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Rouge argile, sensualité, quarantaine et remises en question

Publié le 06 avril 2016 par Nicole Giroud @NicoleGiroud

Rouge argile, sensualité, quarantaine et remises en questionVoilà un carrelage fait-main, terre cuite aux tons assourdis, mur de zelliges, pas de doute : nous sommes au Maroc. La couverture des Éditions Liana Levi pour le roman Rouge argile de Virginie Ollagnier est parfaite : cette terre cuite happe le regard et la main, plonge le lecteur (et plus souvent encore la lectrice) dans une chaude atmosphère qui l'embarque très vite en voyage :

La note de tête des eucalyptus chauffés par le soleil entrait dans sa voiture, parfumait sa peau. Les résineux en note de cœur, moins forts mais plus tenaces, et la feuille de faux-poivrier en note de fond. Dans quelque temps, ils ouvriraient leurs grappes de fleurs jaunes et donneraient ces fruits piquants qu'Egon mangeait parfois.

Quelle sensualité dans l'écriture !

Rosa est de retour dans sa maison près de Meknès suite au décès de celui qu'elle considère comme son deuxième père, Egon, que tout le monde appelait l'Allemand. Rosa a quarante ans, elle vient de passer vingt ans en France où elle s'est mariée, elle a deux enfants. Nous sommes en avril 1979 et les fantômes de la guerre d'indépendance ne sont pas encore évanouis.

Sherifa la nourrice de Rosa l'accueille comme sa fille, son frère de lait Mehdi comme sa sœur. Retrouvailles idylliques ? C'est oublier le poids de l'Histoire, les non-dits, le deuil, les découvertes inattendues. Sur cette terre qui est la sienne mais où elle se sent une intruse issue de la colonisation, Rosa va se dépouiller de ses illusions, de sa culpabilité, de ses rêves de perfection. Que faire de sa vie pour qu'elle gagne en authenticité ? Je ne gâcherai pas cette histoire en vous racontant la fin.

Tout ce que nous voyons ou paraissons/ n'est qu'un rêve,

est-il écrit dans un poème de Mallarmé que Rosa avait recopié lorsqu'elle était adolescente. Il faut abandonner le rêve pour retrouver la réalité, et l'argile de la terre natale, cette Rouge argile du titre, va être le vecteur de l'évolution de l'héroïne.

Virginie Ollagnier a réussi un très joli livre, sensible, tout en nuances ; il touchera au cœur un public essentiellement féminin qui reconnaîtra ses propres interrogations au tournant de la quarantaine.

Rouge argile
Virginie Ollagnier
Liana Levi, septembre 2011, 224 p., 17 €
ISBN : 978-2-86746-578-9


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