[Critique] GRIMSBY – AGENT TROP SPÉCIAL
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Titre original : The Brothers Grimsby
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Louis Leterrier
Distribution : Sacha Baron Cohen, Mark Strong, Isla Fisher, Rebel Wilson, Penélope Cruz, Annabelle Wallis, Ian McShane, Gabourey Sidibe, Scott Atkins…
Genre : Action/Comédie
Date de sortie : 13 avril 2016
Le Pitch :
Nobby vit à Grimsby, une ville ouvrière d’Angleterre touchée de plein fouet par la crise. Pour autant, avec ses neuf gamins, le football qu’il adore et le pub où il retrouve ses amis et boit des litres de bière, Nobby est heureux. Un bonheur cela dit un peu entaché par l’absence de son petit frère, qu’il recherche depuis 25 ans sans succès. Quand un de ses proches retrouve justement sa trace, Nobby décide d’aller le retrouver et met sans le savoir le doigt dans un engrenage fatal. Et pour cause : son frère est un agent secret aussi redoutable qu’impitoyable. En s’immisçant dans ses affaires, Nobby va tout faire foirer et devenir lui-même la cible d’une mystérieuse organisation criminelle qui cherche à s’en prendre à l’humanité toute entière…
La Critique :
Sacha Baron Cohen aime les parodies. Pas les trucs du genre de Scary Movie, qui détournent des scènes d’autres films, mais plutôt les spectacles où les codes sont détournés afin de déclencher le rire. Et les parodies, l’acteur les aime bien grasses. Du genre qui tâche. Beaucoup, au point parfois d’en faire des tonnes, sans aucun complexe. Hier donc, Borat, Bruno ou Ali G défiaient les ligues de vertu avec leurs gags bien lourdingues, sévèrement axés sur le sexe bien sale, tandis que Sacha Baron Cohen prenait le temps de caser entre deux délires trash des projets plus intimistes et/ou complètement opposés à ses œuvres personnelles, qu’il écrit d’ailleurs, tout en les produisant, histoire de bien contrôler le processus créatif et de s’assurer ainsi une totale fidélité à son idée première. Car l’humour de Cohen n’appelle pas à être dilué. Il se déguste pur !
Adepte des changements de looks divers et variés, Sacha Baron Cohen a profité de son nouveau film pour se faire une tronche à la Liam Gallagher. Le résultat, bluffant, pourrait d’ailleurs lui valoir, on ne sait jamais, d’interpréter un jour le chanteur du groupe Oasis dans un biopic tout à sa gloire. Beauf intégral, amateur de foot et de bière, complètement cramé, mais aussi super protecteur envers une famille qui représente tout, Nobby, son personnage, donne le La d’un film qui a tôt fait de mixer sa verve comique avec une large dose d’action. Et c’est là que la présence derrière la caméra de Louis Leterrier, qui n’est pas le dernier pour filmer habilement des bourre-pifs et autres explosions pyrotechniques, s’avère particulièrement pertinente. La première séquence, axée sur les exploits, en vue subjective, de Mark Strong, le prouvant d’ailleurs de façon indéniable. Pour ce qui est de la gaudriole, l’ancien poulain de Luc Besson n’est pas le premier. Mais quand il faut faire parler la poudre par contre, il assure. Sa collaboration avec Cohen fait ainsi d’emblée un carton tant les deux se complètement et se répondent (on a le droit de considérer Grimsby comme son meilleur film). Assuré que son métrage soit crédible sur un plan purement visuel, au fil de séquences franchement spectaculaires et immersives, Sacha Baron Cohen peut se concentrer sur ce qu’il sait faire de mieux, épaulé par un casting de premier ordre tout dévoué à sa cause.
À ses côtés, quelques mois après Kingsman, Mark Strong laisse à nouveau le sérieux qui caractérise la majorité de ses rôles récents au vestiaire et y va à fond. Sans aucun filtre, il se prête au jeu de Grimsby et impressionne par un sens de l’autodérision et du jusqu’au-boutisme assez hallucinant, créant ainsi un savant décalage pour beaucoup dans la réussite de l’ensemble. Et si Rebel Wilson, Isla Fisher, Penélope Cruz et Ian McShane s’avèrent plus attendus, leur présence est quoi qu’il en soit appréciable, tant elle confère un surplus de prestige à cette espèce de version salement déviante de James Bond. L’important demeure que le duo formé par Sacha Baron Cohen et Mark Strong fonctionne vraiment bien. L’alchimie est évidente, comme le naturel avec lequel Cohen se fond dans les frusques de Nobby, peut-être d’ailleurs à ce jour le meilleur des personnages de son répertoire comique. Tout aussi excessif que Borat, Nobby est par contre beaucoup plus touchant. Une émotion que le film distille avec parcimonie, lui donnant ainsi une véritable utilité dans le récit. Les vannes crades, aussi hilarantes que nombreuses, sont ainsi contrebalancées par un discours sur l’importance de la famille et des amis, et c’est très bien comme ça même si bien sûr, tout ceci n’est pas forcément très original.
Son originalité, Grimsby la tire de sa faculté à impressionner par son outrance, en permanence. Quand on pense qu’il est allé trop loin, le film s’amuse à passer un nouveau cap. Et si les situations sont drôles, les dialogues le sont tout autant, avec leurs petites références et leur goût prononcé pour la satire bien sentie sous couvert d’un comique de situation en forme de parodie plutôt hardcore. À titre d’exemple, les deux « caméos » sont particulièrement tordants. Qui verra rira, c’est garanti sur facture !
Rapide et furieux, Grimsby est aussi totalement insolent et agressif, sans oublier parfois, de jouer sur la corde sensible, en mettant notamment en lumière des personnages qu’il sait utiliser à leur juste valeur. Inévitablement, Sacha Baron Cohen en fait des caisses et parfois, mais vraiment rarement, le long-métrage pêche par excès. La plupart du temps néanmoins, l’outrance est utilisée à bon escient. Et tant pis si les deux gamins qui jouent les personnages jeunes au court de trop nombreux flash-backs ne sonnent pas juste, car le reste lui, met dans le mille.
Grimsby – Agent trop spécial est une franche réussite. Un vrai film d’action doublé d’une authentique comédie trash comme peu savent les faire. Sacha Baron Cohen a trouvé le bon équilibre. Son film est d’une puissance comique assez rare. C’est une ode au rire franc du collier. Le genre de comédie qui n’a jamais peur d’aller jusqu’au bout de ses idées, et tant pis si beaucoup auront vite fait de jouer les choqués. Ici le lâcher-prise est de mise.
@ Gilles Rolland