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Le journal d'une femme de chambre - 5,5/10

Par Aelezig

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Un film de Benoît Jacquot (2015 - France) avec Léa Seydoux, Vincent Lindon, Clothilde Mollet, Hervé Pierre, Mélodie Valemberg

Du Jacquot... Emotion zéro.

L'histoire : Célestine est femme de chambre et au bureau de placement on la qualifie d'instable car elle quitte ses jobs souvent. On lui propose un poste en province : elle fait le nez. On insiste en lui disant qu'on ne lui proposera bientôt plus rien du tout si elle continue à avoir ce comportement. Elle accepte donc. Sa nouvelle maîtresse est tyrannique (mais pas plus que certains patrons d'aujourd'hui), le maître tente sa chance pour la bagatelle (idem), le jardinier est sexy mais muet... Au fur et à mesure de ses journées laborieuses, Célestine se souvient d'autres places qu'elle a occupées, et qui toutes lui laissent des souvenirs amers.

Mon avis : Vous vous en souvenez peut-être, je suis loin d'être une admiratrice de Benoît Jacquot, dont je trouve les films sans âme, sans émotion. Je n'aime pas forcément non plus sa façon de filmer, intégrant des stylistiques qui contrastent avec le sujet. C'est un parti pris artistique, certes, mais il ne me convient pas. Genre plans séquences à n'en plus finir dans La fille seule... c'est-à-dire du temps réel dans la vie d'une femme de chambre (déjà ? l'homme aurait-il des fantasmes ?) qui arpente les couloirs de l'hôtel : résultat on s'ennuie lourd ! Ou bien ici une caméra épaule dans un film se passant au tout début du XXe siècle, donc un élément très moderne qui - à mon goût perso - ne sied pas à la "vitesse" de cette époque. Un grand aspect de ma vision du cinéma repose sur la COHERENCE, l'harmonie. 

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Je n'étais donc pas très très enthousiaste pour voir ce film. En plus, si Léa Seydoux m'a parfois épatée, mais rarement, sa présence au casting, avec un tel réalisateur, me faisait craindre le pire... Un atout pour me décider, cependant : ça se passe au début du XXe siècle, une de mes périodes fétiches !!! On n'est pas fan de Downton Abbey pour rien...

Tout de suite, l'ambiance m'a frappée. Froide. L'héroïne est une tête brûlée, une rebelle : d'habitude j'aime bien, surtout qu'elle dit à un moment une chose que je ressens tout à fait : "Dire que si l'on me parle avec gentillesse, je suis prête à donner le meilleur de moi-même." Je fonctionne comme ça ; si on m'agresse, je réagis au quart de tour ; si on me parle gentiment, je suis capable de décrocher la lune. Notre Célestine tombe ici chez des maîtres assez durs, elle est donc très désagréable, et ce n'est guère plaisant pour le spectateur qui n'éprouve aucune empathie pour elle. Le patron est le patron, non ? Ca n'a pas changé, il faut bien faire avec. Elle partirait en claquant la porte, je comprendrais mieux son caractère, au moins. Elle est hyper prétentieuse en fait ; mais jeune demoiselle, si ça ne te plaît pas comme boulot, fais autre chose, séduis un riche bourgeois ou ouvre un bordel (car elle n'a pas froid aux yeux, la donzelle, elle s'offusque des tentatives des vieux maîtres, mais ne rechigne pas à grimper sur les jeunes), et arrête de grogner, de faire la tronche et de marmonner derrière le dos des gens... ça m'énerve. Ca, plus le Joseph (Vincent Lindon), mutique et taciturne... Ils n'engendrent pas l'empathie, c'est le moins qu'on puisse dire.

Le couple ne fonctionne d'ailleurs pas du tout. Puisqu'on ne les aime ni l'un ni l'autre. De toutes façons, leur "histoire" est développée bizarrement. Le Joseph la mate un peu, mais reste dans son coin. Elle, bof, on ne ressent pas d'attirance envers lui. Et tout d'un coup, paf, ils se sautent dessus, et elle, l'insoumise, se met tout d'un coup à obéir corps et âme à son Jo... Rappelons par ailleurs que Lindon a 56 ans et Seydoux 30 ... et ça se voit. Johnny et Laetitia, quoi.

