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Le locataire - 9/10

Par Aelezig

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Un film de Roman Polanski (1976 - France) avec Roman Polanski, Isabelle Adjani, Melvyn Douglas, Shelley Winters

Singulier, sombre et mélancolique.

L'histoire : Un homme, d'origine étrangère, modeste, timide, effacé, est intéressé par la location d'un petit appartement qui lui conviendrait. Il apprend que la locataire précédente, Simone, s'est suicidée en se jetant par la fenêtre. Cette nouvelle le bouleverse, et il va la voir à l'hôpital avant qu'elle ne meure ; il y rencontre son amie Stella. Il s'installe, après avoir promis au propriétaire, exigeant, qu'il ne ferait pas de bruit, et qu'il n'inviterait pas de filles. Seulement, ses collègues de bureau débarquent pour pendre la crémaillère et les voisins du dessus se plaignent. Il jure que cela ne se reproduira pas. Il fait tout à pas feutrés, et déplace les meubles en prenant les plus grandes précautions. Il découvre alors des objets, des vêtements, ayant appartenu à Simone. Et une dent dans un petit trou dans le mur... Les multiples recommandations des habitants de l'immeuble commencent à le troubler. Il se sent surveillé, épié...

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Mon avis : J'avais vu ce film lors de sa sortie... à cause d'Isabelle Adjani, dont j'étais très fan. Elle avait un petit rôle, j'ai été un peu déçue, mais par contre j'ai découvert un immense cinéaste, à une époque où je ne savais pas encore que le 7e art serait une passion dans ma vie. J'étais jeune, ce film m'avait beaucoup marquée ; fascinée. C'est à partir de là que j'ai voulu voir TOUT Polanski... Et cela faisait donc près de 40 ans que je voulais revoir ce Locataire

Il est très difficile de donner un rapide qualificatif à ce film étonnant. Il n'est pas bizarre, il n'est pas dérangeant, il n'est pas déconcertant, il n'est pas glauque, ni malsain, il n'est pas juste triste, il n'est pas désespérant non plus, il n'est pas angoissant, mais il vous prend les tripes, avec un petit peu de tout ça à la fois... L'histoire absolue d'une descente aux enfers, d'un homme qui sombre dans la folie, étape après étape, sans que l'on sache pourquoi. Peut-être est-ce pour cela qu'on est si troublé. Un gentil garçon, doux comme un agneau ; on voudrait qu'il rencontre une gentille fille comme lui, qu'il fonde une famille, qu'il soit heureux. Au lieu de ça, nous nous apercevons peu à peu qu'il est si fragile que son esprit s'égare. D'où vient-il, qui est-il, pourquoi cette soudaine plongée dans la paranoïa ? Nous n'en saurons rien. 

La description est lente et minutieuse. Oppressante. Détail après détail, nous comprenons que nous entrons dans un monde clos, accentué par ce minuscule appartement où quasiment tout se passe. Paranoïa et claustrophobie. Un peu irréel. Un conte psychologique morbide. On se demande comment Roman parvient à maîtriser aussi parfaitement sa réalisation, qui ne souffre d'aucun défaut, mais aussi son jeu, puisqu'il interprète, avec un formidable talent, le personnage principal. Son visage enfantin, de petit lutin aux traits slaves, est terriblement touchant.

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On imagine qu'il a mis là beaucoup de ses souffrances. Enfant du ghetto polonais, puis adolescent de la guerre froide, de l'autre côté du mur, époux dévasté par l'assassinat de sa femme enceinte dans des conditions horrifiques, l'alcool, la drogue et le sexe pour s'étourdir, et puis les poursuites judiciaires pour une affaire de sexe sur mineure. Un destin plus que douloureux où la vie, les conventions, doivent parfois paraître si dérisoires. Pas étonnant qu'il ait été attiré par ce roman de Roland Topor pour en faire une adaptation.

Je me suis aussi posé la question : est-ce l'homme qui devient fou, ou bien est-ce cet appartement qui est en quelque sorte hanté par sa précédente locataire ? Polanski là non plus ne répond pas. A ce niveau-là, chacun y voit ses propres fantasmes... L'histoire et le lieu ne sont d'ailleurs pas sans rappeler l'immeuble et l'appartement maudit de Rosemary's baby !

D'ailleurs, la scène de l'enterrement de Simone est quelque peu étrange et décalée : le prêtre fait un sermon extravagant de noirceur et de malédictions diverses, un peu comme si notre locataire "rêvait" la scène. Et la dent ? Au début, lorsqu'il voit Simone à l'hôpital, qu'on ne voit que sa bouche car elle est complètement couverte de bandes et pansements, il s'aperçoit qu'il lui manque une dent. Puis elle crie... (un des cris les plus terrifiants du cinéma !). Cette bouche et ce cri le retournent... Puis il retrouve la dent, cachée dans le mur. Etrange. Alors ? Fait-il un cauchemar, après avoir vu cette femme ? Le film ne serait-il qu'un long et épouvantable rêve ? (à la manière du postérieur Mulholland Drive de Lynch ?) Ou bien est-il "possédé" par l'esprit de cette femme, rejetée par la société et par la religion (elle est homosexuelle) ? Ou est-il juste ce petit homme craintif qui vire paranoïaque ? Un film extrêmement riche à analyser... qui vous laisse une empreinte indélébile.

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A noter : une kyrielle de jeunes (et moins jeunes) comédiens qui allaient devenir célèbres, Gérard Jugnot, Josiane Balasko, Michel Blanc, Bernard Fresson, Rufus, Jacques Monod, Claude Piéplu... dans tout un tas de petits rôles.

Le film avait fait 530.000 entrées à l'époque. Pas mal ! Surtout pour un film qui est tout sauf "grand public". Mais il me semble qu'à l'époque, les gens qui aimaient le cinéma étaient bien plus exigeants qu'aujourd'hui. On n'allait pas au cinéma pour manger du pop corn avec les copains. On entrait dans une salle comme on entrait dans une église : avec respect et humilité. Prêt à recevoir on ne sait quelle révélation. Et Le locataire est une de ces grandes et mystérieuses messes...


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