À l’occasion du 30ème anniversaire de l’ouverture, en son sein, du musée des Arts de la Mode, fondé en 1986 à l’initiative de Pierre Bergé et de l’industrie française du textile.
C'est à un voyage au fil du temps que nous sommes conviés pour répondre peut-être à l'interrogation de Gabrielle Chanel : " J’aimerais réunir les couturiers et leur poser la question : Qu’est-ce que c’est la mode ? Expliquez-moi. Je suis persuadée qu’il n’en y a pas un qui me donnerait une réponse valable… Moi non plus d’ailleurs".
Entre clivage social et goût pour le beau, des codes de la Cour à ceux de la rue, ce sont trois siècles d'apparat et d'apparence que nous sommes invités à parcourir.On commence par la période de la Régence, avec l'assouplissement de l'étiquette qui avait été imposée auparavant strictement par Louis XIV.Ainsi les élégantes se permettent-elles de porter en journée à la cour, mais hors des grandes occasions, la robe volante qui dès 1715 s'inspire de vêtements relevant de la sphère intime.
Posée sur un panier circulaire, elle se caractérise par des manches dites "en raquette" et surtout par des plis dans le dos dits "à la Watteau".
La garde-robe masculine conserve du règne précédent le justaucoprs, la veste et la culotte. Le justaucorps se modifie quelque peu par l'élargissement de ses basques. Les manches ont de grands parements ouverts, arrondis ou droits.Avec l'avènement de Louis XV, la robe volante disparait faisant place à la robe à la française. qui deviendra la robe d'apparat. Composée d'un manteau ouvert sur une pièce d'estomac et une jupe assortie, elle conserve de la mode précédente les "plis à la Watteau", ainsi que le panier. Le corsage durant cette période est ajusté sur le devant et sur les cotés. Les manches sont dites "en pagode". Vers 1760, l'habit à la française pour l'homme, composé de l'habit, du gilet et de la culotte, perd de son ampleur. Les pans de devant de l'habit prennent une coupe oblique et les parements des manches diminuent et se ferment.Cette Robe à la française est composée d'un manteau de robe "à plis à la Watteau" et d'une jupe a été portée vers 1760. Son originalité vient du textile employé. Il s'agit d'un taffetas de soie chiné à la branche, procédé qui allie des techniques de teinture, d'impression et de tissage et qui était très apprécié dans la seconde moitié du XVII° siècle. Ce procédé originaire d'Asie donne au dessin final un aspect, flou et exotique. La propriétaire montre ses richesses au travers de ces broderies si fines.Tout au long du XVIII°, justaucorps puis habits laissent apparaitre le vêtement de dessous. Sous la Régence et le début du règne de Louis XV, cet élément de costume sera nommé "veste". L'encolure ouverte jusqu'au creux de l'estomac permet de voir la chemise et la cravate. Sa longueur est importante car ses basques descendent jusqu'à mi-cuisse.
Les jeux de broderie sont raffinés, parfois assortis aux boutons, toujours faits à la main, naturellement.
Après les années 1739, la "veste" change de nom et devient le "gilet". Ce dernier n'aura de cesse ensuite de raccourcir et deviendra de plus en plus ajusté. A la fin du XVIII° siècle, le gilet se porte court, au niveau de la taille et sa haute encolure ne laisse visible qu'une petit partie de la cravate. On ne le remarque pas sur la photo mais le dos n'est pas décoré puisqu'il n'est pas offert au regard.Des accessoires ont également exposés. Tout ce qui fait preuve d'exotisme est à la mode. Comme le velours ou l'ottoman. On ira jusqu'à vêtir ses petits singes comme de petits hommes, cherchant par là à affirmer une supériorité humaine. Celui-ci est en taffetas de soie et est daté des environs 1730-1750.La femme indique son humeur en jouant de son éventail pour cacher ou découvrir la mouche et envoyer ainsi le message de circonstance. Des boites à mouche sont suspendues ainsi que des boites à tabac et des fioles à parfum au-dessus de poupées de mode en carton plat décoré de textile pour diffuser le commerce français. En dessous, des pièces d'estomac amovibles, lacées, ou cousues, pour pouvoir en changer facilement, également les réparer. L'influence perse est nette sur le modèle de droite.La robe à la française s'impose à la Cour, vers 1778 en pékin de soie façonné, taffetas de soie et satin de soie, cannelé simpleté, cannelé fantaisie et bandes à dessin par flottés de chaine, broderie de clinquants, paillettes et cannetilles. Toutes ces tenues étaient pensées pour briller et se voir à la lumière des bougies, d'où l'abondance de facettes. Elle est belle mais ne permet que de se montrer. Impossible de se promener et encore moins de s'asseoir avec un tel vêtement.