C'est vraiment ce que je n'aime pas chez Jacquot. Il veut du réel, du moderne, alors il mélange les genres pour l'esbrouffe ; quelque part il a sans doute raison puisque 90 % des gens sont des méchants ou des neuneus. Et justement, tout au contraire, moi j'aime voir au cinéma des beaux personnages qui me font rêver, qui me font pleurer, que j'admire ou que je plains vraiment, que j'ai envie de défendre... JE VEUX DE L'EMOTION ! 

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Si le roman évoque la misère des domestiques d'autrefois, parler d'esclavagisme, je trouve que c'est un bien grand mot. Un esclave n'est pas payé. Les domestiques, aussi ingrates que puissent être leurs tâches, et les exigences de leurs patrons, demeurent nourris, logés, habillés, assez correctement pour la plupart, et reçoivent un salaire. C'était un métier à part entière, pour les jeunes demoiselles sans fortune et pas encore mariées. Et je refuse de m'apitoyer sur leur sort, et d'écouter les donneurs de leçons quand, aujourd'hui, un siècle après, nous en sommes toujours au même stade, voire pire. L'esclavagisme demeure (on confisque les papiers, on prostitue, on vend comme bonne à tout faire ; on fait bosser 15 heures par jour dans des usines insalubres, pour un salaire de misère, qui permet juste de vivre dans un trou à rat) et se démocratise : employés sous-payés, harcelés, stressés, insultés, renvoyés, traités comme des numéros, avec le secret espoir qu'on mette bientôt en vente - mais pour pas trop cher - de merveilleux robots qui travailleront 24 heures sur 24 sans rechigner, tandis que la population mondiale disparaîtra dans la misère et les maladies, laissant la place aux fortunés. 

Waouh... en fait, il me rend dingue, ce film.

Mon mari m'a fait remarquer que - hors boulot - la Célestine avait de fort jolies toilettes. On se demande en effet comment elle se les paie, puisqu'elle n'est qu'une pauvre esclave... Les jeunes femmes de ce temps pouvaient s'offrir quelques robes pour leur vie privée, mais rien de luxueux, et elles faisaient plutôt profil bas. Certaines patronnes leur donnaient aussi des toilettes dont elles ne voulaient plus. Alors on va dire ça. Célestine a été gâtée (mais ne le reconnaît jamais).

Enfin, problème MAJEUR : Mademoiselle Seydoux n'A.R.T.I.C.U.L.E. pas. Je sais bien que je me fais vieille... mon mari aussi... mais nous n'avons pas de problème de surdité pour le moment ; or aucun de nous deux n'a compris plus de 30 % de qui était dit par Mademoiselle Seydoux. Alors que nous comprenions parfaitement ses collègues. C'est un défaut que je reproche à beaucoup de jeunes acteurs. Et pourtant ils prennent des cours de théâtre ! Je ne pige pas... On ne leur apprend plus l'élocution ? Ou alors ce sont de faux CV. Parce qu'un môme comme Pierre Niney, on n'a aucun problème avec sa diction.

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Pas mal nippée, l'esclave, hein ?

Je l'aime bien, pourtant, cette fille, elle a un visage d'ange et elle a su me toucher dans plusieurs films, mais il faut absolument qu'elle prenne des cours d'élocution !

Ma note est surtout pour les costumes, pour l'époque, que j'adore, et pour un certain sens de l'image, qu'on ne peut nier.

Bien. Benoît Jacquot étant un "maître" adulé par l'élite, je suppose que les critiques sont dithyrambiques...

Gagné ! Quelques qualificatifs : magnifique, meilleur film, érotique (ah bon ?), passionnant, remarquable, acéré, saisissant, habile, insolent, sensuel, élégant, moderne, brutal, implacable, bluffant... Bon j'arrête là parce que ça me saoûle.

Côté public, c'est une autre chanson. 210.000 entrées. Pas si mal. Mais il doit y avoir un tas de midinettes comme moi qui aiment les films en costumes. Mais si l'on en croit les critiques spectateurs, il y a en gros 18 % qui trouvent ça super, 60 % qui trouvent ça moyen, et 22 % qui détestent.


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