Elle : Rebelle, s'il vous plaît, Rebelle
Moi : voulez-vous nous dire un petit mot sur le fondement de votre mouvement ?
Elle : "Jour-assis dans le parc" est né le jour d'après... nuit debout pour signifier aux autorités que désormais le mécontentement a changé de camp et c'est parce que nous sommes contents que vous ne le serez plus.
Moi : mais vous êtes contents de quoi ?
Elle : contents d'exister, contents de le manifester et contents de vous mécontenter. Vous êtes bien dans la merde maintenant ?
Moi : et pourquoi croyez-vous que l'État serait emmerdé ?
Elle : parce qu'il ne commande plus, on ne lui demande plus rien, le dialogue est définitivement rompu.
Moi : c'est un sabotage en règle.
Elle : oui, pour mettre fin à tous les dérèglements, toutes les petites gens ont décidé de couper le cordon, on ne travaille plus. Nous sommes au chômage mais au chômage volontaire... les petits ne servent plus, que les grands se démerdent... entre eux... mais sans nous.
Moi : c'est très subversif comme mouvement ?
Elle : oui, là, on tourne vraiment la page, plus de foutage de gueule, on ne se fait plus la gueule, on ne s'engueule plus, on reprend le refrain de Johnny : "qu'est-ce qu'elle a ma gueule ?"
Moi : c'est une question ? ou une revendication ? Parce que j'ai remarqué que tous les hommes étaient barbus et toutes les femmes voilées, c'est fait exprès ?
Elle : non c'est un hasard... mais non c'est pour leur rentrer dans le lard! Les hommes n'ont plus le temps pour se raser et les femmes non plus... ah ! Ah ! Ah ! C'est le big bazar pour indiquer que nous sommes tous musulmans. On met notre destin entre les mains de Dieu et on laisse les gens d'en haut flipper leur race entre eux.
Moi : c'est en signe de contestation contre le pouvoir ou un signe de solidarité avec vos camarades musulmans ?
Elle : c'est pour afficher définitivement notre appartenance au même groupe sanguin : les sans rien. On ne va plus continuer à se faire chier pour rien. Ce sera sans nous, et entre nous depuis, ça va beaucoup mieux.
Moi : mais comment faites-vous pour vivre ? Vous nourrir, vous loger, vous soigner ?
Elle : on s'en fout de la logistique... on veut être cohérents, logiques. Montrer qu'on a compris : qu'ils ont besoin de nous, que nous n'avons pas besoin d'eux... ils nous apportent à manger, ils viennent panser nos plaies, ils nous prient à genoux mais on ne se remettra pas debout pour si peu, on reste assis... et on laisse courir.
Moi : mais ça ne peut pas durer longtemps... vous avez probablement des personnes en charge, des vieillards, des enfants qui doivent reprendre le chemin de l'école?
Elle : ils apprendront avec nous dans la rue que désormais : il n'y aura plus de favoris, ni de démunis... OU on redistribue TOUT ou on reste assis, barbus et voilées sous le ciel étoilé.
Moi: la police, l'armée s'apprêtent à vous déloger, à vous chasser vous le savez ?
Elle : peut-on chasser Dieu ? Peut-on chasser le rien ?