Avec 300 000 utilisateurs, on en croise du monde sur Babelio. Pour que la communauté demeure, malgré son ampleur, un endroit convivial où l’échange est à l’honneur, nous avons décidé de vous donner la parole. Puisqu’un lecteur n’est jamais las de conseils de lecture, voici le portrait livresque de l’un de nos lecteurs.
Rencontre avec CDemassieux, inscrit depuis le 11/10/2013.
Cabinet de curiosité de CDemassieux
Comment êtes-vous arrivé sur Babelio ?
J’ai découvert le site Babelio par hasard, en cherchant des commentaires de livres sur Internet.
Quel(s) genre(s) contient votre bibliothèque ?
Beaucoup. Je ne me donne aucune limite de genre, justement. Lire ne doit pas, selon moi, être un acte restrictif. Qu’importe le genre pourvu qu’il y ait l’ivresse de la lecture ! Et ça, je l’applique à tout. Je ne vois pas pourquoi, sous prétexte que j’aime les films de Truffaut, je ne pourrais pas m’embarquer dans la saga Star Wars. S’enfermer dans un genre va à l’encontre de l’idée que je me fais de la lecture. Les livres sont des vases communicants. Un roman de science-fiction peut ainsi vous amener à la philosophie. D’ailleurs, certains textes échappent à tous les genres : Voyage au bout de la nuit (Céline) par exemple. Plus généralement, il faut explorer les mondes littéraires avec curiosité et non des idées arrêtées.Vous lisez beaucoup de livres historiques : qu’aimez-vous dans ce genre en particulier ?
On ne vient pas de nulle part. Chacun de nous appartient à une histoire à la fois intime (sa famille) et collective (son pays, avec ses us et coutumes). A partir de là, il est important de connaître ce que certains appellent leur roman national. L’histoire est pour moi comme une corde qui me sécurise lorsque je grimpe vers l’avenir. C’est aussi un excellent outil de compréhension d’autres cultures et civilisations. Comment comprendre son présent en ignorant son passé ? C’est impossible. Enfin, l’histoire est le socle des romans et nouvelles que j’écris. Même si elle n’en est pas toujours le sujet principal, elle s’invite dans l’intrigue, comme un tuteur qui aiderait mes récits à pousser. Et j’adore quand un historien, tout en s’appuyant sur les faits, insuffle un élan romanesque à son essai. On s’y croirait !
Quelle est votre première grande découverte littéraire ?
Je vous parle d’un temps… C’était en 4e (classe que j’ai tellement appréciée que je l’ai refaite !). J’avais une professeur(e) de français très vieille école qui considérait que nous étions en âge de lire des romans plus adultes. Fini Poil de carotte (Jules Renard) ou Tistou et les pouces verts (Maurice Druon) ! Madame Poirier (c’est comme ça qu’elle s’appelait et il ne fallait pas la prendre pour le fruit de cet arbre !) nous a fait lire des romans tout au long de l’année, dont certains ont eu un indéniable retentissement sur moi. Je pense à Vipère au poing, d’Hervé Bazin et surtout : Germinal, de Zola. C’était un peu l’apprentissage de la maturité. Cependant, je ne dois pas oublier ma rencontre déterminante, à l’âge de six ans, avec Hergé et les aventures de Tintin, qui a fait plus pour mon imagination que n’importe qui d’autre. Depuis, le reporter à la houppette et moi ne nous sommes plus quittés !Quel est le plus beau livre que vous ayez découvert sur Babelio ?
Il y en a deux et je les dois à cette remarquable initiative qu’est Masse critique : 2001-3001, les odyssées de l’espace, d’Arthur C. Clarke ; Le voleur de paradis, de Christiane Klapisch-Zuber. J’en profite donc pour remercier encore une fois l’équipe de Babelio !
Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?
Madame Bovary, de Flaubert. Ce texte est pour moi la quintessence de la littérature romanesque. Une histoire pourtant sans éclat (d’une banalité affligeante, diraient certains) mais dont le style coule tellement de source que c’est à vous décourager d’écrire ! Les phrases sont impeccablement ciselées et tellement musicales. Par exemple : « La tendresse des anciens jours leur revenait au cœur, abondante et silencieuse comme la rivière qui coulait, avec autant de mollesse qu’en apportait le parfum des seringas, et projetait dans leur souvenir des ombres plus démesurées et plus mélancoliques que celles des saules immobiles qui s’allongeaient sur l’herbe. » Avouez que ça claque !
Quel livre avez-vous honte de n’avoir pas lu ?
