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Interview | Lenparrot – Naufrage EP

Publié le 19 avril 2016 par Le Limonadier @LeLimonadier
Chansons vulgaires : un peu de poésie, beaucoup de cul

LENPARROT

A l’occasion de sa date Parisienne au Supersonic et de la sortie de son nouveau clip pour le morceau « The Hidden Track« , le Limonadier est allé à la rencontre de Lenparrot. Crooner nantais à l’esthétique épurée, Lenparrot a sur convaincre en 2 EPs que sa pop minimaliste pouvait enchanter le paysage musical français. Le protégé des Inrocks nous a reçu pour une interview spéciale : autour de notre valise à CD, contenant une sélection d’album nous semblant pertinant par rapport au travail de Lenparrot, nous avons discuté musique, souvenirs et processus créatif.

Voici la liste des différents albums présents dans la valise :

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Bonjour Romain, merci de nous recevoir pour parler de Lenparrot. On t’as amené notre valise à CD, avec pleins de surprises dedans. On commence avec le premier album, celui de Rhum For Pauline ? 

Romain : Rhum For Pauline, c’est rigolo ! C’est avec ce groupe que j’ai pu pour la première fois envisager la musique de façon un peu plus mature. C’est aussi avec eux que j’ai eu mes premières opportunités de concerts, que j’ai pu rencontrer Raphael, Quentin et Romain des Minitel Rose, qu’on a eu la possibilité de s’inscrire dans l’histoire du label Futur, enfin voilà c’est plein de choses. Cet album m’évoque tellement de souvenirs, c’est l’aboutissement d’une histoire qui se termine bientôt (le groupe a décidé de se séparer, ndlr). En tout cas, Lenparrot est vraiment né de Rhum For Pauline, à une période qui était pas forcément évidente pour moi parce que je n’arrivais plus à me satisfaire des compositions que je proposais au groupe. En attendant, quel que soit la suite de cette aventure, c’est un bel album.

Au moins, vous serez allé au bout de la démarche ? 

Romain : Exactement ! Je suis fier de ce disque, vraiment. Je le trouve réussi, chose qui ne nous était jamais arrivé auparavant avec Rhum For Pauline. Quand les 2 EPs sont sortis, à peine deux mois après on peinait à l’écouter, parce qu’on était dans des phases de mutations. Alors qu’aujourd’hui, on a mis tellement de temps à sortir cet album, on a tellement travaillé dessus que si je devais le réécouter à l’avenir j’aurais toujours le sourire aux lèvres.

Lenparrot, c’est un peu le côté « enfin seul » de Rhum For Pauline en fait ? 

Romain : Oui, c’est certain. J’ai amassé un certain nombre de chansons, reprit goût à l’écriture et trouvé une certaine satisfaction dedans, et au delà de la discussion que j’ai pu avoir avec les gars sur l’esthétique très affirmée qui ne pouvait pas vraiment se fondre dans un groupe déjà existant, c’était vraiment une volonté de pouvoir découvrir autre chose et assumer ma musique. Et même si tu n’es jamais vraiment seul sur un projet, aujourd’hui la différence c’est que c’est moi qui dirige. C’est grisant, parfois déstabilisant, mais en tout cas une belle aventure qui commence !

Dans ton travail, il y a côté très calme, un peu nostalgique aussi, c’est pour ça qu’on a choisi Sinead O’Connor !

Romain : Je connais assez mal en fait, mais cet album me dis quelque chose. Il me semble que ma première amoureuse l’écoutait en boucle à une époque. En tout cas, ça me plait que ce disque soit dans la sélection, je vais m’y repencher !

Un classique maintenant de Bowie, « Ziggy Stardust« . Est-ce que cet artiste t’inspire dans le projet Lenparrot ?

Romain : Je pense que c’est pas forcément « Ziggy Stardust » que je choisirais aujourd’hui, par contre j’ai saigné ce disque en long, en large et en travers quand j’avais 15 ans donc oui, c’est une pièce maîtresse absolument. Et l’idée de jouer un personnage me parle aussi beaucoup. Après, la théâtralisation de la musique ne va pas aussi loin dans mon projet solo, mais Bowie a été un précurseur dans la manière de se réinventer et c’est forcément un exemple. Quand je vois ce disque, je pense en premier à « Five Years » qui ouvre l’album, ce pattern de batterie incroyable, cette façon de penser la musique à la manière d’un château de carte qui se construit devant toi, je trouve ça fantastique.

Tu rêves d’une carrière à la Bowie où tu te réinventes à chaque fois ? 

Romain : Absolument, forcément (rires). Ecrire ne serait-ce qu’un album dans ma vie aussi abouti que celui-là, ça serait déjà une grande victoire !

