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La haine

Par Mrvladdy @mrvladdycrane

La haineLa haine. 1 heure 35. France. Drame. Sortie en France le 31 mai 1995. Réalisé par Mathieu Kassovitz avec Vincent Cassel, Hubert Koundé, Saïd Taghmaoui, Karim Belkhadra, François Levantal, Benoît Magimel, Vincent Lindon, Édouard Montoute, Karin Viard, Julie Mauduech, Mathieu Kassovitz, Philippe Nahon, Zinedine Soualem, Cut Killer, Marc Duret…

Trois copains d’une banlieue ordinaire traînent leur ennui et leur jeunesse qui se perd. Ils vont vivre la journée la plus importante de leur vie après une nuit d’émeutes provoquée par le passage à tabac d’Abdel Ichah par un inspecteur de police lors d’un interrogatoire.

Ceux qui me connaissent sont au courant que les films sur la banlieue, ce n’est pas trop ma came. Ce genre de films m’ennuie et ne me passionne guère. Ceux qui me connaissent sont également au courant que je ne suis pas un très grand fan de Mathieu Kassovitz. Du coup, il n’est pas surprenant que je n’avais pas encore vu « La haine », film qui ne m’attirait pas du tout. Mais bon, le long métrage a de bons échos, tout le monde s’accorde pour me dire que c’est une œuvre puissante et différente de ce que l’on voit habituellement, du coup, même en restant très méfiant, j’ai quand même voulu tenter le coup.

Est-ce le fait que je ne suis pas fan du cinéaste et du thème de la banlieue ? Est-ce l’effet « film survendu » ? Je n’en sais rien mais en tout cas, je suis très loin de partager l’emballement qu’il peut y avoir autour de ce long métrage. Je lui reconnais des qualités, il n’est pas foncièrement mauvais mais comme je m’y attendais, je n’ai pas du tout accroché à ce scénario écrit par Mathieu Kassovitz.

Je suis sans doute à côté de la plaque, sans doute un vieux con aigri ou je ne sais quoi mais ce genre d’histoire me gave. Je ne nie pas le côté violent qu’il y a dans une banlieue. J’ai grandi jusqu’à ma majorité en banlieue parisienne, je ne pouvais que constater tous les fléaux que pointe du doigt le film, cependant, ça me gave littéralement quand un film s’arrête que sur ce constat.

Je trouve ce scénario assez gratuit en fait. On a les jeunes banlieusards d’un côté laissé à l’abandon par la société et qui ne cherche pas plus que ça à s’en sortir (certains en ont la volonté comme le personnage d’Hubert mais on ne voit pas une réelle action pour s’en sortir dans les faits et dans le comportement) et de l’autre côté, on a les flics bien pourris qui aime bien faire de l’excès de zèle (même si on en pointe quand même un ou deux pas bien méchant qui veulent juste faire le boulot).

Je trouve ce film très manichéen. Cette histoire ne fait que dénoncé des faits que je ne nie pas (il y a une véritable violence et une véritable haine entre les deux camps) mais il n’apporte aucune solution. Oui c’est le bordel (le film a plus de vingt ans mais cette haine a peu bougé) et alors ? On fait quoi ? Bah pas grand-chose. On constate juste cette bêtise humaine qui se trouve dans les deux camps, ses excès, cette rage et on ne fait pas avancer le débat. Comme pour le plan final, on reste juste bouche bée, impossible de bouger et on fait du surplace.

Tout ce discours est dangereux je trouve. Il peut même rajouter parfois un peu d’huile sur le feu. A l’époque, la police à peu aimer l’image que l’on donne d’elle dans ce film (ce que je peux comprendre) tandis que de mon côté, dans ma cité, sans aucune exagération, j’ai vu pas mal de jeunes qui après avoir vu ce film ont voulu se prendre pour Vinz en voulant dégainer de l’arme à feu tout comme à une époque il se prenait pour Tony Montana dans « Scarface ». Tous les jeunes ne sombrent pas dans cette violence mais le film n’a pas forcément eu un effet thérapeutique (du moins dans ma cité à l’époque).

