Elles sont excitées à la perspective d'entendre la voix de leur auteure préférée. Il faut dire qu'elle les a tant fait frissonner qu'il y a de quoi être impressionnées.
Pour moi c'est différent. J'ai lu Pretty girls le plus vite que j'ai pu, parce que je voulais avoir terminé avant de la rencontrer, sans pour autant sauter des pages. Cette vélocité a sans doute eu pour conséquence d'atténuer la portée des scènes sanglantes. Deux de mes amies avaient abandonné aux trois quarts, au bord de la nausée.
Je suis mordue. Je le commence ce soir, me confie une lectrice en serrant précieusement le roman contre son coeur. Et j'adore cette manière de Karin Slaughter de glisser une petite histoire d'amour derrière l'intrigue principale. Je n'ose la prévenir qu'elle ne retrouvera pas cette spécificité dans Pretty Girls.
La couverture est troublante, comme une tache d'un test de Rorschach dans lesquelles on discerne en plissant les yeux, les profils des deux soeurs sur la gauche et la droite du portrait qui semble composer un X. La couleur n'est pas très fidèle. Le titre est d'un rouge rubis, comme le sang qui gicle régulièrement.
Sachant qu'elle est spécialiste des fausses pistes j'ai constamment tenté de chercher une autre solution que celle qui me semblait être celle que l'auteur me présentait. A ce jeu là j'ai bien failli croire coupable un des personnages les plus authentiques. J'ai pu échanger quelques instants avec l'auteur à ce sujet. Elle adore nous faire douter de qui est bon et qui ne l'est pas. Et vous remarquerez que chaque personnage a une double personnalité, capable (dans une certaine proportion) du meilleur comme du pire.
Il faut dire qu'il est impossible de faire confiance à qui que ce soit quand on comprend que le profil psychologique du mari. Comme l'exprime avec une sagesse infinie Nolan, le flic du FBI, faites confiance, mais vérifiez.
Pretty, signifie "joli-magnifique". Elles sont trois, trois magnifiques filles aux yeux du père (p. 427) à subir la folie monstrueuse d'un psychopathe insoupçonnable. Karin Slaughter s'est inspirée d'un fait réel qui s'est produit en Californie et cela fait encore plus froid dans le dos quand on lit son livre en sachant l'existence du Darknet que m'avait révélé Laurent Bettoni dans Mauvais garçon il y a quelques mois ou plus récemment en me souvenant de La petite barbare d'Astrid Manfredi.
J'ai d'ailleurs reçu hier, par je ne sais quel méchant hasard un mail me proposant de visionner la vidéo que l'on me promet bouleversante d'une petite fille écrit une lettre peu de temps avant d'être tuée par son père. J'ai supprimé sans hésitation mais combien s'en régalent ?
Karin Slaughter a interrogé des agents du FBI chargés de surveiller Internet. Elle sait parfaitement que la violence y est banalisée. Elle écrit avec réalisme mais ne cherche pas à cautionner de telles actions. C'est plutôt une jeune femme tranquille dans la vraie vie.
Née en Géorgie, elle est installée actuellement à Atlanta. C'est l’un des auteurs les plus populaires et les plus plébiscités dans le monde. Publiée en 33 langues et vendue à plus de 30 millions d’exemplaires, elle a écrit 15 romans, parmi lesquels figurent les séries Grant County et Will Trent, ainsi que le roman Cop Town, qui a été nominé pour l’Edgar Award.Plus que la violence, elle dénonce le mythe du grand amour et si elle fait l'apologie de quelque chose c'est en fait de la détermination et du courage, et des liens familiaux qui sont essentiels à ses yeux.
Ce roman est l'histoire de deux soeurs, Claire et Lydia, qui ont vécu un traumatisme, celui de la disparition il y a vingt ans de leur soeur Julia dont on ne sait pas si elle est encore en vie. Chacune a fui la réalité à sa manière et elles ne se parlent plus, nourrissant une terrible haine l'une à l'égard de l'autre. L’assassinat du mari de Claire et la disparition d’une adolescente, vont raviver leurs blessures. Elles vont être de nouveau confrontées à leurs souvenirs et ... peut-être parviendront-elles à se soutenir. En ce sens on pourra voir quelques accents féministes.
La mère n'est pas le personnage le moins ambigüe, quand elle se veut rassurante en prétendant (p. 411) qu'il n'y a rien d'assez grave qu'on ne puisse y remédier. Pourtant on garde nous aussi espoir.Ce roman est déroutant, atrocement noir, sauvage, captivant. C'est un thriller à ressorts psychologiques. Je me suis crue assez forte pour mettre à distance le stress généré par une succession horrible d'enchainements (peut-être que je me répétais comme un mantra dont chaque soeur a la spécialité -ce n'est pas vrai-c'est éxagéré-ne t'inquiète pas) et j'ai lu les 9/10 ème du roman dans une relative tranquillité, ne comprenant pas pourquoi mes amies avaient rejeté l'ouvrage.
Quand soudain alors que je lisais dans le métro, j'ai été prise d'une crise d'angoisse face à un voisin qui se précipitait pour quitter la rame. Rien de grave, mais je me suis sentie en danger. J'ai raconté l'anecdote à Karin Slaughter, manifestement ravie de l'incident et assez fière d'avoir réveillé en moi cet instinct qui nous pousse à identifier le danger pour mieux s'en prémunir. il faut dire que depuis quelques mois nous sommes assez sur le qui-vive à Paris.
Je vous aurai prévenus. Ce roman est à lire dans un endroit où l'on se sent en sécurité.
Pretty girls de Karin Slaughter, chez Mosaic, en librairie depuis le 24 février 2016