Bowie, ça représente aussi d’autres arts que la musique. On a vu que sur tes EPs tu avais travaillé avec différents graphistes ou vidéastes afin de créer un univers visuel correspondant à Lenparrot. C’était une volonté de ta part ? Dans quel état d’esprit se sont montés ces partenariats artistiques ? 

Romain : Oui j’ai travaillé avec Elsa et Johanna pour les vidéos et A Deux Doigts pour l’univers graphique. Johanna, je la connais depuis longtemps, on a toujours été sur la même longueur d’onde artistiquement parlant. Quand elle a découvert Lenparrot avec Elsa, elles sont revenues vers moi pour qu’on bosse ensemble. J’avais déjà vu tout leur travail photographique et ça faisait vraiment sens pour moi de travailler avec elles. Pour A Deux Doigts en revanche, c’est moi qui suis allé vers eux. Je suis tombé sur leur travail quelques semaines avant de les aborder et j’ai tout de suite su que c’est ça que je voulais pour la pochette de l’EP. Depuis, on travaille ensemble et on est tous contents. Il y a une vraie relation de confiance qui s’est installée et maintenant on arrive plus vite à aller plus loin dans la démarche parce qu’on se connait. C’est une vraie chance !

Ta voix si particulière ne passe pas inaperçue. Si on te montres ce disque de Sinatra (un best-of, ndlr), tu nous dis icône à imiter ou crooner dépassé ? 

Romain : Un crooner de génie oui ! C’est marrant j’ai regardé un documentaire sur lui sur Arte il y a pas longtemps, il a quand même eu une carrière incroyable. Et quelle voix !

A propos de voix, la tienne a beaucoup évolué depuis tes débuts avec Rhum For Pauline. Est-ce que c’est parce que tu as pris conscience que ta voix était un instrument dont il fallait prendre soin, au delà de tes capacités innées ? 

Romain : La première fois que j’ai eu à travailler ma voix, c’est après un été il y quelques années où j’ai travaillé dans un bar de nuit. Se coucher à 6h du matin, fumer comme un pompier et devoir forcer sa voix à cause du bruit ambiant, sur le long terme ça use pas mal tes cordes vocales. J’ai fini par me choper une trachéite infectieuse qui m’a fait perdre beaucoup de puissance dans la voix et j’étais infoutu de me servir de ma voix de tête correctement. Donc forcément j’ai été obligé de mettre à remuscler ma voix en faisant des vocalises tous les jours par exemple, pour essayer de recouvrer mes capacités. Du coup, ça m’a mis sur la bonne voie pour continuer à prendre soin de ma voix. Par exemple aujourd’hui j’ai un concert, je n’ai pratiquement pas fumer de la journée, et pourtant Dieu sait que j’aime fumer des clopes ! (rires) Au delà de ça, travailler ma voix ça m’a aussi permis d’explorer un panel plus large de gamme et je peux maintenant proposer un travail plus abouti dans ma musique.

Tu vas vraiment terminer comme Sinatra alors, le crooner nantais ? 

Romain : OK mais j’aimerais bien ne pas avoir à faire mes adieux pendant 23 ans en revanche ! (rires)

Attention avec le prochain CD, pour l’enfant des 90s que tu es, hommage : l’EP de Sexy Sushi sorti en format CD 2 titres « Tu l’as bien mérité ».

Romain : Je dis oui aux CDs 2 titres ! Même si ça parait complètement hors de propos aujourd’hui, c’est toute notre enfance ! Et puis Sexy Suhi, j’adore, ils sont géniaux que ce soit sur scène ou à la ville.

Nostalgique on dirait, puisque tu avais également sorti le premier EP de Lenparrot sur cassette. Ca avait bien marché ? 

Romain : Ah bin ouai carrément ! J’ai tout vendu figurez-vous. Bon je ne sais pas si les 100 personnes qui les ont achetées étaient en mesure de l’écouter, mais c’était aussi pour l’objet je pense. Je trouve ça assez joli, vous pouvez la mettre sur une table de nuit…

En faire un presse-papier, ce que vous voulez en fait ? 

Romain : Oui aussi, je suis d’accord pour servir de presse-papier ! L’important pour moi c’est que les gens puissent avoir l’objet entre les mains, le sentir, regarder l’artwork, enfin tout ce qui fait le plaisir de l’objet face à la musique dématérialisée en fait ! Mon format préféré reste avant tout le vinyle, et quitte à ce qu’il y ait des fétichistes qui reviennent, j’aimerais tout autant sortir un album sur ce format là.

L’album de Paris Dernière #7, qui est un album de reprise (presque) toutes réussies. C’est un exercice que tu connais ? 

Romain : J’adore faire des reprises figurez-vous. Je l’ai déjà fait pas mal de fois, et même si tu n’as jamais le même rapport que quand tu es l’auteur de la chanson, c’est tout aussi intéressant. Une artiste comme Anika, qui n’a fait pratiquement que des reprises, arrive à te proposer un univers différents grâce à son travail d’interprétation.