Bref, on m’a dit que j’allais être surpris et ce ne fut pas le cas. J’ai eu un film de banlieue avec son lot d’insultes, de crachats et de joggings le tout emballé dans une société en perdition qui semble avoir baissé les bras… Encore une fois, j’ai conscience que je suis peut-être passé à côté de ce long métrage mais je suis déçu par le fait que ce scénario ne véhicule aucun véritable message (du moins aucun message nouveau), aucun espoir, aucune solution…

C’est pour ça aussi que je retiens en moi surtout de la frustration car après, tout n’est pas mauvais. Le portrait de ses jeunes (bien que caricatural car tous ne sont pas ainsi mais encore une fois, on ne va pas plus loin) n’est pas très loin de la vérité. On sent que Mathieu Kassovitz connaît la cité, qu’il en connait ses risques et ses règles.

Ce clivage entre cette banlieue et la capitale est aussi bien dépeint même si j’aurais quand même aimé un peu plus de finesse dans le traitement des différents personnages. Le film est en noir et blanc, j’aurais aimé apercevoir un peu plus de nuances de gris dans le fond. L’absence de la société (hormis un Maire qui défile, une galerie d’art qui ne comprend pas ses jeunes et un journaliste cliché en quête de caricatures) est aussi assez flagrante mais encore une fois, avec un tel projet, et au regard de la façon dont on m’a vendu le film, j’aurais espéré qu’on aille plus loin. Au-delà de ça, dans cette violence générale, le scénario propose quelques touches d’humour qui ne sont pas trop déplaisantes.

Si j’ai eu du mal avec ce scénario, en revanche je dois bien avouer que j’ai bien aimé la distribution. Elle accumule pourtant quelques facilités mais avec une bonne direction d’acteurs, le casting a su rendre crédible ses personnages et choses assez surprenante chez moi, les comédiens ont su rendre leurs personnages pas trop agaçant à mes yeux (faut dire que c’est vraiment le scénario qui m’a agacé plus qu’autre chose). On ne cautionne les actes de personnes (faut croire que tout le monde est pourri dans une banlieue que ce soit un jeune ou un flic…) mais on suit quand même cette journée sans trop de problème grâce à ses interprétations plutôt crédible.

Vincent Cassel (Vinz) s’impose plutôt bien dans la peau de ce jeune paumé un peu lourdingue qui se voit défendre une cause dont personne ne lui a demandé d’être le messager. Charismatique, c’est sans doute le personnage que j’aime le moins tant il semble être content de sa bêtise et de ne pas se rendre compte de l’absurdité de ses actes. Malgré ça, le comédien l’incarne avec brio et parvient à ne pas le rendre trop ridicule. On y décèle même parfois vers la fin dans le regard une petite once d’espoir, pas vraiment exploité, mais que j’ai apprécié.

Saïd Taghmaoui (Saïd) m’a bien fait rire. J’ai eu un peu peur au début de la légèreté de son rôle mais petit à petit, je dois reconnaître qu’il m’a convaincu. On parvient même à le trouver sympathique par moment. Dans le trio de cette bande, il apporte en tout cas un peu de fraîcheur qui équilibre bien la balance.

J’ai eu un peu plus de mal avec Hubert Koundé (Hubert). Son jeu ne m’a pas toujours convaincu puis c’est aussi le rôle qui m’a le plus titillé. On voit sa volonté de partir de la cité, ce regard désabusé où il constate impuissant que la haine n’apporte rien mais à côté de ça, j’ai vraiment été déçu qu’on ne parvient pas à nous le montrer avec une envie de se retrousser les manches pour s’en sortir. Il y a d’ailleurs je trouve une énorme contradiction entre ses paroles et certains de ses actes même si il reste le plus « soft » de la bande mais du coup, j’ai trouvé que sur moi, son côté médiateur ne fonctionnait pas. Le comédien fait preuve de bonne volonté mais il n’arrive pas à masquer ce que je n’apprécie pas chez son personnage.

Le reste de la distribution est plus en retrait. On s’intéresse principalement à cette bande de potes. Néanmoins, il y a quand même des seconds rôles de grande classe. Chacun est dans le même registre, joue de la même façon que nos acteurs principaux mais leurs présences apportent quand même un plus à l’image de Karim Belkhadra (Samir) seul policier dont j’ai apprécié un peu plus l’interprétation et dont j’aurais volontiers aimé en voir plus.