Après les années 1770, le "grand habit" (corsage rigide très serré, large jupe et traine) est jugé démodé et n'est dès lors plus exigé à la cour. Une robe somptueuse, comme celle-ci, taillée dans une riche soierie et agrémentée de broderie, de clinquants, de dentelles et de "sourcils de hanneton", convenait parfaitement pour être reçue parmi les courtisans.
Sous Louis XVI la robe à la française prend progressivement la place du grand habit et devient alors une tenue d'apparat. Vers 1770, les femmes cèdent à l'anglomanie en adoptant la robe à l'anglaise. Elle se caractérise par un corsage ajusté dans le dos et baleiné aux coutures. Relevée à l'arrière, elle est un peu moins salissante.
Les formes se diversifient très rapidement et d'autres typologies apparaissent telle la robe à la polonaise, toutes influencées par un exotisme plus ou moins lointain. Un astucieux système de tirettes permet de relever la robe. Et les perruques sont souvent amovibles pour pouvoir passer sous les portes. L'habit à la française garde sa structure traditionnelle mais prend un caractère plus cérémoniel. Il est alors plus ajusté et les pans de devant glissent vers l'arrière.Voici une très belle robe de mariée qui influencera plus tard un grand couturier comme Paul Poiret. mais d'ici là les femmes auront subi le retour du corset. Le petit manteau marron très raccourci qui est porté sur cette robe est d'inspiration militaire. A propos nous apprenons l'origine du terme "spencer" pour désigner une veste courte croisée très en vogue en France au début du XIX° siècle. Son origine est attribuée à la femme d'un lord anglais, George Spencer, qui, dans un accès de créativité, a coupé les pans brulés de son habit en se chauffant trop près de la cheminée.
On remarque sur les photos un papier peint panoramique datant du XIX° siècle (derrière ces vêtements Directoire) qui est censé représenter la réalité, malgré quelques inexactitudes. La Révolution bouleversera les codes avec l'arrivée du pantalon qui n'était pas porté jusque-là par les nobles (ils étaient en culottes). On revient à l'Antique. On libère la taille et on abandonne les corsets. On adopte la mousseline de coton, comme pour cette robe datée 1795-1800.
Et les hommes s'habillent en couleur, en harmonie avec leurs opinions politiques.
Dans la dernière salle de cette première partie on découvre une magnifique robe de cour Empire, toujours d'inspiration antique mais richement brodée.On observe la ligne historicisante si particulière dite "en sablier", typique de la période romantique. Le XIX° n'aura bientôt de romantique que le nom. Les manches ballonnent jusqu'à devenir "gigot". Les jupes reprennent du volume. Les tailles se marquent de nouveau. C'est une torture de les porter. Les femmes ne pourraient pas travailler ainsi vêtues. Le comble de la séduction est d'avoir l'air malade, la peau très blanche (on s'abrite du soleil sous de grands chapeaux) et des cernes sous les yeux. Certaines le sont réellement d'ailleurs en pleine épidémie de tuberculose. C'est peut-être ce qui explique que la scénographie présentent ces modèles dans une sorte de brouillard.Cette percale de motifs florauxtémoigne de la mode des cotonnades à petits motifs imprimés au rouleau, qui est aussi significative du développement et des innovations de l'industrie de l'impression sur coton.Des sommes importantes ont été consacrées à la restauration des robes qui suivent et qui peuvent être montrées en (relatif) très bon état, ceci grâce à un mécénat important, notamment de la marque de prêt-à-porter H&M.A partir des années 1850 on change le mode de superposition. Les jupons de cuir et de lin sont remplacés par des crinolines, plus légères, qui entravent moins la marche. Les robes de jour sont plus courtes, permettant aux femmes de pouvoir faire leurs emplettes dans les passages couverts.C'est encore une fois un confort de façade quand on étudie le nombre d'accidents causés par les crinolines coincés dans les voitures ou ayant flambé près d'une cheminée. Apparaissent malgré tout les tournures qui sont moins contraignantes que la crinoline et qui évolueront vers le "faux-cul".On change encore 3 à 7 fois de vêtements au cours d'une même journée. Alors si on part en voyage on transporte d'énormes malles. Le musée y avait consacré une précédente exposition passionnante.Les poupées de mode continuent à circuler. Les femmes ont de minuscules réticules. Et bien entendu une collection d'ombrelles.Pour sortir, on porte aussi la visite, une sorte de manteau à manches évasées qui descend un peu au-dessous des hanches, et qui peut en cachemire (à droite ci-dessus, avec application de franges de soie, soutache et pampilles), une matière très en vogue au début du XIX° siècle.Pour voyager on emploie des vêtements plus sombres, moins volumineux. Les teintes sont