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INTERVIEW : Sophie Bramly, la photographe française qui a immortalisé la naissance du Hip-Hop

Publié le 18 mars 2016 par Etv @etvonweb
INTERVIEW : Sophie Bramly, la photographe française qui a immortalisé la naissance du Hip-Hop

Nous avons rencontré la photographe Sophie Bramly, photographe française qui a immortalisé certains des acteurs les plus importants du mouvement Hip-Hop, à l’occasion de Walk This Way Exhibition, où elle exposera son travail à Bruxelles du 17 mars au 10 avril 2016.

Alors, qu’elle n’a que 21 ans, Sophie débarque à New York en 1981 et croise sur son chemin la naissance du mouvement Hip-Hop. Elle réussit à se lier d’amitié avec ses premiers protagonistes, des mecs comme Afrika Bambataa, Fab 5 Freddy, les Beastie Boys… Avec son âme de photographe, elle capture des moments intimes de leurs vies d’artistes.

Aujourd’hui, trente ans plus tard, Walk this way montre le chemin qui les a mené de chez eux à la scène, nous rappelant l’authenticité du mouvement Hip-Hop, ses racines, sa créativité pure et la sensibilité de ses pionniers étourdissants et magnifiques.

©Sophie Bramly, Walk This Way

©Sophie Bramly, Walk This Way

Pourquoi le Hip-Hop ? Comment avez-vous commencé à réaliser des documentaires photo sur le Hip-Hop ? 


A l’âge de 20 ans, j’étais photographe à Paris. J’avais beaucoup de chance puisque je travaillais pour l’agence Gamma et pour le Paris Match. Quand on a beaucoup de chance, l’avantage c’est qu’on ne s’en rend pas compte et qu’on n’est jamais satisfait de ce qu’on a. Au bout d’un an, j’avais l’impression d’avoir fait le tour du sujet et j’ai voulu partir m’installer à New-York. Je suis, dans un premier temps, partie comme photographe correspondante ; les sujets ne m’intéressaient pas plus que ça mais j’était tellement heureuse d’être là bas ! Un jour, je suis tombée sur une fête à Downtown… Quand j’ai vu des breakers pour la première fois, j’ai halluciné. Pour moi, c’était révolutionnaire ! J’ai fais des connaissances. J’avais déjà entendu quelques morceaux de rap mais je n’y connaissais rien ! C’est vraiment en entrant dans la scène que j’ai compris…

En tant que photographe, qu’est-ce qui vous a plu dans cette culture, personnellement et visuellement ?

Je les trouve tous tellement beaux. Et puis, ils ont un sens de la mise en scène incroyable… Avec rien, ils fabriquent de nouveaux styles. Regardez la photo DST in NY Subway (voir ci-dessous) : Il a trouvé ses lacets de chaussures pour attacher quelque chose au dessu de son pantalon, et puis ce bracelet qu’il m’a volé et que je n’ai jamais revu (rire). Ils sont en permanence inventifs ; ils se réinventent un style pour s’onorer eux-même.

Quelles sont les vraies découvertes que vous avez faites à travers ce projet ? 

Avec ce projet j’ai appris qu’avec peu, ils se sont auto-persuadés qu’ils étaient les plus grands, les plus beaux, les plus forts… Ils ont fini par dominer le monde ! C’est la seule musique du 20ème siècle qui est parvenue à dépasser une décennie et qui est toujours la musique sur laquelle les ados font leur révolution. Je trouve cela incroyable !

Quelle était l’ambiance de la ville, dans les rues, dans la vie de tous les jours? Comment vous sentiez-vous là-bas ? 


C’était difficile et à la fois cela coulait de sens… Voir des gens qui vivent dans des conditions archi-difficiles, dans une Amérique très clivée et ce même au sein-même de leur communauté… Ils n’avaient vraiment rien n’y personne pour les soutenir. Malgré tout, ils avaient une énergie de dingue : ils rigolaient toute la journée, ils faisaient des blagues, ils réinventaient tout et tout le temps… Tout leur paraissait possible et c’était vraiment fascinant !

Quelles sont les difficultés face auxquelles vous avez été confrontée en tant que femme blanche dans un milieu très noir ?

L’avantage que j’ai eu, c’est que je ne me suis jamais dit que j’étais une femme. Pour eux, je n’étais ni « sista », ni « biatch »,… Je ne me suis pas sentie regardée d’une manière ou d’une autre. Ils n’ont jamais essayé de m ‘interdire quoi que ce soit… de toute façon ils auraient eu du mal (rire).
Les femmes étaient très à la maison et dans le monde du hip-hop, à cette époque il y avait peu voir aucune femmes… Lady Pink était encore une exception. C’était une culture assez machiste. Mais personnellement j’étais beaucoup avec les hommes et cela ne m’a jamais posé de problème.

Y-a-t-il eu des personnes clés ?

Oui. D’ailleurs, je les ai plus que représenté dans le livre. Il y a eu Afrika Bambataa, Fab 5 Freddy, les Beastie Boys… et bien d’autres ! J’avais toute une bande avec qui je suis toujours très liée et que je continue toujours à voir. On s’appelle et se parle beaucoup.

Comment décider de prendre une photo ou pas, qu’est ce qui a intéressé votre oeil de photographe ? L’esthétique ou l’émotion d’un moment ou d’une personne ? 

