Les mille veuves, Damien Murith

Je ne sais même pas comment évoquer cette lecture tellement elle est différente. J'ai découvert cet auteur avec La lune assassinée qui m'avait déjà surprise et scotchée de par sa qualité littéraire, la puissance de son texte, le jeu que l'auteur se permettait avec la langue française. Il en est de même ici. J'ai lu ce livre à la suite de "sauf les fleurs" de Nicolas Clément qui joue avec la langue de la même manière et vraiment je suis admirative de ces personnes.

Les mille veuves, c'est l'histoire (mais je ne sais même pas si on peut nommer cela ainsi) d'un couple. Il est marin. La mer c'est sa passion, son énergie pour vivre. Mais la mer n'est pas toujours clémente, elle prend des vies. C'est bien la crainte de son épouse. Elle ne veut pas devenir veuve, et surtout elle veut fonder une famille. Elle a besoin d'un homme qui revient le soir de manière certaine. Pour cela il lui faut trouver un autre métier. Certes mais quand on ne vit pas ses passions, quelle saveur a la vie? Arrive-t-on à vivre pleinement? A qui en veut-on? Et quand on aime tellement, souffre-t-on? Est-on si seule malgré l'amour? Telles sont les questions que pose ce livre.  "Qu'espérais-tu? Gilles appartient à la mer, et toi, tu es pareille aux autres femmes."

Comme dans son précédent livre, l'auteur manie les chapitres très courts et l'alternance des voix : Mathilde la femme, Gilles son homme, puis une autre voix que le lecteur s'appropriera comme il le sent. Cette troisième voix, elle use, elle serre le lecteur, elle pousse Mathilde. Cette voix est celle de la souffrance. 

Encore une fois soufflée, emportée par la grâce littéraire de Damien Murith. Cet auteur hors norme manie les émotions les plus rudes, celles du fin fond du corps avec un style de feu. Les phrases courtes cognent. Dès les premières lignes, l'atmosphère est lourde, on sent la mer au bout de nos pieds, sa passion, son déchainement. On vibre dans le corps de Mathilde. On souffre dans la tête de Gilles. On ne peut pas dire qu'il y ait réellement d'histoire et parfois le lecteur peut se perdre dans cette langue revisitée. Il n'en reste pas moins que j'ai beaucoup aimé. C'est un auteur à couper le souffle que j'admire réellement et que je ne peux que vous engager à découvrir tant son écriture est forte, tortueuse, inventive.