décrites avec un lexique très imagé : souris muette, crapaud écrasé ...Les robes du début de la Belle Epoque se caractérisent encore par une taille marquée, alors que la tournure disparait. Puis la ligne sinueuse de l'Art Nouveau, inspiré par les courbes des plantes, tord le corps féminin en S jusqu'à ce que le buste se redresse progressivement à partir de1906.Sur la gauche, une robe, vers 1909-1913, des Soeurs Callot en satin de soie recouvert de tulle métallique et de tulle de soie. Collection UFAC. A coté, un Kimono en pongé de soie brodé or, 1905-1910, qui témoigne de l'influence du Japon aussi bien pour ses motifs que ses coupes. A l'extreme droite une Robe du soir Delphos, 1910-1915, en satin de soie plissé, perles en verre de Murano, de Mariano Fortuny, qui a donné son nom au plissé qu'il inventa.On observe en superposition avec une vitre peinte, trois robes de Paul Poiret, comme cette robe du soir Joséphine, 1907, en satin de soie, filet de soie, galon.Une mise en scène qui fait curieusement penser à une autre exposition en cours en ce moment au musée, avec les poupées Barbie, met en avant des poupées de mode Lafitte-Désirat datant de 1910-1917, créées par les soeurs Daussat qui ont accolé leurs noms de femmes mariées pour former celui de leur société.Ce sont des figurines de mode en cire peinte qui reflètent la mode des années 1910. En cire coiffées de cheveux, étoffe de laine et de soie, fourrure, plumes et peau, ces poupées rappellent, dans les postures et les parures, les égéries de la Belle Epoque évoquées notamment par Marcel Proust.Les années 1910 sont marquées par la ligne droite, en référence au Premier Empire. La souplesse de la coupe et des tissus caractérisent cette époque. Cette robe de haute-couture de style Han Kéou, a été créée par Paul Poiret, en 1922, en satin façonné liséré, velours et peluche de soie.Manteau Elsa Schiaparelli, automne-hiver 1938-1939, drap de laine, velours de soie brodé de lames, de paillettes et de fleurs en porcelaine, boutons en résine doré. Progressivement les robes vont devenir plus droites. Les femmes vont couper leurs cheveux.La nef présente la mode moderne et contemporaine depuis les années 40 jusqu'à aujourd'hui, en passant de la haute-couture au prêt-à-porter.Je me suis arrêtée sur quelques modèles. Comme cette robe de cocktail Mélanire, haute couture automne-hiver1959-1960, en satin de soie et velours de soie brodé de soutaches et de perles, de Yves-Saint-Laurent pour Christian Dior.Ou encore cette robe du soir courte, haute couture printemps-été, 1969, en sergé de coton d'Abraham bordé par Ginisty de perles, de paillettes et de franges de soie, de Christian Dior.Paco Rabanne est également représenté, avec cette robe haute couture printemps-été, 1968, en plaques d'aluminium martelées ou lisses, et maillons d'aluminium. Et avec cette cape du soir haute couture printemps-été, 1969, résine incluse de fleurs séchées, plumes d'autruche, maillons métalliques.On retrouve avec plaisir la si fameuse robe longue de Guy Laroche, portée par Mireille Darc dans le film Le grand blond avec une chaussure noire d'Yves Robert, 1972, en crêpe de soie.Au centre, en haut de l'escalier, la robe du soir Embarquement immédiat de Thierry Mugler, prêt-à-porter automne-hiver 1987-1988 en velours de soie noir de Christophe Andrae, satin de soie d'Abraham, fleurs de soie.On se souvient aussi du costume de la pièce chorégraphique de Régine Chopinot imaginée par Jean-Paul Gaultier en 1985, un corset en satin de soie et satin de coton liséré orné de ruban frivolité, jambières en tulle synthétique bouillonné. Il est présenté à coté d'une Robe fourreau à capuche, automne-hiver 1986, d'Azzedine Alaïa, en jersey d’acétate moiré.Martin Margiela a sa place avec un ensemble veste, manches, jupe, prêt-à-porter automne hiver 1997-1998, en toile de coton, coiffe en anciens cols de fourrure.Homme plus, costume deux-pièces, prêt-à-porter, printemps-été 2006, sergé de coton imprimé de coloris vifs ou délavés de Comme des garçons côtoie une robe du soir, haute-couture, printemps-été 2000, tulle de soie, patchwork de crêpes de soie imprimés, gaines de baleines en satin de Christian Lacroix.L'exposition s'achève en rouge vif avec une très étonnante robe, printemps-été 2015 de Comme des Garçons, qui a été choisie pour l'affiche et qui est ici à coté d'une Robe-manteau, Haute couture, printemps-été 2015 en drap de laine de John Galliano pour la Maison MargielaFashion Forward, 3 siècles de mode (1715-2016)Musée des Arts décoratifsdu 7 avril au 14 août 2016
107 rue de Rivoli
75001 Paris
Tél. : 01 44 55 57 50
www.lesartsdecoratifs.fr
Heures d’ouverture du mardi au dimanche de 11h à 18h, nocturne : jeudi de 18h à 21h, fermé le lundi
Accès gratuit pour les moins de 26 ans.
De nombreuses activités ont lieu en parallèle à l'exposition.