Et Paris Dernière, c’est aussi une émission de télé. Est-ce que la télé est encore un média intéressant pour Lenparrot ou est-ce qu’elle est complètement hors courses ? 

Romain : Tout dépend la proposition finalement. J’aime bien le Petit Journal par exemple, qui dans le genre info-tainment est plutôt bien faite. En revanche, le délire de faire venir des artistes pour jouer 1min30 en leur imposant de couper leurs morceaux je trouve ça un peu irrespectueux. C’est vraiment de la consommation, on fait sortir la musique de toute cohérence, de toute démarche artistique. C’est une sorte de musique potiche en fait. Je comprends que pour des taux d’audiences etc. ce soit compliqué de passer un morceau de 7min mais de là à découper au scalpel des morceaux pour qu’ils rentrent dans 1m30 ça n’a aucun sens. Je trouve ça dommage. Bien sur si on me propose le Petit Journal je pense que j’irais mais c’est toujours un peu douloureux de voir la musique se faire maltraiter comme ça. Sinon, des émissions comme Tracks, Arte live avec la Blogothèque, Alcaline, Monte le Son… Il existe de bonnes émissions, mais on est moins sur de la grande écoute quand même. Sinon, pour la musique indépendante, un des vecteurs qui est toujours porteur pour nous reste la radio, entre autre avec Radio France. Même si ça peut paraitre obsolète, c’est un média qui nous soutient.

La voix, et donc les textes, sont très présent dans Lenparrot. A l’instar de Bob Dylan sur ce nouveau CD « Desire » , est-ce que tu te vois comme un songwriter ? 

Romain : Je n’aurais pas la prétention de dire que je suis un songwriter. Dylan tournait sur quelques accords pour la mélodie mais sa vraie force c’était de raconter une histoire, de tenir un propos. Moi j’essaie juste d’articuler ma musique et mes paroles avec la plus grande cohérence possible. C’est déjà hyper important hein, mais c’est pas vraiment pareil. Ces temps-ci par exemple avec Lenparrot je suis plus sensible à la couleur d’une mélodie et les paroles viennent après. Pour certaines chansons de Rhum For Pauline en revanche je me souviens que j’avais des phrases en tête qui tournait et la mélodie venait après. Bref, un peu loin d’un vrai songwriter tout de même !

Pas songwriter mais définitivement pop, voilà le prochain album. « Sexuality » de Tellier est l’une des pépites de ces dernières années. Toujours pas morte la pop française alors ? 

Romain : J’adore Tellier. C’est un personnage décrié mais cette manière de s’en foutre, de chanter en franglais, je trouve ça génial ! « Sexuality » c’est vraiment l’album qui me parle le plus. La prod de Guy Man est hyper réussie, je trouve ça beau. C’est érotique, sincère, dantesque… Alors non, la pop française n’est pas morte, et encore moins maintenant ! Quelle que soit l’école, de la Souterraine à Tellier, il y a plein de choses à découvrir en France enfin ! (Le Limo est d’accord, ndlr)

Bon allez, un petit dernier pour te rappeler ta jeunesse : « Midnight Boom » des Kills.  

Romain : Un de mes premiers concerts, en première partie de Franz Ferdinand à Nantes en 2004. Mais ils font quoi maintenant en fait ? J’ai pas suivi. (rires)

Ils ressortent un album et ils font une tournée là. 

Romain : Ah je pensais que c’était juste une sorte de tournée hommage. Cool ! En tout cas, Alison Mosshart est absolument splendide. C’est vraiment l’image de la rockeuse, super fière, envoûtante, un super bon souvenir de concert !

Pour terminer, après tout ça, c’est quoi la suite pour toi ? Les projets de l’été, de la rentrée ? 

Romain : J’ai sorti mes 2 EPs en vinyles avec Atelier Ciseaux (disponible ici), on joue à la Boite à Musique à Metz le 28 avril, au Piano Barge à Vannes le 7 mai et au Nuba le 8. On sera au festival Hord Bords à Bordeaux, j’ai super hâte d’y être aussi ! On sera aussi au Café de la Danse le 23 juin avec Pegase. C’est déjà pas mal non ? (rires) Sinon, je m’attèle à l’écriture de ce fameux premier album (stay tuned).

Merci beaucoup Romain d’avoir joué le jeu de la valise avec nous. On te souhaite un très bon été rempli de concerts. 

Romain : Merci à vous !

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Chroniqueuse rock du Limo mais ouverte d'esprit.
Sur une île déserte, j'emporterais "Meddle" de Pink Floyd et "Ziggy Stardust" de David Bowie.
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