En re-regardant les planches de contact pour ce reportage, j’ai été étonnée du nombre de bonnes photos sur une même planche. A vrai dire, je ne sais pas comment j’ai fonctionné. Je pense capter un moment d’abandon de manière instinctive. Quand je reconnais quelque chose qui me parle à l’intérieur cela se passe malgré moi, en tout cas malgré moi mais probablement consciemment.

La musique rap est maintenant écoutée par le grand public, le hip-hop est partout…, Que pensez-vous du rap et du hip-hop d’aujourd’hui ? 


J’adore ! Je suis ultra contente que 35 ans plus tard ce soit toujours une culture aussi importante et qu’ils arrivent à se renouveler. Ces derniers temps, il y a pas mal de gens qui arrivent à inventer des choses assez intéressantes.
Ce qui m’enchente le plus, c’est de voir l’émergence d’une scène de plus en plus monopolisée par les femmes…avec leur corps, leur nudité, … C’est des guerrière et elles éclipsent de plus en plus les hommes. Elles font un boulot à la fois formidable dans le rap et dans la place accordée aux femmes. Ces filles sont incroyables !

Quand vous retournez à New York, reconnaissez- vous la ville que vous avez connue dans les 80′s ?

Non. Les quartiers que je fréquentait beaucoup à l’époque, c’est-à-dire Downtown et le Bronx, ont beaucoup changés aujourd’hui ! Downtown était une zone industrielle très à l’abandon avec beaucoup de loft d’artistes. C’était “cracra”, il y avait beaucoup de sans abrises et de quartiers où la drogue était très présente. Dans le Bronx, c’était encore pire ! Les propriétaires d’immeubles touchaient plus d’argent à retoucher de l’assurance que des loyers… ils leur arrivaient de tout brûler. C’était des paysages dévastés.
Aujourd’hui, ca n’a plus rien à voir ! C’est propre … Gucci, Prada, est les autres se sont installés … rares sont les personnes d’origine modeste. Il y a eu un genre de nettoyage «Disneyland garanti» mais avec certains avantages. Par exemple, aujourd’hui, quelqu’un qui va  de Downtown jusque Harlem peut se promener de manière fluide et tout a été reconstruit.

Quelle histoire voulez-vous raconter avec “Walk This Way” ? Tant le livre que l’exposition. 

Je n’avais pas du tout envie de faire un livre nostalgique mais au contraire de raconter, 35 ans plus tard, que le rap est la musique qui a changé la façon dont on se représente. Aujourd’hui, on est très dans l’individualisme et la représentation de soi aux autres (regardez les tatouages…). Ces changements proviennent pour moi du hip-hop et sont au-delà du révolutionnaire. C’est incroyable de se dire qu’une centaine de gosses à changer la manière d’agir et de réfléchir de milliards d’habitants. Il n’y pas beaucoup de cultures qui aient été aussi complètes : langage, univers vestimentaire, univers graphique,… Le hip-hop est une culture complète qui a eu des répercussions importantes sur l’ensemble de la planète !

Quelle est votre photo préférée et pourquoi ? 

C’est difficile ! J’aime beaucoup la photo de DST in NY Subway. Il a cette féminité, cette douceur.. Il est tellement beau et c’est tellement graphique !

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

En ce moment je travaille sur un documentaire sur la Rue des Rosier à Paris. C’est le cœur du quartier juif à Paris. C’est un quartier qui se transforme beaucoup depuis quelques années.  C’est devenu un quartier de mode, un quartier gai, un quartier très touristique. Sur 200 mètres, il y a quelque chose de dingue et de très hybride. On y retrouve cultures, religions, excentricité… j’aime rapprocher les différences !

Foncez voir cette exposition qui retrace la naissance d’un mouvement d’une richesse et d’une énergie sans limites !

WALK THIS WAY exhibition Exposition du 17 mars 2016 au 10 avril 2016 Atelier Relief Rue Vilain XIIII 20 1050 Bruxelles Ouvert du mardi au samedi de 14h à 18h et sur rendez- vous www.atelier-relief.com
©Sophie Bramly, Beastie Boys with Rick Rubin and Russell Simmons

©Sophie Bramly, Beastie Boys with Rick Rubin and Russell Simmons

©Sophie Bramly, RUN DMC wiyth Kool Herc

©Sophie Bramly, RUN DMC wiyth Kool Herc

©Sophie Bramly, Futura 2000 vs Keith Haring

©Sophie Bramly, Futura 2000 vs Keith Haring

©Sophie Bramly, Futura in the subway

©Sophie Bramly, Futura in the subway

©Sophie Bramly, Le public du Bronx River Art Center

©Sophie Bramly, Le public du Bronx River Art Center

©Sophie Bramly, le DJ GrandMixer D.St

©Sophie Bramly, le DJ GrandMixer D.St

©Sophie Bramly, DST in NY Subway

©Sophie Bramly, DST in NY Subway

©Sophie Bramly, DST Cutting Rec

©Sophie Bramly, DST Cutting Rec

©Sophie Bramly, Fab 5 Freddy

©Sophie Bramly, Fab 5 Freddy

©Sophie Bramly, Bambaataa

©Sophie Bramly, Bambaataa

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