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Exposition « Peindre et acheter » Nina Childress Le Parvis | Tarbes

Publié le 23 avril 2016 par Philippe Cadu

Du 29 avril au 25. juin 2016 - Vernissage Jeudi 28 avril à 19h en présence de l'artiste

http://www.parvis.netExposition « Peindre et acheter » Nina Childress Le Parvis | Tarbes

Peindre et acheter
Presque immanquablement, lorsque paraît un article sur Nina Childress, il commence par évoquer les années 1980 : son passé de chanteuse du groupe Lucrate Milk et sa qualité de membre du collectif de peinture Les Frères Ripoulin. Cette exégèse n'a finalement rien d'étonnant tant il est vrai que l'artiste conserve de ces deux expériences un goût prononcé pour la subversion, la mise en scène, et toujours une belle envie de s'amuser qui anime encore aujourd'hui sa peinture. Depuis plus de 30 ans qu'elle peint, Nina Childress s'est approprié quasiment tous les styles : de l'hyperréalisme, à la peinture gestuelle en passant par l'abstraction, le pop art, le

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fauvisme, le minimalisme conceptuel... cherchant les effets véhiculés par chaque nouvelle manière de peindre. Tous les sujets sont également possibles, de la scène de genre au portrait, du paysage de carte postale à la caricature, de la nature morte à la peinture historique. Autant d'images étranges qu'elle puise dans d'improbables sources, tels les films d'exploitation américains, les vieux livres documentaires, mais aussi l'histoire de la peinture, internet, le théâtre, et surtout, l'opéra qu'elle affectionne particulièrement.
Nina Childress produit une peinture virtuose, aux teintes criardes et aux couleurs fluorescentes et n'hésite pas à tomber dans le spectre du kitsch et du mauvais goût quand elle transforme l'aspect photo-réaliste de ses représentations en un autre beaucoup plus trash ... Une mutation sans doute héritée de ses années punk.
Il s'agit là de ses dernières peintures que l'artiste divise entre les " good " et les " bad ", autrement dit les
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bonnes et les mauvaises - et ce n'est pas une question de valeur ! Les " bad " dérivent des " good " et se font remarquer par leur insolence. Sans cette première version sage, les " bad " ne pourraient pas exister. Et, selon un principe d'équivalence, les deux manières forment les parties d'un tout, naturel et cohérent. Le beau et le laid n'ont-ils pas d'ailleurs toujours quelque chose à voir ensemble ? Or, c'est précisément dans cette dichotomie picturale (à moins qu'il ne s'agisse d'une sorte de schizophrénie du style) que se développe l'exposition.
Pour le Parvis, l'artiste propose l'amorce d'une exposition diptyque qui va se déplacer durant l'été 2016 au Carré, Scène nationale - Centre d'art contemporain du Pays de Château- Gontier, en Mayenne. En rejouant les notions contraires de deux verbes qui " ne vont pas bien ensemble ", l'exposition sera intitulée ici Peindre et
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acheter, opposant l'activité noble de la peinture à l'activité plus prosaïque de la consommation. La suivante, à Château-Gontier, sera baptisée de manière humoristique Le requiem du string.

Stimulée par les lieux où elle expose, et qui interfèrent toujours avec sa peinture, Nina Childress souligne à travers son intervention l'incongruité de ce centre d'art contemporain installé dans un supermarché et intégré à une scène nationale. Sa mise en scène anti-conventionnelle bouleverse le rapport du tableau au mur. Seules les " bad paintings " ont les honneurs d'un accrochage classique tandis que les " good " sont installées sur pied ou sur tige, laissant paraître leur verso,moins intéressant.
Le visiteur découvre alors un inventaire de nudités évoluant dans des intérieurs énigmatiques ou des ateliers

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d'artistes Beatnik plus ou moins reconstitués en studio à coups d'éclairages trop intenses. Les décors, coiffures, vêtements et attitudes corporelles semblent projeter sa peinture quelques décennies en arrière.
Une quinzaine d'huiles sur toile - la plupart inédites - deux affiches et une installation vidéo présentent des scènes de nus avec de charmantes dames et parfois d'étranges messieurs. Seules les femmes étalent leurs chairs ; ce qui renvoie à l'hyper consommation du corps féminin dans les médias, la littérature, et surtout dans l'art. Exemples : une jeune femme nue fouille dans un placard alors que son mari l'observe ; deux gracieuses dames dansent le menuet en sous-vêtements ; un sculpteur dans son atelier apprécie les courbes de son modèle à demi-nu. Toutefois, le plus étonnant dans ces images gentiment exhibitionnistes, c'est qu'elles présentent des changements tout-à-fait déconcertants dans la manière de peindre.
Exposition « Peindre et acheter » Nina Childress Le Parvis | Tarbes
En effet, alors que les peintures sur pied sont de facture classique, celles qui sont accrochées aux murs contrastent follement. Elles contiennent des accents violents et grotesques, forcent le trait, stylisent, caricaturent... Cependant, toutes reprennent presqu'à l'identique les scènes représentées dans les précédentes. Autant de déclinaisons des talents picturaux de l'artiste.
Autre curiosité, dès l'entrée du centre d'art les tableaux se déploient dans l'espace selon une perspective qui permet d'observer ces scènes voyeuristes dans un rapport d'échelle équivalent. Ainsi, la première peinture que l'on voit, étant du format d'un écran d'ordinateur, paraît-elle aussi grande que celle au fond de la salle dont la surface est 25 fois supérieure. Un jeu optique qui déstabilise toute perception classique. Nina Childress semble vouloir se saisir du rapport direct qu'entretiennent les arts vivants avec le corps du spectateur pour transformer le lieu d'exposition en une scène de théâtre dont les acteurs seraient les peintures dressées devant nous. Peutêtre une façon pour l'artiste de rester dans la réalité et la vie de la peinture ?
De part et d'autre du centre d'art deux très grands formats, 3×4 mètres, sont accrochés aux murs. Il s'agit de Crying I et II, soit une peinture sur papier et une affiche imprimée d'une jeune femme blonde éplorée sur un canapé aux couleurs flashy. D'un battement de cils, alors que nous regardons une image puis l'autre, "l'héroïne s'effondre en pleurs, comme submergée d'affliction devant les méchantes peintures". Complétant l'effet, une vidéo installée sur un chevalet rose magenta présente le visage de l'actrice emperruquée, tout à son accès de désespoir alors qu'une musique suave se mêle à ses sanglots. Plus loin, la vidéo Good wife présente une jeune femme en train de peindre, mais quoi ? Nina Childress regrette que " en tant que femmes, nous soyons moins aidées et moins reconnues. Bref, que la peinture reste un pré-carré masculin dans lequel il faut entrer par la petite porte. ". À travers Peindre et acheter Nina Childress se ré-approprie le corps féminin comme symbole d'un art fait par les hommes pour les hommes. Par la séduction de ses peintures elle revalorise la femme - et même la femme exploitée pour sa plastique. C'est une vision désacralisée et tendre du nu féminin, loin des phantasmes masculins d'usage.
Ces images un peu floues d'une époque révolue, le ridicule des ces mises en scènes issues de films tournés à la va-vite, la gaucherie brave des modèles et la franchise de cette peinture montrent une femme tout simplement humaine.
Magali Gentet, responsable du centre d'art contemporain et
commissaire de l'exposition


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