre, dans tel ou tel personnage.
Voilà donc la force et le talent de Claire Favan, auteur mi-homme mi-femme. Au-delà d’une intrigue menée de main de maître, elle maîtrise à la perfection la manipulation psychologique dans l’objectif de nous titiller et faire s’ouvrir la voie de nos âmes.
Chose amusante, l’anagramme de Serre-moi fort donne Fo(faux) terrorisme. C’est fo. Avec ce roman, Claire Favan nous terrorise en vrai.
Chapeau bas, l’artiste !