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[Critique] MIDNIGHT SPECIAL

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] MIDNIGHT SPECIAL

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Titre original : Midnight Special

Note:

★
★
★
★
☆

Origine : États-Unis
Réalisateur : Jeff Nichols
Distribution : Michael Shannon, Jaeden Lieberher, Joel Edgerton, Kirsten Dunst, Adam Driver, Sam Shepard, Sean Bridgers, Paul Sparks…
Genre : Science-Fiction/Drame
Date de sortie : 16 mars 2016

Le Pitch :
Un père tente de sauver son fils, aidé par un ami d’enfance, d’une secte de laquelle il s’est échappé. Des poursuivants qui ne tardent pas être rejoints par l’armée des États-Unis, pilotée par les plus grandes instances du gouvernement. Tous en ont après le petit garçon, garant d’un pouvoir à la puissance inimaginable, qui attire autant les convoitises que la crainte…

La Critique :
Jeff Nichols est un réalisateur surprenant. Fidèle également comme peut en témoigner Michael Shannon qui a joué dans tous ses films et qui sera également dans le prochain. Surprenant, car en quatre longs-métrages, le cinéaste s’est amusé à toucher à plusieurs styles. Pas comme un touche à tout, mais plutôt comme un artiste curieux d’expérimenter, tout en prenant soin de conférer à l’ensemble de son œuvre une cohérence rare, qui échappe à beaucoup d’autres plus volages dans leur approche de leur discipline. En cela, si Mud ou Shotgun Stories et Take Shelter sont à priori très différents, leur filiation saute aux yeux. Même chose pour Midnight Special, et son approche feutrée mais bel et bien franche de la science-fiction. Chez Jeff Nichols, tout simplement, c’est l’émotion qui prime. On serait alors tenté d’affirmer que la teneur de l’histoire a moins d’importance que sa faculté intrinsèque à instaurer une émotion palpable, en jouant notamment sur les relations entre les personnages. Déjà, avec Take Shelter et son récit apocalyptique ambigu, Nichols, qui est également scénariste, s’attardait sur la caractérisation de ses personnages, avant de les placer dans un contexte bien précis pour ensuite les soumettre à une série d’événements destinés à les faire évoluer et à les mettre à l’épreuve.

Midnight-Special-Kirsten-Dunst

Ainsi, il décrit lui même Take Shelter comme le film d’un gars qui s’apprêtait à devenir père alors que Midnight Special est celui d’un homme qui est devenu père. On retrouve au sein des deux œuvres, cette même notion de protection, à la différence que désormais, père et fils sont fusionnels, face au reste du monde, représenté par deux autorités oppressantes, à savoir le gouvernement et les membres d’une secte de fanatiques religieux. Là où Take Shelter orchestrait la lutte d’un homme seul contre une société qui le croyait fou, Midnight Special joue beaucoup plus sur la notion de famille, en tant que cocon. Le père, incarné par Michael Shannon donc, mais aussi la mère, jouée par Kirsten Dunst. Une famille abîmée, que l’enfant a simultanément créé, mais aussi redéfinie, de manière à en mener les membres sur une route potentiellement sans retour.
Au détour de regards échangés, avec toujours une économie des mots typiques de son cinéma, Jeff Nichols égraine les informations quant à la teneur de l’intrigue globale, mais prend surtout soin de souligner les sentiments, à travers les silences, lourds de sens.
Un point qui fait d’ailleurs ressortir l’exceptionnelle complicité que le réalisateur entretient avec son acteur fétiche, Michael Shannon. Les deux hommes se connaissent et on sent bien qu’entre eux, la compréhension est totale. Même dans Mud, où Shannon n’avait pas le rôle principal, c’était en quelque sorte lui qui menait la danse, tranquillement, au second plan. Pour autant, à nouveau, Shannon est devant, entraînant dans son sillage une distribution aux petits oignons, remarquable sur bien des points, à commencer par Kirsten Dunst, dans un rôle à la mesure de son exceptionnel charisme et de sa capacité à tout jouer. En mère effacée pour le bien de son fils, elle fait des merveilles, sans chercher à s’imposer, juste en permanence. C’est aussi le cas de Joel Edgerton, décidément capable lui aussi d’embrasser une grande variété de styles sans se départir d’une pertinence de tous les instants. Adam Driver, Sam Shepard ou encore Paul Sparks étant eux aussi à saluer tant leur présence et leur implication contribuent à la réussite de Midnight Special.

