L’enfant dans la Tamise est un récit poignant à la fois témoignage sur l’Afrique et sur la violence d’aujourd’hui. L’auteur à travers le récit d’un fait divers contemporain nous dresse un portrait sans concession de la société moderne.
Mais il décrit aussi la beauté de l’Afrique à travers son expérience personnelle du Congo à Bolobo quand il a une vingtaine d’années. Il nous décrit la folie de Mubutu, la misère, l’extrême dénuement mais aussi la sagesse, la bienveillance de la population. Loin de l’image d’Epinal de l’Afrique ou de l’image coloniale ou moralisatrice, il décrit un continent avec ses paradoxes. Ce qui va le marquer à vie et le pousser des années plus tard à s’intéresser à cet enfant africain Adam dont on ne connait pas l’identité. Il est un spécialise des croyances africaines ce qui lui sera utile pour résoudre une série de meurtre qui vont secouer le Royaume -Uni.
J’ai aimé l’alternance entre son histoire personnelle, touchante, sa vision poétique de l’Afrique, la description des ambiances, son respect pour le continent et le côté plus sombre de l’enquête. Les souvenirs dans la 1ere partie ou lors de ses différents voyages au Congo donnent une humanité à cette histoire sordide. On suit les pérégrinations de l’enquête, les fausses pistes, les lenteurs, les rebondissements, l’auteur ne nous épargne aucun détail mais sans tomber dans le glauque ou le voyeurisme. Le suspense inhérent à l’enquête est présent et donne un côté polar au témoignage et pousse à suivre l’auteur jusqu’au tréfonds de l’âme humaine.
Le livre a un côté didactique car il explique les rites, croyances comme le muti, les sangomas (guérisseurs) mais aussi la découverte de la culture yoruba et la montée des évangélistes en Afrique. L’auteur a la volonté de comprendre cette culture, il n’y a pas de jugement mais plus un constat des dérives violentes de la société. Il fait bien attention à séparer les croyances, des actes commis par les meurtriers. J’ai apprécié le fait qu’il nous livre ses doutes, sa volonté de comprendre et ses pensées intimes, ses drames. Ces passages sont très émouvants, comme ceux sur les enfants accusés d’être possédés et qui sont renvoyés en Afrique. J’ai appréhendé l’Afrique sous un autre jour, le sous titre ne reflète pas réellement le livre, pour moi ça serait plutôt voyage au cœur de la société africaine.
Le livre est fort car il dénonce le fanatisme religieux, l’utilisation dévoyée des traditions pour satisfaire un pouvoir comme les nouvelles églises et ses pasteurs qui s’arrogent tous les droits. Il démontre bien que ces violences sur les enfants ne sont pas liées aux croyances mais bien à un sadisme, une volonté de faire souffrir qui n’est pas propre aux coutumes africaines. Celles-ci ne sont qu’un prétexte que les accusés tentent d’utiliser pour échapper à leurs actes. Le fait que le livre s’inspire d’histoires réelles remue les tripes. C’est un véritable plaidoyer contre la barbarie, l’exploitation humaine, une plongée noire dans la violence qui s’est exportée en Angleterre. C’est une lecture dont on ne sort pas indemne et que j’ai lu parfois en apnée parce qu’il fait réfléchir à ce qui font de nous des hommes. Sans tomber dans le sensationnalisme, il réussit un juste équilibrage. On a l’impression que l’auteur est une sorte de Don quichotte qui se bat contre des moulins à vents pour trouver l’identité de cet enfant qui est le fil rouge du roman et comprendre ce qui lui est arrivé. Les affaires de la petite B, d’Andrew, Londres donnent aussi à réfléchir et complète ce tableau d’une société qui perd la tête.
Un témoignage saisissant à découvrir d’urgence.