Magazine Cinéma

[Critique] DESIERTO

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] DESIERTO

Partager la publication "[Critique] DESIERTO"

Titre original : Desierto

Note:

★
★
★
★
☆

Origines : Mexique/France
Réalisateur : Jonás Cuarón
Distribution : Gael Garcia Bernal, Jeffrey Dean Morgan, Alondra Hidalgo, Diego Catano…
Genre : Thriller
Date de sortie : 13 avril 2016

Le Pitch :
Un groupe de mexicains passe la frontière pour pénétrer aux États-Unis. En plein désert de Sonora, au Sud de la Californie, ils progressent difficilement compte tenu de l’extrême chaleur, tout en essayant de ne pas se faire repérer par la police de l’immigration. Quand un mystérieux individu commence à les prendre en chasse, les abattant un à un, leur périple vire au cauchemar…

La Critique :
Le talent est-il héréditaire ? Dans le cas de Jonás Cuarón, qui est le fils d’Alfonso Cuarón, à qui on doit Gravity, Amours Chiennes, Les Fils de l’Homme et Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, la réponse est oui. Très proche de son paternel, avec lequel il a écrit Gravity, avant de réaliser le magnifique court-métrage Aningaaq (dans lequel une famille d’eskimos capte les signaux envoyés par le personnage de Sandra Bullock dans Gravity), Jonás Cuarón a rapidement été promis à un grand avenir cinématographique. Desierto, son second long-métrage, prend ainsi la forme d’une brutale confirmation, qu’il est bon se se prendre en pleine poire…

Desierto-Gael-Garcia-Bernal

Desierto est un pur objet de cinéma. Une œuvre viscérale qui lorgne, selon les souhaits de son réalisateur vers les canons du genre, avec dans sa ligne de mire le Duel de Steven Spielberg. Pour cela, le cinéaste a donc souhaité épurer un maximum son intrigue. Son scénario tient en une phrase. Pourtant, l’écriture est brillante, à l’image de celle de Mad Max : Fury Road. On ne parle pas des dialogues mais de la progression de la gigantesque course-poursuite à travers un désert hostile. De la construction d’une tension inexorable qui naît autant du génie de la mise en scène que de la façon dont le film fut pensé, sur le papier. On pense à tort que ce genre de long-métrage ne nécessite pas un travail d’écriture poussé. Une idée préconçue regrettable dans le cas de projets aussi percutants que Desierto, tant l’écriture, sensitive au possible, permet de mettre en place une vraie dynamique. Sur bien des aspects très proche de Gravity, le film brille par la pertinence de son approche d’une situation dramatique, et tire partie d’absolument tous les éléments mis à sa disposition. Comme dans Gravity, l’environnement a une importance capitale dans cette chasse à l’homme impitoyable. Jonás Cuarón parvient à nous faire ressentir la chaleur qui s’abat sur ces hommes pourchassés. La soif, la fatigue, les dangers divers et variés, relatifs à la faune et à la flore, sont autant de risques qui viennent s’ajouter à la pression qu’exercent cet homme et son chien, dont les balles sifflent aux oreilles des survivants d’un massacre improvisé, au nom d’une idéologie ici brutalement suggérée et ainsi beaucoup plus éloquente et effrayante que n’importe quel discours.

Pour sa deuxième livraison, Jonás Cuarón a pris un risque. Celui de se confronter à des modèles auxquels on va forcément le comparer. Des modèles qui sont, comme nous l’avons dit, aussi des références. En citant d’emblée Duel de Spielberg ou encore Runaway Train de Kontchalovski, Cuarón vise les étoiles. Il se fixe un but à atteindre, au risque de monumentalement se planter. On le sent, dans sa tête, tous les plans se devaient d’avoir leur utilité. Dans l’action, mais aussi lors de ces rares moments de contemplation, qui permettent de reprendre son souffle, tout en prenant d’une certaine façon la mesure du drame qui se joue. La gestion du rythme force rapidement l’admiration. La caméra est toujours au bon endroit, capturant la détresse des personnages face à un homme qui cristallise à lui tout seul une somme de thématiques cruellement actuelles, sans se répandre inutilement dans de grands discours de toute façon ici totalement superflus.
Un bad guy campé avec une force inouïe par un Jeffrey Dean Morgan tétanisant. À l’heure où cette critique est écrite, l’acteur est au centre de toutes les attentions, à cause de son implication sauvage dans The Walking Dead, où il campe le terrible Negan, soit l’un des antagonistes les plus emblématiques du comic book dont s’inspire la série. Dans Desierto, il est plus que parfait pour la simple et bonne raison qu’il arrive à imposer la psychologie de son personnage, en échappant aux plus grossiers clichés qui parasitent souvent ce genre de profil. Et c’est quand le scénario utilise des codes pourtant bien connus pour définir les contours de son méchant (le drapeau des Confédérés accroché au pick-up, la country music, etc…) pour ensuite partir dans une direction censée saisir l’essence du personnage et de ses motivations abjectes, tout en composant avec l’ambiguïté de sa condition, qu’il se montre le plus percutant. Car si ce prédateur est mue par des intentions inhérentes à une idéologie nauséabonde poussée à son paroxysme, Jonás Cuarón tient aussi à nous faire savoir qu’il demeure un humain, au même titre que ceux qu’il pourchasse.
Du côté des proies, c’est Gael Garcia Bernal qui donne le ton, en interprétant un père de famille désireux de retrouver son fils. Des motivations certes un peu « accessoires », pour un personnage surtout défini par son désir de survivre face à un danger dont il n’imaginait pas la teneur. Impeccable car toujours mesuré, jamais dans l’excès, le comédien encourage l’identification et permet in fine au spectacle de s’avérer très immersif du début à la fin.

Montée en puissance inexorable, Desierto aurait pu n’être qu’un énième survival comme on en voit tant. Jonás Cuarón, grâce à son acuité extraordinaire et à la maturité de sa mise en scène, l’amène sur un autre plan, sans verser dans le « simple » exercice de style. La musique de Woodkid enveloppe l’action de ses superbes volutes, à la fois anxiogènes et parfaitement à propos quand il s’agit de souligner la tension, tandis que la travail sur le son prend une importance cruciale en accentuant les moments durant lesquels l’intensité atteint des sommets.
Sur bien des aspects, son film est également un pamphlet politique. Surtout à l’heure où les élections américaines se profilent à l’horizon. Un état des lieux pertinent en forme de spectacle total et éprouvant (à l’image de cette scène qui pourrait choquer les amoureux des animaux). Le genre de spectacle qui prend à la gorge pour ne lâcher son étreinte qu’au moment du générique de fin, tout en marquant de son empreinte les esprits.

@ Gilles Rolland

Desierto-Jeffrey-Dean-Morgan
  Crédits photos : Version Originale / Condor


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Onrembobine 57561 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines