Reçu pour la sélection du mois de Mars 2016 pour le Prix des lecteurs Livre de Poche, ce roman a déjà reçu le Grand Prix des Lectrices Elle.
Ce roman est un vrai coup de cœur, une magnifique histoire d’amour entre un père et sa fille, entre deux sœurs, et une terrible histoire de guerre.
Quatrième de couverture:
» En 2004, dans un village de Tchétchénie, Havaa, une fillette de huit ans, cachée dans les bois, voit les soldats russes emmener son père et brûle sa maison. Ahkmed, voisin et ami de sa famille, observe lui aussi la scène, redoutant le pire. Lorsqu’il retrouve Havaa, il décide de la mettre à l’abri dans un hôpital abandonné où il ne reste qu’une chirurgienne russe épuisée, Sonja, pour soigner les blessés. Au cours de cinq jours extraordinaires, le monde de Sonja, d’Akhmed et de Havva bascule.
Un premier roman majestueux sur l’amour en temps de guerre, qui révèle l’histoire d’un pays et d’un peuple martyr. »
Mon avis:
L’amour peut déplacer des montagnes et c’est que qu’Akhmed, oncle de Havaa va tenter de faire pour sauver cette petite fille que les russes recherchent. Lorsqu’il rencontre Sonja, médecin dans le seul hôpital qui reste de la région et qu’il lui confie Havaa, Akhmed est impressionné par cette femme au fort caractère mais très vite, il se rend compte qu’un grand chagrin la tiraille: elle désire plus que tout retrouver sa sœur disparue il y a quelques années.
Havaa, quant à elle, tente de comprendre ces méandres de la guerre qui lui ont arraché son père, et espère le revoir un jour. Akhmed va jouer les médecins malgré son manque d’expérience et Sonja va guider ces deux âmes non sans une certaine réticence au départ. Ces trois personnages vont finir par s’entraider et ces cinq jours à leurs côtés vont peu à peu nous faire comprendre leurs histoires respectives, leurs mésaventures, leurs chagrins, leurs espoirs. Entre flash-back et actualité, l’auteur nous fait découvrir les dessous de la guerre entre russes et tchétchènes. La perte d’une sœur, la trahison d’un voisin, l’horreur de la torture, mais malgré tout l’espoir de s’en sortir vivant.
» A la table de la cuisine, elle examina le verre de glaçons. Chaque cube s’était arrondi avec la température de la pièce et achevait de se dissoudre dans ses propres restes. Et enfin, elle comprit…c’était ainsi que disparaissait une être cher. Malgré le choc de rentrer dans un appartement vide, l’absence n’est pas immédiate, c’était plus un estompage du présent qui s’opérait, une fonte dans le passé; pas un effacement, mais un changement d’état, de la présence au souvenir, du solide au liquide; et la personne que l’on touchait autrefois ruisselait aujourd’hui sur votre peau, s’étalait en flaque dans le dos; et on avait beau plonger, nager, se noyer dans les souvenirs, les doigts ne retenaient plus rien. »
La petite Havaa est touchante par sa maturité et ses réflexions. Elle ne quitte jamais sa valise qui renferme ses souvenirs. Akhmed tente de survivre entre une femme alitée, handicapée, des voisins qui disparaissent les uns après les autres et la peur que son voisin redouté ne le dénonce pour de fausses raisons et qu’il se fasse emmener par les russes. Quant à Sonja, la vie reste suspendue depuis le départ de sa sœur et toutes les personnes qu’elle rencontre sont pour elles des témoins potentiels de la survie de sa sœur Natasha. Elle vit et dors à l’hôpital, trop terrorisée à l’idée de vivre dans l’appartement dans lequel elles vivaient toutes les deux, ses journées sont rythmées par les soins qu’elle prodigue et la venue d’Akhmed et de cette petite fille va venir perturber son quotidien pour tant bien rôdé.
Parallèlement, l’auteur nous raconte les cauchemars qu’a vécu Natasha, les sévices endurés pour tenter de fuir un pays en guerre, ses traumatismes et les raisons de son départ brutal.
Ce roman est, je vous l’ai dit un vrai coup de cœur, autant par le côté terriblement bien retranscris de la guerre tchétchène, que sur cette histoire d’amour qui unie tous ces personnages.
» Tout en feuilletant les pages, elle trouva des réponses à certaines questions qu’aucune personne saine d’esprit ne se seraient posées. La définition d’un pied. La longueur d’un fémur. Mais rien sur la folie causée par le chagrin, ou par trop de solitude, ou celle déclenchée par la lecture des dictionnaires de nomenclature anatomique. Quel remède apportait cette science en petits caractères contre le bourdonnement des Soukhoï dans le ciel? En se référant à l’espérance de vie moyenne d’une Soviétique, Natasha pouvait espérer vivre encore quarante-huit ans, mais l’Union soviétique n’était plus, alors qu’elle était encore là, et les annexes les plus complètes ne pouvaient expliquer cette incohérence des chiffres, quand le sujet survivait à son expérience. Une seule entrée donnait une définition juste. Elle l’entoura de rouge, et s’y référait souvent la nuit: Vie: une constellation de phénomènes vitaux – organisation, irritabilité, mouvement, croissance, reproduction, adaptation. «
Une belle histoire que je vous conseille de lire!
Bonne lecture!
Une constellation de phénomènes vitaux, Anthony Marra, Jean-Claude Lattès, 2014, Livre de Poche , Janvier 2016.