Je n’ai pas honte de ne pas avoir lu tel ou tel livre car j’en ai lu d’autres qui méritent eux aussi d’être lus. Lire c’est comme le mythe de Sisyphe (condamné par les dieux à pousser éternellement un rocher en haut d’une colline et qui redescendait toujours avant d’atteindre le sommet) : on n’en vient jamais à bout. Maintenant, il faudrait qu’avant de mourir je me décide à aller voir du côté de la littérature russe car je n’ai lu ni Tolstoï ni Dostoïevski.
Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?
L’Ève future, de Villiers de L’Isle-Adam. Un homme s’éprend d’une femme superficielle qu’il remplace, grâce à un ingénieur, par un androïde (baptisé « andréide ») doué d’une profondeur d’âme supérieure à la créature de chair ayant inspiré sa conception. Ou quand la machine comble les manques. C’est Blade Runner avant l’heure. Ce roman de 1886, d’un écrivain longtemps méconnu, montre que le sujet traité importe peu : si l’auteur a du talent, tout est possible.
Tablette, liseuse ou papier ?
A part des articles ou des textes encyclopédiques, je préfère le papier. Ajoutons à cela que je garde les livres que je lis (sauf les erreurs regrettables de lecture, heureusement rares !), la dématérialisation du livre n’est définitivement pas pour moi. Maintenant, lorsque je recherche un passage précis dans un texte, je dois reconnaître qu’une version électronique fait gagner un temps fou. L’idéal serait d’avoir les deux : une bibliothèque physique et une autre virtuelle.
Quel est votre endroit préféré pour lire ?
Il n’y en a pas de spécifique, à condition que les nuisances sonores n’atteignent pas des sommets ! Mais quelquefois, je me suis payé le luxe de lire des romans dans leur contexte. Par exemple, j’ai terminé Vingt mille lieues sous les mers devant…la mer !
Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?
J’en ai quelques-unes. Mais pour ne pas alourdir cet entretien, je me contenterai de deux. La première est extraite d’un poème, dont je conseille à tous les hommes de l’apprendre par cœur et la réciter à leur dulcinée. La seconde est une triste réalité applicable à chacun de nous :
« Que m’importe le jour ? que m’importe le monde ?
Je dirai qu’ils sont beaux quand tes yeux l’auront dit. » (Alfred de Vigny, La Maison du Berger )
« Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d’inoubliables chagrins. Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants. » (Marcel Pagnol, Le Château de ma mère)
Quel sera votre prochaine lecture ? Comment l’avez-vous choisie ?
Le Hussard sur le toit, de Jean Giono. Je l’ai choisi de manière pas très originale. En effet, j’ai récemment vu l’adaptation cinématographique de Jean-Paul Rappeneau et comme l’histoire m’a captivé, je souhaite lire le livre. Giono est par ailleurs un écrivain que j’apprécie, même si je le connais peu.
D’après vous qu’est-ce qu’une bonne critique de lecteur sur Babelio?
En fait, je ne saurais définir de critique idéale. Ce n’est certainement pas une critique qui se permet de donner des notes sur vingt à Victor Hugo ou qui commence par : « J’ai détesté ce livre qu’on m’a obligé à lire au lycée », en flinguant le livre en question, au mépris de toute objectivité, juste pour passer ses nerfs. Le problème en général c’est le caractère décomplexé que procure Internet. Cela étant dit, je respecte les choix de lecture de chacun (sauf les fans de Mein Kampf, faut pas déconner !). J’apprécie ces critiques qui admettent la valeur indiscutable d’un livre sans y avoir adhéré. Dans tous les cas, on a le droit de détester un livre, de le faire savoir, mais il faut argumenter intelligemment. Et quelquefois, je lis des critiques sur Babelio qui me font trépigner de jalousie parce que j’aurais voulu les avoir écrites !
Une anecdote particulière en rapport avec Babelio ? (rencontre avec auteur ou lecteurs, échange entre lecteurs, découverte littéraire…)
J’aime certains échanges en commentaire avec d’autres lecteurs, même si cela relève de désaccords profonds. Pour l’instant, en espérant que cela continue, ces échanges ont toujours été courtois. Je crois que c’est ça la force de Babelio : ce site ne réunit pas des idéologues ou des partisans, mais des lecteurs, autrement dit des personnes qui s’adonnent à un plaisir « inutile » qui ne répond pas à des normes ; un plaisir donc essentiel, particulièrement dans une société où le matérialisme est devenu la nouvelle religion. Alors, longue vie à Babelio !