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Quand les lecteurs de Babelio rencontrent Valérie Tong Cuong

Par Samy20002000fr

Peut-on tout pardonner ? Voilà la question que pose Valérie Tong Cuong dans son dernier roman, Pardonnable, impardonnable, publié en poche aux éditions J’ai Lu. Le mardi 22 mars, dans les locaux de Babelio, l’auteur a ainsi invité les lecteurs à explorer tour à tour les différents stades de ce processus compliqué qu’est le pardon, de la colère à l’amertume, en passant par le haine et la vengeance, lors d’une rencontre animée par son éditrice, Louise Danou.

Un après-midi d’été, alors qu’il aurait dû être chez lui, Milo, douze ans, chute et se blesse grièvement. A son chevet, sa famille s’interroge sur les raisons de l’accident. Tandis que l’angoisse les ronge, les rapports de force et mensonges qui sous-tendent la famille ressurgissent peu à peu. Malgré l’amour que chacun porte à l’enfant, la colère s’invite. Quel autre choix auront-ils pour survivre que de s’engager sur le chemin du pardon ?

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Écrire le pardon

Les fidèles de Valérie Tong Cuong connaissent son intérêt pour l’étude de la psyché humaine. Loin de mettre en scène des personnalités extraordinaires, l’écrivain s’intéresse au “simple quidam”, le monsieur tout le monde dans lequel chacun est susceptible de se reconnaître : “J’aime voir comment l’homme s’adapte aux événements qui s’invitent sur son chemin et plus encore mettre une loupe sur les outils qu’il utilise pour avancer dans la vie.” Dans cette optique de l’étude des sentiments humains, Valérie Tong Cuong a choisi dans son dernier roman de s’intéresser plus précisément au cheminement vers le pardon, ayant elle-même expérimenté cette étape difficile : “J’ai récemment pardonné un événement de mon passé, cela m’a pris plus de 50 ans et pourtant c’est l’un des plus grands cadeaux que je me suis fait. J’ai voulu écrire ce ressenti et m’intéresser à cette démarche en tant qu’acte. C’est ainsi qu’est né Pardonnable, impardonnable.”  Outil le plus puissant de la libération de soi, selon l’écrivain, le pardon est au coeur des problématiques familiales qu’elle a cherché à comprendre, en mettant en scène une maisonnée entière, au chevet d’un enfant : “Toutes les familles vivent sur des non-dits. On cherche souvent à protéger nos proches grâce aux mensonges, sans avoir conscience que cela peut aussi et surtout les blesser.”

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Voix croisées

Dans ce roman comme dans son précédent l’Atelier des miracles, Valérie Tong Cuong a choisi la forme du roman choral : “J’ai de nouveau choisi cette forme car je m’y plais. J’ai compris que les situations sont plus faciles à gérer lorsque l’on connaît la pensée des acteurs en présence. Je sais que l’homme a en général besoin de réponses pour avancer et c’est pour cela que j’en donne à mes lecteurs.” Cette dimension chorale s’est véritablement imposée à l’écrivain qui a de plus en plus de mal à imaginer écrire autrement : “Le sujet était particulièrement adapté à ce genre de narration. Il était nécessaire de présenter les points de vue de tous mes personnages pour bien comprendre les réactions de chacun face à l’accident de Milo. De plus, je prends vraiment plaisir à cette écriture à plusieurs et j’ai du mal à imaginer aujourd’hui une intrigue dans laquelle on ne connaîtrait pas les pensées de tous les personnages.”

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L’amour d’une mère

Si ses protagonistes ont tous quelque chose à se reprocher, Valérie Tong Cuong précise à ses lecteurs qu’elle ne s’en sent pas pour autant moins proche : “Je suis attachée à tous mes personnages, car ça n’est pas à quelqu’un d’extérieur de juger du caractère pardonnable ou non d’un acte. Je ne les juge donc pas.” Les lecteurs insistant, l’écrivain avoue avoir particulièrement apprécié l’écriture du personnage de Jeanne, qui lui a permis d’aborder un sujet qui lui tient à coeur : “Jeanne m’a permis de soulever la question de l’amour filial. En effet, il s’agit à mes yeux de l’un des derniers tabous contemporains. Alors qu’aujourd’hui on peut facilement assumer son désamour conjugal, la société ne pardonne pas aux mères qui n’aiment pas leurs enfants. C’est pour cette raison précise que j’ai souhaité poser la question à mes lecteurs.”

