Partager la publication "[Critique] REMEMBER"
Titre original : Remember
Note:
Origine : Canada
Réalisateur : Atom Egoyan
Distribution : Christopher Plummer, Martin Landau, Bruno Ganz, Jürgen Prochnow, Dean Norris, Henry Czerny…
Genre : Drame
Date de sortie : 23 mars 2016
Le Pitch :
Zev, un survivant de l’Holocauste, de presque 90 ans, décide, sous l’impulsion d’un autre rescapé des camps de la mort, de partir en voyage à travers les États-Unis afin de retrouver l’un des responsables de la mort des membres de sa famille afin de se venger. Un périple pendant lequel le vieil homme devra se battre contre une démence affectant gravement sa mémoire…
La Critique :
Très productif ces dernières années, le réalisateur Atom Egoyan revient sur le devant de la scène après la sortie de son Captives, il y a un an et quelques semaines, et vient se positionner dans le sillage d’œuvres comme Marathon Man, Un Élève doué ou This Must Be The Place, en suivant un homme lancé dans une quête vengeresse à travers les États-Unis. Un ancien prisonnier du camp d’Auschwitz désireux de faire payer ses crimes à l’un de ses anciens tortionnaires. Basé sur le premier scénario d’un certain Benjamin August, un ancien directeur de casting de télé-réalité (pour Fear Factor notamment), Remember embrasse ainsi une thématique douloureuse, qu’il place au centre d’une histoire qui traite également de la vieillesse, à travers ses personnages, pour la plupart relativement âgés, à commencer par Christopher Plummer, 86 ans au compteur.
Construit comme un road movie, le long-métrage ne se focalise pourtant pas vraiment sur les lieux que visite Plummer au fil de son périple, mais préfère rester concentré sur le personnage en lui-même. Toujours très proche de son visage, la caméra capture la détresse d’un homme touché de démence, qui oublie régulièrement pourquoi il a pris la route, ne se souvenant pas que son épouse est décédée quelques jours plus tôt. Un détail qui a son importance étant donné que le scénario s’attache justement à traiter à sa façon du devoir de mémoire, à l’heure où toutes celles et ceux qui ont vécu sous le règne du IIIème Reich, d’un côté ou de l’autre, ont atteint un âge assez important pour se demander plus que jamais si leur souvenir va suffisamment perdurer pour éviter aux mêmes erreurs de se reproduire fatalement. La métaphore, à défaut d’être traitée avec la finesse véritablement adéquate, reste efficace. Surtout qu’ici, l’aspect thriller est également très important. Atom Egoyan n’a pas souhaité faire un film statique. Si son héros est vieux et donc beaucoup moins mobile qu’un type dans la fleur de l’âge, la rythmique qu’il adopte reste vivace. Après tout, Remember ne dure qu’1h35. Tout va relativement vite, la progression de l’intrigue est constante et dévoile petit à petit ses cartes jusqu’au coup de théâtre final. Un twist lui aussi efficace mais encore une fois un peu bancal compte tenu du caractère maladroit d’une écriture pas aussi équilibrée qu’espérée dans ce genre d’exercice. Ce qui est d’ailleurs plutôt dommage vu qu’au final, même si Remember marque d’une certaine façon les esprits, son scénario lui interdit l’impact qu’il aurait pu avoir en d’autres circonstances. Pour résumer, nous ne sommes pas en face d’un nouveau Marathon Man, mais plutôt de quelque chose d’un petit peu ampoulé, plein de bonnes intentions mais parfois laborieux dans son déroulement, comme pouvait l’être par moments This Must Be The Place et son personnage atypique et souvent un peu mal exploité.
Atom Egoyan a plutôt l’habitude de mettre en image ses propres scripts. Le fait que ce ne soit pas le cas ici explique peut-être cette impression de détachement qui nous empêche de rentrer totalement dans l’histoire. Bien sûr, ce constat va avec la nature du sujet. Un sujet grave traité d’une drôle de façon.
Cela dit, Remember, comme souligné plus haut, est plutôt nerveux et reste globalement prenant. Passionnant même parfois, tant le parcours de cet homme qui joue à la fois contre la montre et contre une santé mentale déclinante donne lieu à des situations très tendues. On retiendra par exemple tout l’épisode où Christopher Plummer fait face au fils d’un ancien nazi, incarné par l’excellent Dean Norris (Hank dans Breaking Bad), ou encore cette émotion qui parvient de temps à autre à percer le vernis de la surface pour nous exploser en pleine face.
Il y aussi bien évidemment Christopher Plummer, ce géant du cinéma, ici sublimé par un Atom Egoyan très appliqué et visiblement conscient de l’immense valeur ajoutée que confère le comédien à son long-métrage. De presque tous les plans, Plummer incarne une fragilité mise à l’épreuve, mais aussi une force encore bel et bien vivace. Ses expressions, bien plus éloquentes que tous les dialogues que son personnage peut bien prononcer, et sa façon d’incarner une détermination farouche envers et contre tout, avec un charisme que les années n’ont pas abîmé, Christopher Plummer impressionne véritablement. À noter aussi la belle performance très émouvante du toujours impeccable Martin Landau, qui assure les arrières avec la prestance qu’on lui a toujours connu.
Remember est un film bancal mais aussi suffisamment atypique et captivant pour au final emporter la mise. Si le scénario se termine en faisant montre d’un certain sensationnalisme censé remettre en perspective tout ce qui a précédé, la mise en scène brille par sa sobriété. On ne doute pas ainsi de la sincérité de la démarche. Cependant, ce sont bien ses acteurs qu’il peut remercier, eux qui lui font don d’une majeure partie de sa puissance.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : ARP Sélection