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Jörg Gessner : Éloge de l’ombre

Publié le 25 mars 2016 par Pantalaskas @chapeau_noir

Lors de sa première exposition à la galerie Fatiha Selam à Paris en 2014, l'artiste Jörg Gessner nous donnait à voir une œuvre rare, composée de washis superposés, décalés, suspendus, créant dans l'espace de la galerie le théâtre silencieux d'un art minimal nous invitant à la retenue (Jörg Gessner, le roman d'une feuille blanche). Aujourd'hui l'exposition La feuille d'ombre prolonge et renouvelle la démarche de cet artiste discret à l'image de son œuvre.

Esthétique de la pénombre

Jörg Gessner : Éloge de l’ombre

"Ombre carrée N°1" Jörg Gessner 2016

L'écrivain japonais Tanizaki  proposait, dans les années trente, l' "Éloge de l'ombre" promouvant la défense d'une esthétique de la pénombre par opposition à l'esthétique occidentale où la lumière domine tout. Cette culture de l'ombre, du crépuscule est celle d'une société attentive à la mesure, à la discrétion, aux valeurs de l'imperceptible à peine décelables sous le frémissement d'un pinceau lors du tracé d'un idéogramme.
Ici, aujourd'hui, à Paris, dans la turbulence d'un monde agité, aux tensions exacerbées, l'exposition de Jörg Gessner préserve un havre de paix salutaire. A découvrir l'infinie délicatesse de ce jeu de lumières et d'ombres révélé dans les œuvres de l'artiste, on pressent la somme de préparation, de travail, de temps consumé dans l'atelier pour aboutir à une telle légèreté, au terme d'une aussi patiente implication. Cet investissement personnel prolonge celui des maîtres du washi dans leur lente élaboration de ce papier d'exception après la mise en place d'une méthode de fabrication proche du rituel.
Mais si la subtile harmonie de l'œuvre ne laisse transparaître la difficulté de sa confection, c'est dans les carnets préparatoires de l'artiste que l'on découvre à quel point l'élaboration de ce protocole répond à une mise en place complexe, précise, minutieuse. Car ces carnets, comme autant de manuscrits secrets scrupuleusement conservés par on ne sait quel alchimiste invisible, témoignent de la lenteur du processus, de la délicate manipulation nécessaire pour réaliser l'enchevêtrement des couches de washis, de l'extrême difficulté pour aboutir à ce résultat d'une si apparente simplicité.
Mais notre regard a déjà oublié ce cérémonial mystérieux pour se laisser entraîner dans la vibration éthérée que chaque toile provoque. Depuis ses travaux de l'exposition précédente, de nouveaux paramètres sont intervenus dans les créations de Jörg Gessner.

Equilibre

"Feuille d'ombre N°5" 2015 Jörg Gessner

A la simplicité minimaliste des œuvres précédentes l'artiste ajoute une nouvelle donne. Une structuration géométrique des washis définit un espace inédit. "Certaines œuvres, explique Gessner, sont plus mentales comme celles que je viens de réaliser, d'autres plus émotionnelles comme celles que je viens de commencer."
C'est peut-être avec cet apport récent que se dessine l'avancée du travail : entre le matériau du washi qu'il aborde avec un infini respect et le jeu mental vers lequel tend l'artiste un équilibre délicat s'établit. A la jonction de l'émotionnel et du mental, on atteint, à travers ces œuvres, ces valeurs de plénitude, d'harmonie et, pour tout dire, d'une sérénité bienvenue.

Photos Galerie Fatiha Selam

Jörg Gessner
La feuille d'ombre
12 mars - 30 avril 2016
Galerie Fatiha Selam                     58 rue Chapon
75003 Paris


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