On a beaucoup évoqué Steven Spielberg, en taxant Jeff Nichols de véritable héritier du maître. Dans les faits, effectivement, il y a quelque chose. C’est indéniable. Ceci dit, il est plus logique de se tourner vers les références avouées du cinéaste que sont John Carpenter, pour Starman, et Joe Dante, lui aussi en son temps étiqueté « nouveau Spielberg » par une critique en demande de ce genre de repères. Midnight Special a ce petit côté très référentiel. Quand on aborde le sujet qu’il traite, dont nous ne dirons rien, difficile de ne pas se frotter à des modèles inscrits dans l’ADN du cinéma contemporain. Nichols le sait et n’essaye pas de l’éviter. Son histoire en rappelle d’autres, mais l’approche est bien la sienne. Tout en douceur, il progresse jusqu’à la fin, et assume tous ses choix, y compris quand son récit s’apparente à une forme d’hommage. Il y a chez lui cette même naïveté touchante que l’on retrouve chez le Spielberg de E.T., de Rencontres du Troisième Type et plus globalement de tous les films fantastiques familiaux qu’il a livré depuis ses débuts. Pour Nichols, ces références constituent davantage un tremplin. Une base sur laquelle s’appuyer pour donner du souffle à la poésie qu’il dilue et à l’émotion qui en ressort.
C’est d’ailleurs ce qui peut s’avérer problématique, tant Midnight Special semble à l’arrivée n’avoir à certains moments fait qu’effleurer quelques-uns de ses points cruciaux. La fin peut en cela apparaître un tantinet frustrante, car elle s’avère moins originale que prévue. La démarche est compréhensible, mais le scénario est construit de telle façon à donner au spectateur les clés pour comprendre de quoi il retourne au compte goutte. Nichols veut surprendre c’est certains. Et si sa conclusion est convaincante sur la forme, elle s’avère néanmoins moins atypique et plus conventionnelle que prévue, compte tenu de tout ce qui a précédé. En soi, on est quand même assez loin du choc final de Take Shelter, où tout ce pour quoi le film avait œuvré jusqu’alors, explosait dans un déluge tétanisant, digne des plus grand tableaux du septième-art.

Midnight Special pourrait alors être décrit comme un film de science-fiction indépendant. Pas le genre où les effets-spéciaux son omniprésents, mais plutôt de ceux qui y vont par petites touches. Une bonne chose pour les personnages, qui ne sont jamais oubliés en chemin ou sacrifiés sur l’autel d’un sensationnalisme hollywoodien. Le soucis venant du fait que lorsqu’on fait de tels choix, mieux vaut avoir de quoi assurer jusqu’au bout. Jeff Nichols a beaucoup de choses, mais parfois, comparé à certaines des fulgurances qui jalonnent le récit, son long-métrage s’avère un peu tiède. Surtout dans son dernier quart, où la sensation que tout aurait pu se terminer de manière plus intense persiste un peu après la projection. Mais au fond, on sent aussi que tout se déroule comme le cinéaste l’a pensé. Tout. On est clairement devant quelque chose d’incarné et de réfléchi. Le fait que Midnight Special se heurte un peu malgré lui à des références écrasantes ne le rend pas foncièrement moins bon. Il amoindrit juste son impact sur le moment. Les attentes étaient énormes. Il s’agit d’un film plus complexe que prévu. Pas aussi fédérateur qu’espéré certainement, contrairement à ceux de Spielberg auquel on le compare trop. Et il y a fort à parier qu’avec les années, il gagne ses galons, enfin débarrassé des comparaisons hâtives qui lui font plus de tort que de bien. Il se pourrait bien qu’on en reparle donc…

@ Gilles Rolland

Midnight-Special-Michael-Shannon
  Crédits photos : Warner Bros. France


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