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Moi et les autres

En dehors de cette problématique, Valérie Tong Cuong explique avoir également pris le contre-pied de la littérature classique en mettant en scène “l’enfant chouchou” dans son roman : “Cet enfant préféré n’est que très rarement présenté dans la littérature, à qui les auteurs préfèrent souvent l’enfant délaissé, le vilain petit canard. Étant issue d’une famille nombreuse, je sais que trouver sa place au milieu de ses frères et soeurs est quelque chose de difficile et quelque soit notre rang, nous n’en sommes jamais content.” Si l’amour occupe une place si importante dans l’écriture de l’auteur, c’est parce qu’il est pour elle le moteur principal de l’Homme : “Mon livre parle clairement d’amour, sous toutes ses formes, car lorsque l’on en manque cruellement, surtout au début de sa vie, il est presque impossible d’avoir une vie normale.”

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Vivre ses personnages

Interrogée sur ses méthodes narratives, Valérie Tong Cuong explique la difficulté d’écriture que représentent des personnages ayant un passé commun :”J’ai l’habitude de mettre en scène des personnages inconnus les uns des autres mais ici, ayant un passé commun qui conditionne leurs réactions dans le présent, il est beaucoup plus facile de créer des incohérences.” Pour ce qui est de la construction des personnages, la technique employée par l’écrivain a de quoi surprendre : “Pour donner naissance à mes héros, je décide de passer un moment avec chacun d’entre eux, dans ma tête. Sans prendre une seule note écrite, je passe plusieurs jours dans la peau de chacun et imagine leur réaction face aux événements de mon quotidien. En d’autres termes, j’essaye de leur donner de la cohérence et de l’épaisseur.” Ensuite, il suffit à l’auteur d’une simple feuille de papier, sur laquelle elle inscrit les grandes étapes de la vie de chacun, avant de se mettre à écrire le corps de son roman.

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Nouvelle naissance

Alors qu’elle explique que du malheur peut surgir un grand bonheur, Valérie Tong Cuong livre à son auditoire une anecdote à son sujet. Alors que l’auteur semble comme un poisson dans l’eau dans l’écriture , elle a pourtant bien failli ne jamais se lancer : “Je suis venue à l’écriture très tard. Je gagnais à l’époque très bien ma vie, mon quotidien était complètement calibré par mon travail. Un jour, alors que je m’attendais à une nouvelle promotion, j’apprends finalement mon licenciement. Au fond du trou, j’ai cru ne jamais me relever. J’ai évidemment recommencé à chercher immédiatement du travail, de peur de ne pas être capable d’en trouver à nouveau. C’est mon mari qui m’a proposé de prendre le temps de terminer un livre que j’avais commencé sans jamais y croire. Après une longue hésitation, j’ai décidé de le terminer. Il a été publié très vite et a tout de suite fonctionné. Sans cet échec et sans mon mari, de qui j’utilise le nom afin de rendre hommage à ce coup de pied qu’il m’a donné, je ne serai jamais devenue ce que je suis.” Apprendre de ses échecs et savoir regarder derrière soi, voilà la morale de Valérie Tong Cuong, fermement persuadée qu’en prenant du recul, il est possible de voir une bénédiction dans la plus noire des situations.

Les discussions autour du pardon sont propices aux confidences et c’est avec grande hâte que les lecteurs se sont rendus à l’habituelle séance de dédicace, afin de partager avec l’auteur leurs propres expériences du pardon.

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Retrouvez Pardonnable, impardonnable de Valérie Tong Cuong, publié en poche chez J’ai Lu.


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