Quand Jonás Cuarón, le fils de l'immensément doué Alfonso Cuarón, réalise son second long-métrage, cela donne Desierto, expérience éprouvante à la mise en scène parfaite s'apparentant au chef d'œuvre Gravity. Tel père, tel fils !
Il faudra désormais compter sur le fils d' Alfonso Cuarón (Les Fils De L'Homme, Harry Potter & Le Prisonnier D'Azkaban) pour secouer un peu le monde du cinéma. Avec son second long-métrage, et après s'être fait la main sur le court Aningaaq (sorte de spin-off de ), Jonás confirme qu'il est bel et bien un réalisateur aussi doué que son père.
Car Desierto est un film absolument remarquable. Une œuvre maîtrisée de bout en bout, et que l'on rapprochera volontiers de la narration ultra rythmée et dénuée de gras de . Il faut dire que Jonás est le co-auteur du scénario des deux films, qui partagent donc de nombreux points communs, à commencer par leur caractère hautement symbolique. En effet, à l'instar du film avec Sandra Bullock, Desierto propose non seulement un divertissement ultra tendu et stressant - qui satisfera totalement en tant que tel - mais se permet également d'aborder des sujets plus délicats en filigrane, en jouant à fond avec les métaphores (le décor du film en est une) et les archétypes (les deux personnages principaux).
Il y est ici question de la perception du rêve américain des deux côtés de la frontière, et du paradoxe que celui-ci engendre lorsqu'il se confronte à la réalité. Desierto raconte l'affrontement physique et psychologique entre un migrant mexicain et un vigilante américain prêt à tout pour empêcher les " illégaux " de rentrer sur " son " territoire. Un affrontement qui illustre constamment une inégalité (de droits, mais aussi physique, géographique voire topographique et stratégique), soulignant l'absurdité des motivations de ces deux personnages conscients que ce pour quoi ils se battent tient de l'illusoire. L'Américain défend ainsi coûte que coûte des " valeurs " allant à contre-courant du fameux american dream qu'il prétend pourtant protéger, en se faisant justice lui-même et en méprisant le travail des forces de l'ordre de son pays, tout en insinuant constamment qu'il déteste l'endroit où il vit. Le Mexicain risque sa vie pour retourner dans un pays qui l'a brisé en l'éloignant de sa femme et son enfant et qui n'a manifestement pas voulu de lui par le passé. Une lutte entre deux hommes résignés, qui a quelque chose de dérisoire.
Plutôt osé de la part de Cuarón, qui n'y va pas avec le dos de la cuillère lorsqu'il s'agit de parler des Etats-Unis. Mais Desierto, c'est aussi, comme on l'a dit, un formidable survival, doté d'un suspens remarquablement bien géré, dans des paysages aussi hostiles que magnifiques. Le désert est un environnement particulièrement cinématographique, et Jonás parvient à en saisir toute sa puissance évocatrice, chaque " zone " étant une nouvelle épreuve à passer pour les personnages (étendue de sable infinie évoquant la solitude des personnages, éboulis pour marquer une certaine instabilité émotionnelle, dédale de cactus, nid de serpents...). La mise en scène est également parfaite, avec un subtil jeu sur les échelles et les distances. Les deux personnages principaux, le chasseur et sa proie, ne se rencontrent quasiment jamais, le chien pisteur servant de lien entre les deux.
On pense bien entendu continuellement à de Gravity, mais l'on retrouve un peu du Duel Steven Spielberg avec cette menace intangible poursuivant le héros. Une menace qu'interprète un impressionnant Jeffrey Dean Morgan, composant une figure de salaud comme on n'en avait pas vue depuis No Country For Old Men et son Javier Bardem psychopathe. Choix tout aussi pertinent que celui de Gaël García Bernal dans le rôle du jeune héros, dont la bienveillance apparente le rend attachant.
est une expérience éprouvante, que la musique de Desierto Woodkid rend encore plus étourdissante, et qui prouve que Jonás Cuarón a tout d'un futur grand metteur en scène.
Desierto
Désert de Sonora, Sud de la Californie. Au cœur des étendues hostiles, emmené par un père de famille déterminé, un groupe de mexicains progresse vers la liberté. La chaleur, les serpents et l'immensité les épuisent et les accablent... Soudain des balles se mettent à siffler. On cherche à les abattre, un à un.