Si Benoît Magimel (Benoît) est assez anecdotique tout comme Karin Viard (une fille à la galerie), la petite apparition de Vincent Lindon (L’homme saoul) est assez jouissive. François Levantal (Astérix) est beaucoup trop décalé dans son traitement pour me convaincre et Edouard Montoute (Darty) m’amuse mais rajoute encore une pièce à ce scénario avec qui j’ai vraiment du mal avec ce personnage qui ne vie que par le recel…

Dans son rôle de dénonciateur sur la place publique, Mathieu Kassovitz (Le skinhead) se donne un petit rôle qui lui va bien pour nous montrer que le racisme et l’intolérance, ce n’est pas très gentil, que ça ne rajoute que de la haine supplémentaire et que leurs victimes ont sans doute beaucoup plus de tolérance qu’eux.

Ce qui m’énerve avec Mathieu Kassovitz, c’est que j’ai du mal avec le bonhomme, avec celui qui parle dans les médias. Je n’accroche pas du tout à ses différents discours, ni à la façon dont il les prononce. Cependant, le réalisateur possède un talent indéniable. Ici, il démontre qu’il maitrise quand même son sujet. Si j’ai trouvé le scénario souvent gratuit, sa mise en scène l’est nettement moins avec par exemple cette utilisation du noir et blanc qui est parfait en imageant à merveille toute cette haine et cette violence qui nous entoure.

Les différents plans sont eux aussi très bien pensé. A différentes reprises, j’ai eu l’impression de me revoir moi ou mes potes traîné dans le quartier avec parfois ce spectacle de désolation et d’abandon qui est bien représenté. Si je n’aime pas les films sur la banlieue d’une manière générale, ce long métrage reste quand même ce qui est le plus proche de ce que je pouvais voir dans ma jeunesse dans sa façon de nous le montrer.

Les décors sont très bien exploités. J’aime beaucoup aussi le travail qui a été fait sur la photographie et l’exploitation de la lumière. On ressent par exemple très bien la différence quand on quitte cette banlieue presque anxiogène pour aller sur Paris. L’ambiance est là, l’atmosphère lourde est bien crée et encore une fois, je ne regrette pas cette utilisation du noir et blanc qui trouve toute sa place dans ce récit.

Le montage est aussi plutôt pas mal. J’aime cette idée de journée qui défile avec ses hauts et ses bas et ce leitmotiv « Jusqu’ici tout va bien » qui nous guide même si du coup, l’on sait vers quel sorte atterrissage l’on se dirige. Le final brutal n’en reste pas moins assez efficace et surprenant tout en faisant bien écho à l’affaire du drame survenu deux ans avant le tournage, en avril 1993, lors d’une garde à vue dans un commissariat du 18ème arrondissement de Paris.

La bande originale composée par Assassin est pas mal également. On s’attend à une musique bien lourde, à du rap qui étouffe tout et qui est là pour faire joli et plaire aux jeunes mais au lieu de ça, on a une musique qui colle à l’ambiance mais qui se fait discrète, présente juste comme il le faut avec en prime une scène avec Cut Killer assez drôle et musicalement agréable.

Pour résumer, si je suis d’accord pour dire que « La haine » est un bon film, je suis quand même sorti de mon visionnage assez frustré. D’une manière générale, je trouve qu’il y a davantage de finesse dans la forme que dans le fond et je le regrette. Ma frustration prend le dessus car je m’attendais à vraiment plus fort, je pensais vraiment, après tout ce que l’on m’en avait dit, que ce long métrage changerait mon regard sur les films de banlieue mais ce n’est pas le cas. A ce jour, cela reste quand même le haut du panier dans ce que j’ai pu voir. Le film ne laisse pas indifférent c’est déjà ça et peut même susciter des débats. C’est juste dommage qu’il ne prend pas part à ses débats dans le récit, le scénario préférant dénoncer plutôt que de proposer une alternative à l’image de cette salle de sport détruite dont on se moque au final si on va la ré-ouvrir et comment on va la ré ouvrir. « La haine » n’est donc pas un film inintéressant, il mérite le coup d’œil et je le reverrais peut-être un jour avec peut-être un autre regard mais je regrette malgré tout de ne pas être plus emballé que ça.

3/5 (Bien)


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